Chapitre 4. Prétentions réalistes du mélodrame

Le corpus des films étudié entretient un rapport particulier avec l’espace, en premier lieu parce que l’élément géographique fait pleinement partie de notre projet d’analyse. Il s’agit en effet de films conçus et réalisés sous une double influence, celle de Cuba et du Mexique. L’étude de la représentation de l’espace proposée se situe logiquement au cœur de notre réflexion, car elle permet de mettre au jour les traits originaux qui se donnent à voir dans de tels films.

La question de l’espace est donc abordée ici dans une double perspective, faisant appel à des outils théoriques empruntés au champ des études esthétiques – cinématographiques ou littéraires – et sociologiques. Il s’agit de mettre en évidence les éléments permettant de constituer un espace à la fois fictionnel et référentiel, facilement reconnaissable à travers divers éléments comme les paysages ou les toponymes. Nous nous attacherons à analyser une dimension peut-être plus symbolique mais tout aussi essentielle de l’espace dans les films, à travers la question des déplacements des personnages parcourant l’espace, qui font sens bien au-delà de leur matérialité immédiate, mais aussi en nous penchant sur la dimension ‘«’ ‘ exotique ’» des représentations. Cet aspect retient particulièrement notre attention dans le cas de films faits par des Mexicains à Cuba.

Ce point de notre étude part de l’observation de la construction spatiale mise en place, pour atteindre ensuite les manifestations concrètes de l’espace dans les films : nous pourrons ainsi montrer qu’il s’agit d’une authentique création cinématographique engageant toute une vision du monde et de la société, en particulier à travers les rapports que les personnages entretiennent avec cet espace. Tout au long de notre réflexion, nous nous appuierons largement sur les réflexions d’André Gardies qui, dans le domaine cinématographique, a consacré une grande part de son travail à la question de ‘«’ ‘ l’espace au cinéma ’», pour reprendre le titre de son ouvrage de 1993. S’il ne néglige pas l’importance des ‘«’ ‘ lieux ’», considérés comme les manifestations à l’écran d’une réalité géographique et topographique, il dépasse ces observations pour réfléchir sur la notion d’espace, envisagée comme un système de signes.