TEXTES EN LATIN

Textes antiques

Le corpus antique ci-dessous constitue ce que dans notre première partie nous avons appelé le “système Donat” (cf. supra p. 73). Apparemment ignorants des préceptes aristotéliciens, ces auteurs latinophones utilisent une terminologie issue du grec qui procède d’une tradition différente de celle d’Aristote.

(édition citée dans la bibliographie ; traduction F. Villeneuve) :
Également connue sous le nom d’Épître aux Pisons, l’Art poétique est rangé parmi les Épîtres d’Horace. Peu de vers de ce texte célébrissime ont rapport à la composition dramatique. Mais quelques préceptes de poétique générale applicables entre autres au théâtre tirent leur origine de ces maximes. Nous ne retenons ici que les plus immédiatement en relation avec la question du dénouement.

Ars 140 et 146-152 :

Quanto rectius hic, qui nil molitur inepte (…).
Nec reditum Diomedis ab interitu Meleagris,
nec gemino bellum Troianum orditur ab ouo ;
semper ad euentum festinat et in medias res
non secus ac notas auditorem rapit, et quae
desperat tractata nitescere posse relinquit,
atque ita mentitur, sic ueris falsa remiscet,
primo ne medium, medio ne discrepet imum.
“Combien mieux cet autre qui ne met rien en mouve­ment hors de propos (…). On ne le voit point remonter pour dire le retour de Diomède à la mort de Méléagre, ni, pour raconter la guerre de Troie, aux deux œufs de Léda. Il se hâte toujours vers le dénouement, il em­porte l’auditeur au milieu des faits, comme s’ils étaient connus ; les incidents qu’il désespère de traiter brillam­ment, il les laisse ; et il sait feindre de telle manière, mêler si bien le mensonge et la vérité que le milieu est en harmonie avec le commencement et la fin avec le milieu”.

Ars 189-192 :

Neue minor sit quinto productior actu
fabula, quae posci uolt et spectanda reponi ;
nec deus intersit, nisi dignus uindice nodus
inciderit ; nec quarta loqui persona laboret.
“Une longueur de cinq actes, ni plus ni moins, c’est la mesure d’une pièce qui veut être réclamée et remise sur le théâtre. Qu’un dieu n’intervienne pas, à moins qu’il se présente un nœud digne d’un pareil libérateur. Et qu’un quatrième person­nage ne s’évertue point à parler”.

(édition citée dans la bibliographie ; traduction Christian Nicolas) :

Grammairien de Constantinople mort en 356, Evanthius est l’auteur d’un De fabula et d’un De comoedia dont le grammairien Donat a intégré des extraits en guise de préface à son Commentaire de Térence. C’est souvent cet Evanthius qui est cité sous l’appellation Donat par les doctes de la Renaissance. Le texte d’Evanthius, dans lequel le De comoedia, commençant au chapitre V, prend la suite immédiate du De fabula (chapitres I-IV), représente en tout 364 lignes d’un latin simple et peu recherché. Le propos est le plus souvent historique. Sont rassemblés ici les quelques données de poétique qui concernent la composition de la fable, notamment le dénouement.

Fab. III, 1-2, p. 18-19 : 1 Comoedia uetus ab initio chorus fuit paulatimque personarum numero in quinque actus processit. ita paulatim uelut attrito atque extenuato choro ad nouam comoediam sic peruenit, ut in ea non modo non inducatur chorus, sed ne locus quidem ullus iam relinquatur choro. nam postquam otioso tempore fastidiosior spectator effectus est et tum, cum ad cantatores ab actoribus fabula transiebat, consurgere et abire coepit, res admonuit poetas, ut primo quidem choros tollerent locum eis relinquentes, ut Menander fecit hac de causa, non ut alii existimant alia. postremo ne locum quidem reliquerunt, quod Latini fecerunt comici, unde apud illos dirimere actus quinquepartitos difficile est.

