II B. Traitement promotionnel des films

Le ton se fait plus enthousiaste par rapport aux films dans les articles dont la vocation publicitaire s’affiche le plus clairement, et ce, dès leurs titres. Ils font quasiment abstraction de toute appréciation artistique, pour s’intéresser aux anecdotes accompagnant les films et en particulier leurs interprètes. Ainsi, dans Cinema Reporter, de nombreux articles sont consacrés aux rumberas, pour en vanter les triomphes et les mérites, photos dédicacées à l’appui. La revue propose même une chronique intitulée ‘«’ ‘ Estrellas disímbolas ’», mettant en balance des acteurs et actrices. L’une d’entre elles s’attache à faire ressortir les oppositions entre Ninón Sevilla et María Antonieta Pons. Le recul critique n’y est pas de mise, et le ton se fait volontiers familier dès l’introduction, comme pour créer une communion entre le chroniqueur, son lectorat et les deux vedettes, imitant au passage des intonations et expressions cubaines : ‘«’ ‘ Ahora sí que la cosa está que arde viejo. Imagínensela ustedes: nada menos que dos cubanas en escena, aquí las tenemos; salen acompañadas por golpes de bongó, y las dos, bailando y contorsionándose a cual más elástica’ 500 . » Ninón Sevilla est décrite en premier comme ‘«’ ‘ la mujer tropical, fogosa y sensual. Rítmica y cadenciosa, por naturaleza. ’» Sa ‘«’ ‘ rivale ’» est présentée de la façon suivante :

‘Con sus facciones de rosa fresca y tropical, con sus ojos de ensueño, donde los embrujos de la pasión tejen sus más fuertes poderes; en fin, María Antonieta Pons es el ideal del trópico, que se expresa a través de sus mujeres, como a través de un fruto opulento y mórbido.’

Les multiples occurrences de la référence aux ‘«’ ‘ tropiques ’» montrent que de tels articles sont écrits dans la perspective ayant présidé au tournage des films, mettant en jeu une série de clichés au sujet de l’atmosphère tropicale, de ses femmes et même de ses mystères particuliers, comme le suggère l’allusion aux ‘«’ ‘ sortilèges ’» accompagnant la description de María Antonieta Pons.

D’autres articles décrivent sous un jour particulièrement enthousiaste ces comédiennes, à l’occasion d’une tournée internationale ou tout simplement de la sortie d’un film dont ils contribuent sans aucun doute à assurer la promotion commerciale. Les titres suivants en sont de bons exemples ‘«’ ‘ La Poliédrica y fascinante personalidad de Ninón Sevilla’ 501  », ‘«’ ‘ El cine en Colombia. Rosa Carmina causa gran sensación en Bogotá’ 502  », ou encore ‘«’ ‘ Nos amenaza el ciclón Amalita’ 503  ». Dans tous les cas, ces textes sont on ne peut plus flatteurs envers les rumberas qu’ils mettent en avant.

Ces articles visent avant tout à assurer la promotion des films, et toute considération critique en est évacuée. Ce mode de prise en charge des films fait apparaître de façon très claire la façon dont la critique contemporaine les considère : il s’agit de productions méprisables en termes esthétiques et artistiques, de simples divertissements destinés à la partie la moins cultivée du public de cinéma. Les articles de critique se penchant sur les films étudiés tendent à le prouver, car ils se montrent bien moins enthousiastes que les textes promotionnels cités. L’existence d’une prise en charge des films dans une perspective dictée par des critères ‘«’ ‘ esthétiques ’» et plus seulement commerciaux montre que de telles productions sont en fait méprisées en termes qualitatifs par les Mexicains, qui ne les vantent que pour en tirer des profits d’ordre commercial.

Notes
500.

Marta Elba, « Estrellas disímbolas : Ninón Sevilla vs María Antonieta Pons », Cinema Reporter, 6 février 1954, n°812, p. 28.

501.

« La Poliédrica y fascinante personalidad de Ninón Sevilla », Cinema Reporter, 7 mai 1949, n°564, p. 12.

502.

Raúl Urueta, « El Cine en Colombia. Rosa Carmina causa gran sensación en Bogotá », Cinema Reporter, Mexico, 24 septembre 1949, n°584, p. 14-17.

503.

Efraín Huerta, « Nos amenaza el ciclón Amalita », Cinema Reporter, 21 mars 1956, p. 6-8.