Le locuteur impliqué en dégustation est généralement le dégustateur lui-même, marqué en discours par la première personne du singulier je ou par l’indéfini on, suivis de verbes qui renvoient pour la plupart à la perception requise (avoir, sentir, trouver, avoir l’impression…) :
‘j’ai pas au nez le côté alcooleux (Vinorama n°1, 69) ;Mais les verbes que nous relevons ici ont pour agent le vin (ou l’un de ses aspects robe, nez, bouche). Ils sont parmi les termes recensés les moins nombreux. Certains,
‘pinoter, sauvignonner, terroiter, ’dérivés des substantifs pinot, sauvignon et terroir ne figurent pas dans le dictionnaire : ces néologismes qualifient un arôme dû à la typicité du vin provenant du cépage (pinoter, sauvignonner), ou du terroir d’origine (terroiter). On ne trouve guère dans notre corpus que :
‘développer, englober, envahir, évoluer, piquer, remplir, rester (sur la langue), tapisser… ’c’est-à-dire des verbes quidénotent une “action” du vin, plus souvent attestés en phase gustative comme dans l’énoncé avec tapisser :
‘des beaux tanins qui sont bien présents qui tapissent bien la bouche (Vivier 97 n°9, 564).’Parmi les autres verbes attestés, on trouve partir sur :
‘il part sur la torréfaction il va partir sur les confits derrière (Vinorama, n°1, 81), ’ainsi que le verbe “être” :
‘le nez est… / en bouche il est… ’et, dans les enregistrements avec les non professionnels, des emplois absolus de verbes :
‘M. là en bouche là c’ui-là i (sifflement)L’occurrence des verbes avec le vin pour agent était plus importante dans les corpus écrits où l’on relevait, lors de nos travaux de maîtrise :
‘dire (ne- pas grand-chose), donner (sens absolu), éclater (en bouche), élaborer (son bouquet), fouetter (la bouche), gagner (en arômes), manquer (de rondeur), passer (d’un arôme à un autre), promettre (sens absolu), rappeler (autre chose), revenir, vieillir, s’aplatir, s’arrondir, se fondre, s’imposer, se livrer, se révéler… ’Normand fait le même constat pour ses notes écrites de dégustations de champagnes comparées à celles enregistrées à l’oral (1999, 78, 84, 160).
En discours oral, l’action du vin serait donc moins explicite ou moins pertinente qu’à l’écrit. Il semble donc que la priorité soit laissée au sujet (je), acteur immédiat de la dégustation, tandis qu’à l’écrit, où le temps est différé entre production et réception, ce soit le vin qui prenne plus volontiers la place de l’acteur.
L’intervention de M. est tronquée : i dév’eloppe = il développe ses arômes en bouche. L’emploi absolu n’étant pas spécifié dans le dictionnaire, on peut schématiser l’interprétation de la manière suivante :
il développe ses arômes en bouche
il se développe
il développe Ø = il prospère Ø.