2 tum etiam Graeci prologos non habent more nostrorum, quos Latini habent. deinde theoùs apò mekhanês [car. grecs], id est deos argumentis narrandis machinatos, ceteri Latini ad instar Graecorum habent, Terentius non habet. ad hoc protatikà prósopa [car. grecs], id est personas extra argumentum accersitas, non facile ceteri habent, quibus Terentius saepe utitur, ut per harum inductiones facilius pateat argumentum. (…)

Traduction :

  • “III 1 L’ancienne comédie a consisté d’abord en un chœur et peu à peu, grâce au nombre des personnages, s’est développée en cinq actes. C’est ainsi que, peu à peu, par une sorte d’usure et d’effilochage du chœur, on en est arrivé à la nouvelle comédie où non seulement il n’y a plus d’introduction de chœur mais il n’y a même plus de place pour le chœur. Car une fois que le spectateur, lassé de ces temps morts, eut commencé à se lever et à quitter le théâtre dès que l’action passait des acteurs aux chanteurs, la situation incita les poètes dans un premier temps à abandonner le chœur, tout en lui ménageant une place ‑ c’est ce que fit Ménandre, quoi qu’en pensent certains ‑, enfin à ne plus même lui ménager de place : c’est ce qu’ont fait les comiques latins, si bien qu’il est difficile chez eux de distinguer cinq actes.
  • 2 Par ailleurs, les Grecs ne connaissent pas de ces prologues à la manière de nos contempo­rains que les Latins connaissent. De plus, si tous les autres Latins connaissent à l’instar des Grecs le deus ex machina , c’est-à-dire un dieu de machine destiné à exposer l’argument, Térence, lui, n’en a pas. Pour ce faire, si les autres ne disposent pas facilement de p ersonnages protatiques, c’est-à-dire de personnages extérieurs à l’argument et que l’on con­voque sur scène, Térence en fait un usage fréquent pour que leur mise en scène facilite l’exposition de l’argument (…)”.
  • IV, 2, p. 21 : inter tragoediam autem et comoediam cum multa tum imprimis hoc distat, quod in comoedia mediocres fortunae hominum, parui impetus periculorum laetique sunt exitus actionum, at in tragoedia omnia contra, ingentes personae, magni timores, exitus funesti habentur ; et illic prima turbulenta, tranquilla ultima, in tragoedia contrario ordine res aguntur ; tum quod in tragoedia fugienda uita, in comoedia capessenda exprimitur ; postremo quod omnis comoedia de fictis est argumentis, tragoedia saepe de historia fide petitur. (…)

Traduction :

  • IV 2 “Les principales différences entre la tragédie et la comédie sont les suivantes : dans la comédie les fortunes humaines appartiennent au juste milieu, les attaques et les périls sont de faible portée, l’issue des actions est heureuse, au lieu que dans la tragédie c’est tout le contraire : on y trouve personnages illustres, craintes extrêmes, issues funestes ; dans le genre comique, le début est agité et la fin apaisée, alors que dans la tragédie l’action est menée dans l’ordre inverse ; dans la tragédie, la vie qu’on montre est de celles qu’on cherche à fuir, dans la comédie de celles qu’on cherche à prendre à bras-le-corps ; enfin toute comédie a un argument fictif alors que la tragédie, habituellement, est tirée fidèlement de l’histoire (…)”.
  • IV, 5, p. 22 : comoedia per quattuor partes diuiditur : prologum, protasin, epitasin, catastrophen . est prologus uelut praefatio quaedam fabulae, in quo solo licet praeter argumentum aliquid ad populum uel ex poetae uel ex ipsius fabulae uel actoris commodo loqui ; protasis primus actus initiumque est dramatis ; epitasis incrementum processusque turbarum ac totius, ut ita dixerim, nodus erroris  ; catastrophe conuersio rerum ad iucundos exitus patefacta cunctis cognitione gestorum.

