1.3. Critères culturels

1.3.1. Des odeurs

Sans entrer dans le débat sur la composante innée ou culturelle des performances olfactives individuelles, nous dirons qu’à l’origine, le sens olfactif a une fonction biologique d’”alerte” et nous admettrons que le seuil physiologique, la capacité de mémorisation, la dimension affective sont plutôt de nature individuelle (innée ou acquise) alors que l’entraînement à la reconnaissance des odeurs et à la possibilité de les classer est conditionné par un environnement culturel donné, du fait que :

  1. une odeur est plus stimulante si elle est nouvelle (étrangère, non familière) tandis qu’elle perd de son pouvoir discriminant lorsqu’elle se répète trop souvent ;
  2. sa dénomination est tributaire de l’univers des odeurs environnantes et de l’étendue de cet univers : une molécule odorante ne peut être décrite que d’après les sources existant à l’intérieur d’une communauté culturelle, régionale ou nationaleAinsi, le furanéol, molécule contenue dans le Beaujolais nouveau, évoque-t-il la fraise confiturée pour un Français et l’ananas grillé pour un Thaïlandais (Hachette, 1996, 103). ;
  3. l’accoutumance aura des effets sur l’évolution du jugement agréable ou désagréable de l’odeur : des odeurs inconnues, souvent perçues comme désagréablesCe que Holley nomme la néophobie : « Si un aliment n’est pas reconnu comme familier, l’attitude la plus spontanée est le refus » (1999, 157). Par exemple : l’odeur du fromage français peut provoquer une nette répugnance en Extrême-Orient, tout comme l’odeur de “poisson pourri” du nuoc-mâm… en France (Hachette, 1996). aux premiers flairages, ont des chances de progresser positivement sur l’échelle d’évaluation, à la condition qu’intervienne une éducation orientée vers l’éveil du sens olfactif. Il nous semble en fait que la quantité d’odeurs jugées négativement puisse être inversement proportionnelle à la connaissance de celles-ci : plus une communauté développe l’apprentissage de la variété des odeurs (environnantes), plus se réduit la proportion d’odeurs a priori“désagréables”De même, une communauté peut se signaler par le choix de ses parfums (bonnes odeurs) et il n’est pas rare qu’elle se démarque en jugeant mauvaises les odeurs (généralement corporelles) de communautés différentes (Boisson, 1997)..