I B. Choix des supports

En l’absence de données concernant directement le succès public des films, la presse cinématographique contemporaine peut fournir de précieuses indications quant au degré de prestige dont ceux-ci jouissaient dans le milieu. Les observations formulées se trouvent limitées par les conditions dans lesquelles s’est effectuée notre recherche : il n’a bien entendu pas été possible de consulter l’ensemble de la presse cinématographique de l’époque, et nous avons dû opérer des choix, volontaires dans certains cas, et imposés par les circonstances pour d’autres. Pour l’étude de la presse comme pour celle de la réception par le public, les réflexions avancées ne sont que la première étape d’une vaste entreprise de consultation des archives périodiques, dont nous ne pouvons que souhaiter qu’elle sera menée à bien par des équipes de chercheurs dans les pays intéressés.

Le premier écueil rencontré tient à la difficulté à localiser certaines publications. Ainsi, l’ouvrage de Paulo Antonio Paranaguá indique l’existence à Cuba d’une revue corporatiste intitulée Cinema, parue à partir de 1935 487 . La présentation proposée laisse à penser que nous aurions sans doute pu y trouver d’intéressantes informations sur l’activité cinématographique cubaine, tant en termes de production que de distribution. Malheureusement, malgré des recherches à la Cinémathèque de La Havane et à la Bibliothèque Nationale José Martí, il a été impossible de retrouver la trace de cette publication.

Le matériel réuni à Cuba permet de classer la critique contemporaine des films dans deux sources principales que nous exploiterons. Tout d’abord, dans la revue culturelle généraliste Carteles une section consacrée au cinéma est régulièrement publiée, proposant des éléments de réflexion intéressants. Par ailleurs la revue strictement cinématographique Cine-Guía fournit elle aussi des indications quant aux critères d’appréciation des films dans la presse spécialisée. Sa parution s’étend de 1953 à 1961, c’est-à-dire sur la période correspondant à l’épanouissement des coproductions entre Cuba et le Mexique. Elle est publiée par le Centre Catholique d’Orientation Cinématographique, ce qui implique qu’elle envisage les films dans une perspective au départ confessionnelle et morale. Toutefois, cette tendance exprimée en particulier dans les sections de critique des films tend à laisser une large place dans les articles de la revue à des réflexions plus générales sur l’état de la production nationale. Elle apparaît donc intéressante à ce titre : en tant qu’espace d’expression de la critique cubaine contemporaine de la sortie des films, il est utile de la comparer aux publications mexicaines diffusant la perception que peuvent avoir des mêmes films les professionnels du cinéma mexicain.

Au Mexique, l’abondance et la variété des publications consacrées au cinéma invite à opérer une sélection, afin de privilégier des séries de lectures cohérentes et non pas une inévitable dispersion des recherches. Nous avons ainsi écarté toutes les publications éphémères, n’ayant paru que sur de courtes durées 488 . Contrairement à ce qui s’était passé à Cuba, nous avons pu consulter la revue corporatiste Cinema Reporter, proposant à une fréquence hebdomadaire des comptes rendus sur l’activité cinématographique au Mexique et à l’extérieur, des critiques de films, et des nouvelles du monde du cinéma. La revue a été fondée en 1938, et paraît jusqu’en 1965, ce qui englobe l’ensemble de la période concernée par notre étude. Il s’agit d’une publication où les chroniques occupent une large place, et où les producteurs mexicains trouvent un moyen privilégié de s’exprimer. En ce sens, la revue se faisant volontiers le véhicule de l’idée que se font les producteurs des films, il est intéressant d’observer quels sont leurs arguments, afin de les mettre en rapport avec ceux des Cubains. Toutefois, sur l’ensemble de la période de consultation dans les fonds de l’Hemeroteca Nacional de l’UNAM, nous n’avons pu que déplorer de grands ‘«’ ‘ trous ’» dans la collection : ainsi, outre des lacunes ponctuelles observées pour presque toutes les années, 1947 était totalement manquante, 1948 particulièrement discontinue, etc.

Malgré ces limitations inhérentes aux conditions de notre recherche, il est apparu que les revues consultées étaient assez significatives, tout au moins pour formuler des conclusions partielles sur la réception critique des films, qui demanderont à être complétées, voire amendées… Mais il s’agit là d’une autre entreprise.

Notes
487.

« Enrique Perdices entreprend la publication de l’hebdomadaire Cinema, qui se veut l’organe de l’Union nationale des exploitants : ce journal corporatif comprend néanmoins des articles s’adressant à un public plus large et paraîtra pendant trente ans. » Paulo Antonio Paranaguá, « Cinéma, culture et société à Cuba : tableau synoptique », Le Cinéma cubain, p. 23.

488.

Les publications mexicaines consacrées au cinéma se caractérisent généralement par la grande brièveté de leur existence. Ainsi, beaucoup de revues ont disparu au bout d’un an, comme par exemple Celuloide (1946), Cine Mundial (1953), etc. D’autres ont eu une longévité à peine supérieure, comme La Semana cinematográfica (1948-1949), ou Cine voz (1948-1949). D’autres enfin apparaissent à la fin de la période envisagée, comme Séptimo arte (1957-1962), ou Cine album (1959-1965).