Interprétation sémantique

Les termes dérivés n’ont pas la même portée sémantique que leur base lexicale :

‘boisé, bouchonné, fûté, miellé… ’

ne sélectionne que le trait odorant “porteur de l’odeur de” (bois, bouchon, fût, miel…).

‘y’a un nez à caractère fruité bien sûr avec euh une touche boisée j’espère que le bois est::: s’ra fondu (Vinorama n°1, 58),’

le locuteur, qui n’a pas encore goûté, perçoit l’arôme de bois et anticipe sur la sensation en bouche. Ici, boisée réfère au nez /boisé/ et sous-entend la référence au goût /goût de bois/. Au contraire, bois réfère uniquement au bois de chêne lui-même (matière du fût) et au goût astringent apporté par les tanins, il ne peut nullement suggérer l’arôme.

L’utilisation de l’adjectif aura donc des effets pragmatiques et interactionnels, étant donné que :

‘on va arriver presque vers des notes un p’tit peu miellées à force d- après l’aération hein le premier nez c’est vrai qu’on a une petite pointe herbacée un peu l’champignon un p’tit peu le:: la fougère enfin toutes ces choses un peu herbacées (Vivier 97 n°5, 74).’

Sans même tenir compte des minimisateurs (presque, un p’tit peu, une petite pointe…), on peut affirmer que miellées et herbacée restent sémantiquement plus vagues que les substantifs miel et herbe d’autant que notes, pointe et choses qu’ils qualifient n’ont pas de référent sensible. S’il avait recherché plus de précision, le locuteur aurait pu dire :

‘/ on va arriver vers des arômes de miel, d’herbes sauvages, de foin, de champignons et de fougère… /.’

Les adjectifs dérivés ont ainsi le pouvoir de s’appliquer à un plus grand nombre d’objets tout en ayant pour effet de diminuer la précision sémantique du syntagme :

‘un arôme de miel > un arôme miellé > des notes de miel > des notes miellées
c’est du soufre > un goût de soufre > un goût soufré > c’est soufré’

La préférence pour l’adjectif peut avoir une visée stratégique, comme on le remarque lors d’une négociation sur la recherche des arômes :

‘C. ce qu’y’a un peu c’est c’est un p’tit goût peut-être un peu d’ soufre
D. ah bon
C. [rire] oui maintenant ça l’idée m’vient que: c’est un peu soufré
D. parce que moi ch’uis sensible (S.A.V. n°15, 951).’

Dans cet échange, C., après la réaction de D. qui s’étonne et attend une justification, reformule sa première affirmation contenant soufre pourtant atténué avec (un peu, petit, peut-être) en remplaçant le substantif par le dérivé soufré.

Inversement, l’emploi d’un substantif peut permettre une prise plus directe entre signifié et référent ; ainsi, velours ajoute-t-il en sensualité ce qu’on obtiendrait peut-être moins fortement avec velouté :

‘c’est du velours on a l’impression d’avoir un vin velours on n’a pas l’acidité on n’a pas les tanins qui gênent c’est très rond c’est très agréable en fin d’bouche c’est très agréable, (Vivier 97 n°10, 588).’