Traduction :

  • IV 5 “La comédie se divise en quatre parties : le prologue, la protase, l’épitase, la catastrophe. Le prologue est une sorte de préface de la pièce ; c’est le seul moment où, en plus de l’argument, il est loisible de dire commodément quelque chose du poète, de la pièce ou de l’acteur. La protase est le premier acte et le début du drame ; l’épitase est le développement et le progrès des embarras et, pour ainsi dire, le nœud de toute la méprise. La catastrophe est le retournement de la situation jusqu’à l’issue heureuse, qui se manifeste par la connaissance des faits chez tous les personnages”.
  • Com. VII, 1-4, p. 27-28 : Comoedia autem diuiditur in quattuor partes  : prologum , prótasin, epítasin, katastrophén [car. grecs].
  • 2 prologus est prima dictio, a Graecis dicta prôtos lógos [car. grecs] uel antecedens ueram fabulae compositionem elocutio, <ho prò toû drámatos lógos> [car. grecs]. eius species sunt quattuor : sustatikós [car. grecs] commendatiuus, quo poeta uel fabula commendatur ; epitimetikós [car. grecs] relatiuus, quo aut aduersario maledictum aut populo gratiae referuntur ; dramatikós [car. grecs] argumentatiuus, exponens fabulae argumentum ; miktós [car. grecs] mixtus, omnia haec in se continens.
  • 3 inter prologum et prologium quidam hoc interesse uoluerunt, quod prologus est, ubi poeta excusatur aut fabula commendatur, prologium autem est, cum tantum de argumento dicitur.
  • 4 prótasis [car. grecs] est primus actus fabulae, quo pars argumenti explicatur, pars reticetur ad populi exspectationem tenendam ; epítasis [car. grecs] inuolutio argumenti, cuius elegantia conectitur ; katastrophé [car. grecs] explicatio fabulae, per quam euentus eius approbatur.

Traduction :

  • VII 1 “La comédie se divise en quatre parties : le prologue, la protase, l’épitase, la catastrophe.
  • 2 Le prologue est le premier texte. Le mot vient du grec prôtos lógos (‘premier discours’), ou signifie un morceau oratoire qui précède la véritable composition de la fable (ho prò toû drámatos lógos ‘le discours d’avant la pièce’). Il y en a quatre espèces : le prologue sustatikós ou commendativus (‘de recommandation’), dans lequel le poète ou la pièce se recommandent au public ; l’epitimetikós (‘de reproche’) ou relativus (‘en rapport’), dans lequel sont rapportées ou bien des insultes envers un adversaire ou des formules de gratitude au public ; le dramatikós (‘en action’) ou argumentativus (‘d’argument’), qui expose l’argument de la fable ; le miktós ou mixtus (‘mixte’), qui comprend tous les autres.
  • 3 Entre prologus et prologium (‘préambule’), il y a cette différence selon certains qu’il y a prologus quand le poète se disculpe ou que la fable se recommande au public ; quant au prologium, il ne fait qu’évoquer l’argument.
  • 4 La protase est le premier acte de la fable, où l’on développe une partie de l’argument tout en en cachant une autre pour maintenir l’intérêt du spectateur ; l’épitase est le développement de l’argument dont l’élégance se tient ; la catastrophe est le débrouille­ment de la fable grâce auquel l’issue est rendue acceptable”.

(édition citée dans la bibliographie ;traduction Christian Nicolas) :

Grammairien latin de première importance, Donat est, en plus de son œuvre grammaticale, l’auteur d’un commentaire sur le comique latin Térence qui a été l’un des ouvrages les plus lus du Moyen Âge  905 . Ce commentaire consiste en une étude historique, littéraire, rhétorique de chaque vers de chaque pièce de Térence. L’intérêt pour la poétique est mince, sauf dans les préfaces qui entament chaque commentaire. Les extraits ci-dessous sont tous extraits des préfaces.

Préface au Commentaire de l’Andrienne, tome I, p. 35 et suiv. :

  • I, 5, p. 35-36 : hic prótasis [car. grecs] subtilis, epítasis [car. grecs] tumultuosa, katastrophé [car. grecs] paene tragica, et tamen repente ex his turbis in tranquillum peruenitur. (…)
  • II, 1, p. 37-38 : periculumque Charini et Pamphili et totus error inenodabilis usque ad eum finem est ductus, dum Athenas ueniens, Andrius quidam Crito rem aperiat et nodum fabulae soluat . per quem agnita Pasibula recipitur a parentibus et traditur Pamphilo amanti ; item Philumena Charino despondetur et traditur exoptanti.

