Chapitre 5. Stratégies et doubles discours du mélodrame

Après avoir proposé plusieurs angles d’analyse des films du corpus, afin de mesurer, d’une part, la mise en évidence du contenu des images qu’ils proposent, et, d’autre part, si ces observations permettent d’observer un infléchissement des modèles génériques mexicains par la présence dans les films d’éléments faisant références directement ou indirectement à Cuba, il est utile de s’arrêter sur les discours du mélodrame. Ceux-ci ont déjà été abordés au cours de précédents chapitres, mais il semble nécessaire de les reprendre de façon synthétique, car ils constituent un ensemble plus ambivalent que la critique ne le suppose habituellement.

Qu’il s’agisse de la critique littéraire ou de la critique de cinéma, les textes cités laissent apparaître qu’elles sont toutes deux promptes à considérer le mélodrame comme un genre manichéen, où les personnages sont tout d’un bloc et incarnent des oppositions absolues et irréductibles entre les catégories du ‘«’ ‘ bien ’» et du ‘«’ ‘ mal ’». Sur ce point, l’étude des personnages féminins des films fait apparaître qu’une telle caractérisation est très exagérée, et que les personnages sont la plupart du temps soumis à des évolutions, considérables dans bien des cas. La mise au point sur la notion d’‘»’ ‘ archétype ’», trop souvent et trop rapidement confondue avec celle de ‘«’ ‘ stéréotype ’» pour décrire la mise en place et le fonctionnement des mécanismes génériques, souligne le caractère erroné d’une telle perspective.

La prise en compte des images proposées par les films pousse à penser que le terme d’ambivalence semble mieux adapté que celui de manichéisme, trop simple pour rendre compte de l’ensemble des procédés à l’œuvre dans le mélodrame. Cela peut être observé à la fois dans les études thématiques proposées, mais aussi sur le plan structurel. En effet, le genre est largement considéré comme moralisateur, point de vue dont nous avons eu l’occasion de montrer dans quelle mesure il est fondé, en particulier à travers les trajectoires de personnages féminins dans les films. L’ensemble du discours mélodramatique, et plus encore l’articulation entre les discours et les images dans les films, oscillent entre l’édification morale et des zones de flottement, où l’érotisme et la liberté de ton prennent le dessus. Ainsi, tout comme ses représentation sociales et ses personnages, le mélodrame apparaît fondamentalement ambivalent, tiraillé entre la nécessité de séduire son public et la volonté de le rappeler à l’ordre. Nous allons nous attacher à décrire ces mécanismes impliquant une tension entre la surface et le fond dans le présent chapitre.