Quel point de départ ?

Notre recherche n’a pas été posée ex nihilo, mais s’est inscrite dans le prolongement de deux de nos précédents travaux.

  • Le premier avait porté sur l’analyse lexico-sémantique des parties du discours attestées dans un corpus de notes écrites produites individuellement au cours de plusieurs dégustations entre professionnels (œnologues, cavistes et vignerons) et amateurs. Elle avait mis en évidence le problème du statut véritable des termes employés et de l’existence d’une terminologie propre à la dégustation. Parmi les termes attestés, une majorité étaient considérés, a posteriori et par les dégustateurs eux-mêmes, comme subjectifs et non spécifiques. Nos résultats nous amenaient à conclure que ce n’est qu’en situation de dégustation que les mots, empruntés pour beaucoup au vocabulaire courant, trouvent leur complète signification. Le discours du vin autoriserait donc des variantes individuelles qui n’entament aucunement l’intercompréhension puisque le degré informatif est accompli au moment de l’action de dégustation, lorsque le terme choisi formalise la sensation présente.
  • La deuxième étude est une analyse du discours oral de quatre sommeliers filmés individuellement tandis qu’ils décrivent le vin qu’ils dégustent. Le corpus, cette fois visuel et sonore, a permis d’étudier en détail le matériau linguistique et vocal, d’objectiver la mimo-gestualité concomitante et de connaître quelles pouvaient être les interférences entre le gestuel, le vocal et le verbal. Les régularités observables concernaient par exemple :
    • l’orientation du regard (regard détourné pendant la mise en bouche, regard adressé pour le sourire…),
    • les marques exprimées par l’articulation et par la voix (mélodie ascendante et allongement des voyelles pour l'éloge…),
    • l’utilisation des gestes (geste expressif surajouté au terme énoncé, geste désignatif de pointage du doigt pour parler du vin...).

Beaucoup de ces événements vocaux et gestuels relevés ont une signification et leur fonction est variée : leur utilisation offre au locuteur la possibilité de compléter ou d’accentuer le sens de l’énoncé verbal.

Nous obtenions en conclusion un ensemble de marqueurs de subjectivité et de modalisation du discours, compris dans le choix des termes et des expressions verbales (emploi du conditionnel, des adverbes d’atténuation, ou locutions subjectives dont je trouve que), dans les intonations (modifications de l’intensité, de la hauteur de la voix pour atténuer le caractère péremptoire d’un énoncé) ou dans les gestes (utilisation très majoritaire de l’inclinaison latérale de la tête).