La représentation des figures féminines s’incarne de façon privilégiée dans un type de personnage où l’influence cubaine est la plus visible : la rumbera. La trace de Cuba peut être perçue par la désignation même de ces femmes, leur nom renvoyant directement à une forme musicale cubaine originale, et très importante dans l’économie narrative et esthétique de nos films : la rumba.
En ce qui concerne la périodisation de ce phénomène, on observe également un élément intéressant. Si l’on considère différents travaux de recherche menés sur ce personnage particulier, et l’univers cinématographique dans lequel il évolue – films de cabaret et de prostitution, en particulier – on remarque que l’avènement et l’apogée de la représentation des rumberas sont datés de façon particulièrement circonscrite. Nous pouvons citer ici l’exemple de l’ouvrage de Julia Tuñón qui se penche sur les représentations féminines dans le cinéma mexicain. Les bornes chronologiques de l’étude qu’elle propose sont 1939 et 1952, ce qu’elle justifie de la façon suivante :
‘Para hacer posible el análisis recorté el tiempo: elegí la llamada ‘edad de oro’, periodo mítico del cine mexicano y tiempo de construcción de modelos, es decir, de concepciones abstractas e ideales que rigen supuestamente el desempeño de quienes habitan en ese mundo en el que se anudan cambios y continuidades. Me decidí por este periodo (1939-1952) debido al impacto que tienen las películas producidas en esos años en la sociedad, pero también porque en él coinciden una serie de características importantes tanto para el país en su conjunto como para el sujeto femenino en particular 384 .’Pour choisir sa période d’étude, elle prend donc en compte deux séries de phénomènes : les conditions socio-politiques dans lesquelles apparaissent les films, mais aussi des éléments plus culturels et directement liés au contexte cinématographique, d’où sa référence à l’‘»’ ‘ âge d’or ’» du cinéma mexicain.
Le fait de faire coïncider le déclin des films de cabaret 385 avec le milieu et même le début des années 1950 est significatif. En effet, en constituant notre corpus, nous avons choisi un ensemble de films allant plus loin dans le temps, nombre d’entre eux étant produits à partir du milieu des années 1950. Nous pouvons tenter d’expliquer un tel phénomène en soulignant qu’il s’agit, pour les films du corpus tournés à la fin de notre période, de coproductions mexicano-cubaines, les films strictement mexicains sur le sujet se faisant plus rares. Les deux plus fameux, Aventurera et Víctimas del pecado, datent du tournant des années 1940-1950 par exemple. Ainsi, on peut suggérer qu’à un moment où les films fondés sur la présence des rumberas remportent un succès moins vif au Mexique, Cuba vient en quelque sorte prendre le relais, tant en termes de production que de public, du moins si l’on considère les stratégies commerciales affichées des producteurs mexicains 386 .
Pour les films mettant en avant les figures féminines de façon particulière, surtout dans le cas des films de rumberas et de cabaret, la production cubaine offre une forme de continuation des films mexicains. Nous allons donc à présent aborder à travers des exemples concrets les manifestations de ces figures féminines sur les écrans.
Julia Tuñón, Mujeres de luz y sombra en el cine mexicano, p. 13.
Ce constat n’est pas fait seulement par Julia Tuñón. Emilio García Riera propose la même date de 1952 pour marquer le début du déclin des films de cabaret dans ses différents ouvrages consacrés à l’histoire du cinéma mexicain.
L’analyse des stratégies commerciales des producteurs mexicains par rapport à la petite île caribéenne nous permettra de montrer comment ceux-ci semblent considérer Cuba comme un satellite du Mexique. Voir 3. 1.