Traduction :

  • I 5 “La protase y est mince, l’épitase pleine de tumulte, la catastrophe presque tragique, même si, d’un seul coup, de ces perturbations on arrive à la sérénité (…).
  • II 1 Le péril de Charinus et de Pamphile et toute la méprise indénouable se filent jusqu’au moment où un certain Criton d’Andros révèle toute l’histoire et dénoue le nœud de la fable. Grâce à lui, Pasibula est reconnue et récupérée par ses parents, puis confiée à son amant Pamphile ; par là même, Philomène est fiancée à Charinus et confiée à lui selon ses vœux”.

Préface au Commentaire de l’Eunuque, tome I, p. 265 et suiv. :

  • I, 5-8, p. 265-266 : huius prologus sane est concitatior, nam et obicit crimina aduersantibus et comminatur in posterum et accusatorie narrat iniuriam Terentio factam et ad ultimum tumultuose et cum magna inuidia defendit poetam. haec et prótasin [car. grecs] et epítasin [car. grecs] et katastrophèn [car. grecs] ita aequales habet, ut nusquam dicas longitudine operis Terentium delassatum dormitasse.
  • 5* actus sane implicatiores sunt in ea et qui non facile a parum doctis distingui possint, ideo quia tenendi spectatoris causa uult poeta noster omnes quinque actus uelut unum fieri, ne respiret quodammodo atque, distincta alicubi continuatione succedentium rerum. ante aulaea sublata fastidiosus spectator exsurgat. (…)
  • 8 protatikòn prósopon [car. grecs] nusquam habet, sed suis tantum personis utitur. (…)

Traduction :

  • I 5 “Le prologue de cette pièce est vraiment particulièrement vif ; de fait, d’un côté il fait des reproches à ses adversaires, d’un autre il les menace pour la suite, il raconte de manière accusatrice l’injustice faite à Térence et enfin prend la défense du poète très vivement et avec agressivité. La pièce montre dans la protase, l’épitase et la catastrophe une si grande égalité que l’on pourrait dire qu’à aucun moment, malgré l’épuisement d’une œuvre si longue, Térence ne s’est endormi.
  • 5* Les actes y sont particulièrement imbriqués et difficiles à distinguer si l’on n’est pas spécialiste, parce que pour tenir en haleine le spectateur notre poète veut que les cinq actes n’en fassent pour ainsi dire qu’un, dans une succession quelque part distincte d’événe­ments continus. Je mets au défi le spectateur fatigué de quitter le théâtre avant le lever de rideau  906 ”. (…)
  • 8 Il n’y a pas de personnage protatique, mais Térence n’utilise que ses propres personnages”.

Préface au Commentaire des Adelphes, tome II, p. 3 et suiv. :

  • I, 4*-5, p. 3-4 : hoc etiam ut cetera huiusmodi poemata quinque actus habeat necesse est choris diuisos a Graecis poetis. quos etsi retinendi causa inconditi spectatoris minime distinguunt Latini comici metuentes scilicet, ne quis reliquae comoediae fiat contemptor et surgat, tamen a doctis ueteribus discreti atque disiuncti sunt, ut mox aperiemus post argumenti narrationem.
  • 5 in hac prologus aliquanto lenior inducitur ; magis etiam in se prugando quam in aduersariis laedendis est occupatus. prótasis [car. grecs] turbulenta est, epítasis [car. grecs] clamosa, katastrophè [car. grecs] lenior. quarum partium rationem diligentius in principio proposuimus, cum de comoedia quaedam diceremus (…).

Traduction :

  • I 4* “Cette pièce aussi, comme toutes les autres de ce genre, doit avoir cinq actes, séparés par des chœurs chez les poètes grecs. Ces actes, même si pour tenir en haleine un spectateur grossier les comiques latins les distinguent fort peu, de crainte sans doute que le spectateur, au mépris du reste de la pièce, ne s’en aille, les spécialistes d’antan ont néanmoins réussi à les repérer et à les dissocier, comme nous le montrerons plus bas après le résumé de la pièce.
  • 5 Dans Les Adelphes, le prologue mis sur scène est relativement calme : il consiste davantage en une auto-justification qu’en une attaque des adversaires. La protase est vive, l’épitase bruyante, la catastrophe plus calme. Nous avons exposé dans le préambule la raison d’être de cette quadripartition, en disant quelques généralités sur la comédie”  907 .

