4.2. À propos de la validité des termes

Les mots eux-mêmes sont impuissants (Peynaud et Blouin, 1996, 171) et ne trouvent leur pertinence qu’au sein du groupe de locuteurs qui définit :

‘« la norme implicite propre à la classe dont fait partie l’objet déterminé par l’adjectif » (Rivara, 1993, 41). ’

Cette norme est commune à une plus large majorité de locuteurs si elle est établie en premier lieu avec le récepteur sensoriel adéquat :

‘« La norme donne comme exemple « acide » pour décrire une odeur. L’acidité est une sensation gustative […] et non une sensation de nature olfactive […]. Le mot « acide » est donc refusé parce qu’il n’est pas en accord avec les phénomènes physiologiques situés au niveau le plus bas du système sensoriel, celui des récepteurs. Le terme « sucré » sera refusé pour la même raison (alors qu’il est cité très fréquemment pour certaines odeurs comme celle de la vanille ou de la fragarone), de même que le terme « irritant » qui renvoie à une sensibilité tactile. Mais le refus peut également être dû à ce que le descripteur renvoie à un processus cortical situé à un niveau très élevé, impliquant des aires associatives. Ainsi le terme « présomptueux » 213 sera refusé pour caractériser la flaveur d’un vin » (Sauvageot, 1996, 296). ’

Certains termes sont donc plus facilement compris que d’autres parce que, d’après Solomon (1991) traduit par Sauvageot :

‘« nous tendons naturellement à considérer certaines catégories sensorielles comme plus saillantes pour la catégorisation, que ce soit à cause de prédispositions innées ou à cause d’un apprentissage perceptuel. Le descripteur sucré peut [ainsi] renvoyer à une classification fondée sur un objet. C’est un meilleur descripteur d’un vin en ce sens que sa référence est plus facilement connue par des novices » (id., 296).’

Mais la question de la pertinence en dégustation dépasse la simple traduction verbale des qualités sensorielles :

‘« the criterion for validity is wether a term will communicate information to members of a particular linguistic community » (Solomon, 1991, 290).’

Et l’on peut admettre avec Salomon qu’un terme non pertinent (parce qu’il n’est pas en accord avec les phénomènes physiologiques correspondants) peut être valide s’il devient apte à communiquer de l’information aux membres d’une communauté linguistique particulière. C’est pourquoi presumptuous, sémantiquement flou, pourra être tout aussi correct que sweet s’il véhicule de l’information et si le groupe de dégustateurs qui l’emploient l’estiment crucial :

‘« Sweetness and presumptuousness are equally correct if the wine tasters, in using those terms, are attempting to communicate to members of a community that agrees as to what sensory characteristics sweetness and presumptuousness refer » (id.).’

Un terme est donc validé à la fois par sa conformité à la phase en question (on ne dit pas acide pour qualifier une odeur ni vert pour qualifier un goût…) et par son degré de pertinence c’est-à-dire sa valeur informative (blanc n’est pas pertinent dans l’énoncé c’est un vin blanc). On sait aussi que évolué n’a pas son sens commun lorsqu’il qualifie un vin et que dense change de sens selon la phase de dégustation en question. Des termes sont incompatibles : le choix de l’un en élimine d’autres. Certains sont ordonnés dans le temps : plus la dégustation progresse, plus les termes abondent. Nous avons pu dénombrer une trentaine de termes qualifiants pour les échantillons d’arômes et une cinquantaine pour le nez du vin, soixante pour décrire l’aspect gustatif et presque deux fois plus pour qualifier le vin.

Notes
213.

Allusion à Solomon (1991).