Chapitre 4. Lecture musicale du mélodrame

Les premières remarques formulées quant à la désignation du genre ‘«’ ‘ mélodrame ’» font apparaître la musique comme une composante essentielle de sa désignation générique. Si cette dimension a progressivement disparu dans le champ théâtral pour laisser la place à d’autres éléments, le cinéma renoue avec cette tradition. D’une façon générale, le cinéma met en place un rapport particulier entre l’expressivité liée aux images, et celle issue de l’accompagnement musical, dès l’époque muette. Dans le cas particulier du mélodrame, il convient d’observer la part occupée par la musique dans l’économie dramatique des films, mais aussi dans la configuration d’un univers esthétique particulier. C’est pourquoi nous avons choisi de clore notre première partie abordant le cadre théorique général du mélodrame par un chapitre consacré à sa musique, car cela permet de le situer à la croisée des chemins entre théâtre et cinéma.

Toutefois, la prise en compte de l’élément musical des films ne vaut pas seulement dans une perspective générale, mais aussi dans le contexte particulier des films étudiés. Les historiens du cinéma mexicain soulignent son importance dans l’émergence des genres cinématographiques dominants au Mexique, dont le mélodrame fait partie. Juan Arturo Brennan écrit, à propos de Santa et Allà en el rancho grande :

‘Es justamente de estas dos significativas cintas de esos años que surgen dos importantes vertientes del cine mexicano, reflejadas claramente en los respectivos estilos musicales de los que se sirvieron: el melodrama campirano ranchero, y el melodrama urbano de arrabal, cada uno con una dinámica musical inconfundible, repetida hasta el cansancio a lo largo de cientos de películas 230 .’

L’extrait cité fait apparaître le rôle joué par la musique dans l’identification générique des films au Mexique. Or, si la forme musicale associée à la comedia ranchera est d’origine mexicaine, les musiques et chansons associée au mélodrame de cabaret tirent leur origine de Cuba. Cette différence est lourde de conséquences : elle n’affecte pas seulement l’enveloppe sonore des film mais, par un phénomène qu’il conviendra d’analyser, l’ensemble de leur contenu, et même de leur structure, par la création de personnages nouveaux dans la tradition mélodramatique mexicaine.

Il s’agit de revenir ici sur l’apport des sonorités cubaines dans le patrimoine musical et cinématographique mexicain. Cela permettra, au début de notre deuxième partie, de mettre en place un corpus de films particuliers, où se donne à voir et à entendre le lien entre le Mexique et Cuba. Nous pourrons ainsi nous interroger sur les éventuelles variations que cette situation apporte au cadre générique du mélodrame mexicain.

Notes
230.

Juan Arturo Brennan, « La música cinematográfica en México », Cinémas d’Amérique latine, 2000, n°8 consacré aux rapports entre cinéma et musique, p. 21.