3.3. Les finalités de la dégustation

Les phases de la dégustation n’ont pas toutes la même visée. Alors que les trois premières sont descriptives, les suivantes sont plus spéculatives : la quatrième et la cinquième phases projettent le vin dans le futur tandis que la phase de reconnaissance revêt l’aspect ludique de la devinette.

La dégustation est essentiellement une activité analytique acquise qui possède plusieurs finalités. Validée par l’intérêt de celui qui s’y exécute, elle procède d’un ensemble d’acquis : le savoir-faire, la mémoire sensorielle et une échelle de valeurs donnée.

• Le savoir-faire des dégustateurs est à la fois gestuel et verbal (Fischler, 1992) : le geste adéquat permet de recevoir les impressions sensorielles dans un ordre précis et de les réviser si nécessaire ; la parole, elle, extériorise ces impressions susceptibles d’être confrontées à celles des dégustateurs présents. Selon Peynaud et Blouin, qui opposent ignorance et plaisir, ce sont la connaissance, les efforts de concentration et d’analyse qui font naître le plaisir de déguster :

‘« Ce qui sépare la simple consommation, qui est un acte instinctif, de la dégustation, qui est un acte volontaire et réfléchi, c’est que dans le second cas on suit une méthode, on ordonne ses impressions.
La dégustation est la codification d’une activité gourmande. Le vin, pour être apprécié, exige attention, recueillement même, et savoir analyser le plaisir de déguster le décuple » (Peynaud et Blouin, 1996, 3). ’

• Ces impressions hic et nunc font surgir en même temps des souvenirs sensoriels qui leur seront reliés : le dégustateur réussit alors à identifier ce qu’il perçoit en rapport à ce qu’il a gardé en mémoire de ses expériences olfactives et gustatives antérieures.
• Les valeurs hédoniques et esthétiques attribuées aux vins se construisent au fil des dégustations pour devenir les repères canoniques au sein d’un même groupe de dégustateurs. Ces valeurs évoluent, liées aux progrès de la vinification, à la volonté d’améliorer la qualité du vin et à l’évolution des goûts des consommateurs. Ainsi naissent et disparaissent des types de vins ¹⁵  :

‘« jadis, les vins très moelleux étaient les plus appréciés ; aujourd’hui, les plus vendus sont les bordeaux rouges, vins plus astringents... » (Néron de Surgy, 1999, 62). ’

Progressivement, la dégustation est devenue une pratique sociale, qui a fait naître le plaisir :

‘« de l’échange verbal sur les caractéristiques sensorielles des produits consommés [dû] au triple effet de l’accroissement du temps de loisir, du niveau de vie et de l’offre de produits » (Sauvageot, 1996, 290). ’

Le vin a changé de statut :

‘« On passe en effet d’une boisson quotidienne d’accompagnement des repas, dont on cherche l’aspect désaltérant et dont le faible prix est un facteur déterminant d’achat, à une boisson d’agrément, à caractère plus gastronomique et hédoniste ».’