À propos de la référence

Nous soulevons la question du mécanisme sémantique sur lequel fonctionne la dénomination des arômes : dire au cours d'une dégustation, ça sent le cassis n'équivaut pas à c'est rouge ou c'est carré (dénomination), mais signifie ça sent comme le cassis, ou ça sent la même odeur que celle du cassis, le référent /odeur-de-cassis/ n'ayant lui-même pas de nom.

L’évocation de cassis par exemple, en termes de dégustation, est une dénomination doublement erronée puisque :

  • signifiant ça sent comme le cassis, elle repose sur une analogie qui assimile par le dénoté cassis, un référent extérieur au référent présent dans le nez du vin,
  • elle ne réfère qu’à l’un des constituants de la chose cassis, un élément du référent cité, c’est-à-dire ici à son odeur, à défaut d’un signifiant (en langue française tout au moins) qui dénommerait le référent /odeur-de-cassis/.

Ainsi, l’énoncé d’un seul terme comme cassis a-t-il pris, en situation de dégustation, une signification propre et littéralement équivalente à ce vin sent la même odeur que celle du cassis.

Ce double rapprochement - un premier établi sur la ressemblance entre deux référents (cassis / vin), sur lequel s’en ajoute un autre, celui de la partie et du tout (cassis / odeur de cassis) - pourrait nous fournir une interprétation satisfaisante si les progrès de la science (ayant révélé et identifié la correspondance entre une odeur et une molécule) n’avaient pas appelé à la réviser.

Pour comprendre ce mécanisme de dénomination et de codification des arômes, nous avons procédé à deux réflexions antagonistes :

  • l’une part du principe que c’est effectivement une molécule chimique qui est responsable d’une odeur et que donc, l’énoncé cassis ne réfère strictement qu’à une molécule,
  • ’autre part du constat que les performances humaines sont encore à ce jour supérieures aux appareils de mesure scientifique, pour ce qui concerne l’analyse olfactive et rendent l’interprétation plus complexe.

L’optique de cette double réflexion est de démontrer qu’une palette d’arômes, comme celle proposée, échantillons à l’appui :

  • permet tout au plus d’instaurer des repères en rapprochant un terme (cassis) non plus seulement de sa source, mais d’une molécule de synthèse (celle fabriquée pour l’échantillon de reconnaissance) ou de celle contenue dans un vin,
  • qu’on ne peut l’envisager comme une promesse d’universalisation, malgré le sérieux de sa confection et le fait qu’elle constitue une aide irremplaçable à la connaissance des arômes.

(Rémi : la langue et les progrès de la science ne sont pas nécessairement interdépendants)