Chapitre 3. La femme fantasmée du mélodrame

La question de la représentation des femmes dans les mélodrames est au cœur de la réflexion sur les représentations sociales en général engagée dans le précédent chapitre, elle en est une des modalités. En effet, étudier comment les femmes se donnent (ou sont données, nous devons nous interroger sur ce point) à voir est un enjeu de taille dans l’analyse des messages audiovisuels qui se sont développés au cours du XXesiècle, et où le cinéma figure en bonne place :

‘L’histoire des femmes ne saurait se concevoir sans une histoire des représentations, décryptage des images et discours qui disent l’évolution de l’imaginaire masculin et de la norme sociale. Sur ce point, le XXe siècle, siècle de la psychologie et de l’image, confirme d’abord que la culture occidentale a développé peu de voies pour représenter les femmes de manière positive 369 .’

Comme c’était déjà le cas pour les représentations sociales au sens large, les nouveaux media construisent une certaine image des normes et des codes en vigueur, auxquels ils proposent au spectateur de s’identifier.

Dans le cas des cinémas mexicain et cubain, cela se manifeste d’autant plus clairement que nombre d’analystes ont souligné le lien qu’entretient le septième art avec les conditions socio-politiques particulières dans lesquelles il se développe. Ils rappellent que l’émergence des films de cabaret à partir du milieu des années 1950 doit être mis en rapport avec le contexte social de son temps, mais aussi avec les stratégies des producteurs de cinéma qui exploitent et mettent en scène des images de la société et du monde largement légitimées. Fernando Fuentes Solorzano et Laura Rustrian Ramírez évoquent à ce propos l’avènement d’un mode de vie nouveau, impliquant un changement dans la façon dont la société se considère, et surtout dans les normes et conduites qu’elle juge désirables :

‘Sociológicamente, esto se manifiesta en la necesidad de dejar atrás la placidez de la provincia para poder llevar en la capital una vida ‘cosmopolita’, ‘a la altura de la modernidad’. El cosmopolitismo implicaba un azaroso deambular nocturno, un despilfarro como nunca antes se había experimentado, una corrupción acelerada, una entrega a las modas del imperialismo de la posguerra y una concepción orgiástica de la existencia 370 .’

L’émergence d’un genre est en prise directe avec le contexte général dans lequel il s’intègre, et pas seulement sur le plan cinématographique. En ce qui concerne celui étudié ici, une forme spécifique de films – les films de cabaret –, s’articule à l’évolution générale de la société qui a connu, si l’on en croit les auteurs, un intense développement de la vie nocturne sous toutes ses formes pendant au moins une partie de la période envisagée, c’est-à-dire du milieu des années quarante au début des années 1950.

Ces remarques préliminaires permettent de comprendre quelle est l’influence de Cuba sur le mélodrame mexicain dans le corpus particulier des films de cabaret, où les figures féminines sont mises au premier plan, selon des modalités qu’il convient d’étudier.

Notes
369.

Françoise Thébaud et Georges Duby (dir), Histoire des femmes en Occident au XX e siècle, Paris, Plon, 1992, p. 15.

370.

Fernando Fuentes Solorzano et Laura Rustrian Ramírez, La Cabaretera en el cine mexicano durante el alemanismo, 1946-1952, Tesis de licenciatura en periodismo y ciencias de la comunicación, Mexico, UNAM, 1985, p. 147.