2.3.3. Les termes absents

Parmi l’ensemble constitué, on remarque que des mots ou des termes, pouvant être considérés comme “attendus” dans la pratique de la dégustation, sont manquants soit qu’ils ne figurent pas dans le lexique (agréable) soit que les professionnels les aient éliminés (cuisse, corsage, jambe).

L’absence la plus surprenante est celle de l’adjectif agréable alors que son antonyme désagréable est présent dans le lexique Hachette et qu’il s’agit d’un terme cautionné par les professionnels consultés 119 . Il qualifie le nez (un nez agréable), la bouche (un vin agréable en bouche) ou le vin et se trouve largement attesté dans le corpus.

Sont aussi absents du lexique,

‘beau, bien, bon, joli ’

qui, dans le contexte de dégustation, ont une valeur subjective marquée 120 .

‘Cuisse, corsage, jambe’

Le premier (cuisse) figurait dans le lexique Hachette (qui le considère cependant “désuet”) et a été supprimé par les deux sommeliers consultés qui ne l’emploient jamais. Coutier remarque également au cours de ses travaux que :

‘« Dans le champ thématique afférent au corps humain, on notera l’absence de quelques expressions connues cependant du grand public en raison de leur effet évocateur, comme avoir du corsage, avoir de la jambe, avoir de la cuisse : bien que signalées dans divers ouvrages (toujours entre guillemets), elles ne sont pas attestées dans notre corpus » (1994, 670) 121 . ’

Ces trois termes ne sont pas non plus attestés dans notre corpus : cuisse ou jambe (au singulier) seraient plutôt remplacés par charnu tandis que corsage, d’après Chatelain-Courtois,

‘« peut être une déformation de corsé » ou un « synonyme de délicat, féminin, fin » (1984, 100).’

Ils sont, avec quelques autre, délibérément retirés des lexiques spécialisés parce que jugés inadéquats par la grande majorité des professionnels. Comme en parlent Renvoisé 122 , ou encore Peynaud et Blouin :

‘« ... on reconnaîtra que le chroniqueur qui parle de vins drôles, amusants, pimpants, farceurs, raccrocheurs, polissons (et il serait facile d’allonger la liste) atteint le comble de l’insignifiance... » (1996, 174).’

Le lexique Hachette, tout comme les lexiques de dégustation en général,regroupe un ensemble de termes sélectionnés par une communauté de professionnels pour leur valeur sémantique spécifique. Ces lexiques se sont élargis au fil du temps, du fait de l’évolution de la qualité du vin et des goûts des consommateurs, mais ils se sont également limités aux termes les plus foncièrement signifiants pour rendre compte d’une dégustation complète. Après ces remarques, nous allons classer les termes et étudier leurs champs sémantiques respectifs.

Notes
119.

Les trois auteurs de vocabulaires de dégustation (Peynaud et Blouin 1996 et Chatelain-Courtois) et les deux sommeliers.

120.

Beau, bon, bien sont définis par Kerbrat-Orecchioni (1980, 84) comme des adjectifs subjectifs “évaluatifs-axiologiques” qui « portent sur l’objet dénoté par le substantif qu’ils déterminent un jugement de valeur, positif ou négatif » (id., 91). Ils sont même affectés d’un fort indice de subjectivité langagière puisque la propriété évaluée ne peut être comparée que par rapport à des objets appartenant à la même classe.

121.

Coutier précise encore que :

« [...] rondelet et fessu (!) signalés l’un par Peynaud […] et l’autre par Dumay […] et par Chatelain-Courtois (1984) sont à classer au titre des fantaisies verbales, non attestées à l’écrit » (1997, 80).

122.

Courtier de formation (qui revendique les vins non filtrés), il met en garde quant à la trop grande utilisation des superlatifs et dénigre « les belles envolées lyriques sur le vin » (1996).