4. Réflexions

Le vin reste un des produits alimentaires les plus soumis à la dégustation. Sa complexité d’élaboration, la grande variété de types et de qualités et les réglementations dont il dépend obligent à des contrôles pratiqués soit directement 16 soit dans le cadre incontournable des dégustations organisées par des jurys. Le vin se définit alors au moyen de données extrinsèques immédiates et de données intrinsèques issues de la dégustation.

Ce sont les données les plus objectives, issues d’une réglementation et fournies au consommateur de manière obligatoire pour certaines. Celles qui doivent figurer obligatoirement sur l’étiquette sont : le millésime pour les A.O.C., l’appellation du vin et le nom et l’adresse de l’embouteilleur ou de l’expéditeur, le titre alcoométrique et la contenance du récipient. La spécification du ou des cépage(s), celle du terroir pour les vins non A.O.C. et du mode de vinification sont des données facultatives qui figurent parfois sur une contre-étiquette.

Ces données extrinsèques informent a priori le dégustateur dans le cas où le vin n’est pas servi à l’aveugle. Mais, pas plus que le prix de la bouteille, elles ne préjugent de la qualité du vin ni du plaisir susceptible d’être apporté.

Elles sont le plus souvent actualisées par les discours qui accompagnent la dégustation en cours, mais elles peuvent aussi être rapportées à travers les commentaires oraux ou écrits de dégustateurs professionnels (cavistes ou rédacteurs de guide d’achat par exemple).

Ce sont les moins objectives 17 pour deux raisons : a) parce qu’elles sont soumises aux variabilités du vin et du sujet dégustateur et b) parce que les termes dont la langue dispose pour en rendre compte ne sont pas strictement codifiés.

La perceptibilité des arômes et des goûts du vin d’une part et la disposition réceptive du sujet d’autre part sont en effet instables dans le temps. C’est pourquoi :

‘« Afin d’évaluer le plus objectivement possible la qualité du vin, les professionnels ont établi des standards quant à l’horaire de la dégustation (entre 10 heures et midi), au calme, à la sobriété et à l’éclairage du local (sans tube fluorescent), à la forme du verre, à la température du vin […] » (Néron de Surgy, 1999, 64). ’

Ils veillent encore à ce que le lieu ne comporte pas d’odeur.

Malgré ces précautions, Coutier explique :

‘« Dans l’analyse sensorielle mise en œuvre dans la dégustation du vin, seules les perceptions visuelles disposent de références objectives et codifiables, qui n’excluent pas pour autant la variété et la subjectivité dues aux différences individuelles 18 . Il n’en est pas de même pour les perceptions olfactives et gustatives » (1994, 663). ’

Hormis l’aspect visuel qui procède d’une perception externe, les autres aspects rendent compte de propriétés internes à l’objet, par le biais de termes subjectifs.

Retenons que, outre ses nombreux constituants chiffrables (alcools, acides, sucres), le vin est un produit que les dégustateurs appréhendent d’abord pour sa complexité et sa richesse en composés aromatiques (Garrier, 2001, 81) et pour l’intérêt qu’ils lui octroient : celui, sinon de plaire, du moins d’étonner.

Notes
16.

C’est, entre autres techniques de mesure, celle qui est obtenue par résonance magnétique nucléaire (RMN) et qui peut déceler les fraudes sur le vin : « son mouillage à l’eau, la présence de raisins issus de cépages non autorisés, celles de substances chimiques interdites et, surtout, une chaptalisation [ie. sucrage des moûts] supérieure aux normes autorisées » (Garrier, 2001, 76).

17.

Certaines données intrinsèques peuvent être objectivées grâce à des techniques d’analyse œnologique. Des instruments, comme le spectromètre de masse, sont capables de mesurer les composants élémentaires et fondamentaux du goût (en particulier : l’acide, la teneur en sucre) et la présence de certaines molécules responsables des arômes (de vanille ou de violette par exemple). Le chromatographe, lui, permet de déterminer en phase gazeuse les constituants aromatiques du vin (Lenoir). D’autres nouvelles techniques encore servent à authentifier l’origine du vin ou à isoler ses composés aromatiques.

18.

Objectivité toute relative en effet : Kerbrat-Orecchioni (1980, 84 et note, 242) a classé les adjectifs de couleur dans la catégorie des “objectifs” (voir Dubois) ce que nous considérerons comme un postulat dans notre travail, nous intéressant plus aux termes qui décrivent les odeurs et les goûts.