Introduction

‘«’ ‘ Peut-on, derechef, aimer un genre ? ’», se demande Gérard Genette dans un récent ouvrage 1 . La question, appelant des commentaires de nature théorique sur la dichotomie traditionnelle entre ‘«’ ‘ des genres ’» et ‘«’ ‘ des œuvres ’», masque d’autres problèmes qu’il faut rechercher entre les lignes de l’élaboration scientifique des concepts. Théoricien des genres, dont il a proposé des analyses dans plusieurs ouvrages, il semble que Genette ait un compte à régler avec le phénomène générique, où la part d’affect est bien plus grande que ce qu’il laisse au départ supposer. L’‘»’ ‘ amour ’» des genres semble lié chez lui à une impulsion d’ordre affectif, qu’il peine à combattre malgré le recours à ses outils théoriques. Telle est l’interprétation que nous inspire la conclusion proposée à son chapitre sur les genres : ‘«’ ‘ Ce principe, c’est donc qu’on aime d’autant plus passionnément ce qu’on aime contre ses principes, par exception et comme par aberration […]. C’est peut-être là, de ma part, jouer un peu gros sur le mot genre, mais je lui devais bien ce chien de ma chienne’ 2 . »

On peut ainsi réinterpréter la question initiale de Genette, en la déplaçant du terrain scientifique dans laquelle elle est formulée pour la replacer sur celui de la légitimité : a-t-on le droit d’aimer un ‘«’ ‘ genre ’», alors même que l’on prétend étudier des ‘«’ ‘ œuvres ’» dans leur singularité toute littéraire ? Autrement dit, l’analyste est-il autorisé à s’abandonner à cette faiblesse, habituellement réprimée selon des ‘«’ ‘ principes ’» établis comme autant de remparts contre ce tendancieux penchant ?

Une synthèse est à même de s’opérer entre les deux grands versants de l’activité humaine mis au jour par Freud : aimer et travailler. Ce que montre Genette, c’est que l’émergence d’un questionnement scientifique ne peut être séparé des motivations personnelles et affectives liant le chercheur à son objet. Le travail qui suit s’est construit sur un cheminement de cet ordre : recherchant un sujet de DEA, l’évocation du cinéma cubain des années 1930 comme une piste possible a fait surgir les images séduisantes d’une production en noir et blanc, dont pourtant nous ne savions rien. Par des recherches à Cuba, puis au Mexique, le sujet traité dans ce travail s’est peu à peu imposé à notre réflexion. Ainsi, une inclination motivée au départ par un goût personnel s’est progressivement transformée en motif et thème de recherche, dont nous soumettons aujourd’hui au lecteur les résultats.

Notes
1.

Gérard Genette, Figures V, Paris, Seuil, 2002, p. 41.

2.

Ibid., p. 133.