2.2.4. Remarques sur les typologies

Nous retiendrons deux remarques sur les classifications des odeurs et sur celles des arômes du vin : la référence extrasensorielle des termes utilisés ainsi que la fréquence du trait anthropomorphique.

‘« Les termes appliqués aux odeurs se réfèrent au contraire [des termes de couleur] à des objets (par exemple, lavande ou fruité) ou à des conditions (brûlé ou pourri) » (Gregory, 1993). ’

Holley précise que les catégories olfactives sont fondées effectivement sur notre savoir extra-olfactif des objets, ce qui n’est pas forcément déroutant :

‘« désigner les odeurs par le nom de ces objets est écologiquement satisfaisant » (Holley, 1999, 131).’

Ainsi l’odeur signale-t-elle la présence de l’objet qui en est la source tout en ayant perdu par ailleurs sa fonction primitive de mise en état d’alerte du sujet, mais elle peut aussi ne suggérer que l’image odorante et rendre facultative la présence de la source. Ce mécanisme se vérifie en discours de dégustation des vins où la dénomination des arômes repose essentiellement sur l’analogie : évoquer l’acacia signifie que le nez du vin en question sent comme la fleur d’acacia…

Les catégories des goûts sont elles aussi organisées sur une dimension extrasensorielle et les termes réfèrent généralement aux aliments qui en sont la source directe :

‘« Les descripteurs n’existent pas plus en gustation qu’en olfaction, le seul descripteur pour définir le goût […] c’est le nom d’un produit tout comme l’odeur de la rose est définie par le nom de la rose » (Faurion, 1996, 223).’

Boisson souligne la forte tendance anthropomorphique observable dans les différents lexiques des odeurs qu’il a consultés :

‘« C’est cet anthropomorphisme massif (tant corporel qu’environnemental et culturel) qui se confirme dans les types d’odeurs saillantes tirées de nos données » (1997, 40).’

Des questions restent posées sur l’exhaustivité du contenu de ces catégories et sur la ductilité de leurs pourtours, comme le font remarquer David et al :

‘« Doit-on par exemple relier tabac et tabac froid ? L’odeur d’herbe coupée et celle d’herbe mouillée sont-elles des spécifications de l’odeur d’herbe ? Ou ce rapprochement n’est-il pas le résultat d’une forte prégnance de la tradition classificatoire des objets (visuels) ? » (1997, 64).’

Les termes d’odeurs et de goûts utilisés dans une langue sont peu codifiés et varient d’un lexique à l’autre. Sont dénigrés par conséquent la “fantastique imprécision” et l’usage d’un “langage allusif” ou par trop lyrique dans le cas des descriptions de vins 66 . Aux variations physiologiques intra et interindividuelles évoquées plus haut s’ajoutent de possibles variations linguistiques liées au choix et à la signification des termes utilisés par les locuteurs.

Notes
66.

Critiques dans le quotidien Libération daté du 16 décembre 1995 et dans Renvoisé (1996).