Préface au Commentaire de l’Hécyre, tome II, p. 189 et suiv. :

  • I 4*-8, p. 189-190 : diuisa est autem, ut ceterae, quinque actibus legitimis, quos in subditis distinguemus.
  • 5 in hac prologus est et multiplex et rhetoricus nimis, propterea quod saepe exclusa haec comoedia diligentissima defensione indigebat. atque in hac prótasis[car. grecs] turbulenta est, epítasis[car. grecs] mollior, lenior katastrophé[car. grecs]. (…)
  • 8 protatikà prósopa[car. grecs], id est personae extra argumentum, duae sunt, Philotidis et Syrae.

Traduction :

  • I 4* “comme toutes les autres, la pièce est divisée en cinq actes réguliers, que nous distinguerons ci-dessous.
  • 5 Le prologue y est multiforme et trop rhétorique, parce que cette comédie, souvent exclue des concours, manquait d’une apologie très complète. La protase y est vive, l’épitase un peu languissante, la catastrophe assez calme. (…)
  • 8 Les personnages protatiques, c’est-à-dire ceux qui interviennent hors argument, sont au nombre de deux, celui de Philotis et celui de Syra”.
  • II 6, p. 192 : Docet autem Varro neque in hac neque in aliis esse mirandum, quod actus impares scaenarum paginarumque numero sint, cum haec distributio in rerum discriptione, non in numero uersuum constituta sit, non apud Latinos modo, uerum etiam apud Graecos ipsos.

Traduction :

  • II 6 “Varron signale que ni dans cette pièce ni dans les autres il n’y a lieu de s’étonner que les actes soient inégaux en nombre de scènes et en nombre de pages, dans la mesure où cette distribution dans l’organisation des événements ne s’établit pas sur un nombre de vers, pas plus chez les Latins que chez les Grecs”.

Préface au Commentaire du Phormion, tome II, p. 345 et suiv. :

  • I, 5-11, p. 345-347 : prologus Phormionis nimis concitatus est, adeo ut ipse semet ueluti reprehendat ob hanc ipsam peruicaciam et simul argumentum suae purgationis inducat. atque in ea cum et prótasis [car. grecs] et epítasis [car. grecs] et katastrophè [car. grecs] magni moliminis et negotii sint, ita uariis leporibus asperguntur, ut etiam rerum tristium grauitatem poeta lepidus comica serenitate tranquillet. (…)
  • 8 persona etiam in huius protasi non una est, sed duae, quarum altera extra argumentum posita est, cui narratur fabula, altera in argumento, quae narrat fabulam.
  • 9 argumentum quoque non simplicis negotii habet nec unius adulescentis, ut in Hecyra, sed duorum, ut in ceteris fabulis.
  • 10 scire autem conuenit uno die transigi Phormionem; non ut Heautontimorumenon duobus.
  • 11 prólogos [car. grecs] correpte apò toû prolégein [car. grecs] dicitur, non producte apò toû prôton légein [car. grecs] . nam officium prologi ante actionem quidem rei semper est, uerumtamen et post principium fabulae inducitur, ut apud Plautum in Milite glorioso et apud ceteros magnae auctoritatis ueteres poetas.

Traduction :

  • I 5 “Le prologue du Phormion est trop véhément, au point qu’il se reproche à lui-même cette virulence tout en introduisant sa plaidoirie. Bien que la protase, l’épitase et la catastrophe y soient d’une grande ampleur et pleines d’embarras, elles sont parsemées d’agréments divers au point que notre charmant poète réussit à apaiser de la sérénité de la comédie même les passages empreints de gravité et de désespoir. (…)
  • 8 Dans la protase il n’y a pas un mais deux personnages : l’un, hors argument, est là pour écouter le récit qu’on lui fait, l’autre, dans l’argument, pour faire le récit de la fable.
  • 9 L’argument ne comprend pas une seule action et un seul jeune homme, comme dans l’Hécyre, mais deux, comme dans toutes les autres pièces.
  • 10 Il faut savoir que le Phormion se déroule sur une seule journée, et non sur deux comme l’Heautontimoroumenos.
  • 11 Le terme prólogos avec un o bref procède de prolégein (‘dire en préambule’) et non pas, avec un o long, de prôton légein (‘dire la première chose’)  908 . De fait, la fonction du prologue se situe toujours avant l’action, même si on en a des exemples après le début de la pièce, comme dans le Soldat fanfaron de Plaute et chez tous les autres poètes antiques de grande notoriété”.

(édition citée dans la bibliographie ; traduction Christian Nicolas) :
Grammairien latin, Diomède est le second auteur du volumineux corpus des Grammatici Latini de Keil, dont il forme, avec Charisius, le tome I. Le troisième livre de son Ars Grammatica s’intéresse à la versifi­ca­tion. C’est la raison pour laquelle il y est fait un rapide historique des divers genres poétiques. Les doctes en citent parfois certains passages. Il y a très peu de remarques qui servent notre réflexion. Les références, selon l’usage, indiquent le tome des Grammatici Latini (noté GL), la page concernée et la ligne du début du texte cité.

  • GL I, 491, 20 : Membra comoediarum sunt tria, diverbium canticum chorus. membra comoediae diversa sunt, definito tamen numero continentur a quinque usque ad decem. diverbia sunt partes comoediarum in quibus diversorum personae versantur. personae autem diverbiorum aut duae aut tres aut raro quattuor esse debent, ultra augere numerum non licet. in canticis autem una tantum debet esse persona, aut, si duae fuerint, ita esse debent ut ex occulto una audiat nec conloquatur sed secum, si opus fuerit, verba faciat. in choris vero numerus personarum definitus non est, quippe iunctim omnes loqui debent, quasi voce confusa et concentu in unam personam reformantes. Latinae igitur comoediae chorum non habent, sed duobus membris tantum constant, diverbio et cantico. primis autem temporibus, sic uti adserit Tranquillus, omnia quae in scena versantur in comoediis agebantur.
    Traduction : “Il y a trois subdivisions dans les comédies : le dialogue, les parties chantées et le chœur. Ces subdivisions sont de nature différente, mais elles se limitent à un nombre précis, compris entre 5 et 10. Les dialogues sont les passages des comédies dans lesquels interviennent les personnages. Les personnages du dialogue sont deux, trois, exceptionnellement quatre : il ne faut pas aller au-delà. Quant aux parties chantées, il n’y faut qu’un personnage ou alors, s’il y en a deux, il faut que l’un d’eux, caché pour écouter, reste silencieux et, si besoin est, fasse un aparté. Dans les chœurs, le nombre de personnages n’est pas délimité : car tous doivent parler à l’unisson, d’une seule et même voix et de concert, comme s’ils formaient un seul personnage. Les comédies latines, donc, n’ont pas de chœur et sont composées de seulement deux subdivisions, dialogue et chant. Dans les premiers temps, si l’on en croit Suétone, tout ce qu’on voyait sur scène dans les comédies était joué”.
Notes
905.

Cf. Louis Holtz, Donat et la tradition de l’enseignement grammatical. Étude et édition critique, CNRS, 1981.

906.

Le lever de rideau (aulaeum tollere) marque, chez les Latins, la fin de la pièce.

907.

Cf. Evanthius IV 5 et VII, rappelés ci-dessus.

908.

Dans son excellente édition commentée de la Pratique du théâtre de l’abbé d’Aubignac, H. Baby (2000) est amenée à traduire ce passage, que l’abbé présente en note (cf. p. 245-246, note 9). Mais, se méprenant sur le sens des adverbes correpte et producte (“avec voyelle brève”, “avec voyelle longue”) et ignorant apparemment les usages antiques à l’égard de l’étymologie, elle admet ne pas avoir compris le passage et sa construction syntaxique.