1.2. Partiellement ritualisées

S’il est vrai qu’il ne s’agit ni d’une rencontre fortuite, ni d’une conversation informelle trouvant en elle-même sa finalité propre, ces interactions peuvent aussi se définir comme des conversations partiellement ritualisées.

‘« tous les individus sont des participants sinon de fait, du moins de droit, et il est nécessaire qu’ils se considèrent, fût-ce de façon temporaire, comme des égaux » (1984, 11),’ ‘« Les rituels et les prescriptions précis qui encadrent les rencontres formelles peuvent être conçus comme des moyens économiques de simplifier au maximum la définition de la situation » (Cosnier, 1988, 77).’

La situation de dégustation induit des actes programmés à partir d’un savoir faire qui permet le déclenchement de la parole. Différents types de transgression sont néanmoins possibles.

‘discret mais mais on pourrait dire presque que c’est long en nez (S.A.V. n°11, 63).’

Le locuteur s’auto-évalue /je reconnais que j’emploie un terme qui n’est pas adéquat, mais on pourrait presque dire/, il fait allusion à l’expression long en bouche attestée en phase gustative en sachant que le terme long ne s’emploie pas pour définir une odeur ni même un arôme.

‘E. moi j’le trouve euh au premier- l’odeur
A. non c’est pas la dégustation l’odeur
E’. l’aspect
E. ah oui
A. d’abord l’aspect visuel qu’est-ce que-
E. ben j’le trouve assez clair
A. oui (Vivier 96 n°2, 16).’

L’élève E. porte le verre à son nez en même temps qu’il commence à parler, occultant la première phase d’analyse ; le professeur A. intervient pour rappeler que odeur ne s’emploie pas en dégustation ; un deuxième élève E’ “souffle” le mot aspect pour signifier que l’aspect visuel vient en premier lieu et avant la phase du nez.

‘M. hein alors soit c’est du beaujolais soit du coteaux du lyonnais soit:
C. non mais attends faudrait
P. ooh attends
C. d’abord définir les qualités
D. qu’est-c’qu’on sent
C. les qualités parce que si on commence à donner des noms
D. des p’tits fruits rouges [rire]

C. on va influencer
M. fruits rouges
[rire] (S.A.V. n°17, 1391).’

C. rappelle la tâche en cours qui est de d’abord définir les qualités ie. de faire l’analyse du vin qui vient d’être servi (ici à l’aveugle), tandis que M. “saute les étapes”, cherchant avec D. et P. à faire une première identification du vin.

‘P elle m’a même dit l’autre jour j’sais pl- toutes l- toutes les fois elle elle euh fait un commentaire mais elle hésite pas alors carrément mais je déteste votre parfum
F1 ah:: ça c’est
...
JP attends ne sortons pas du
JJ je déteste votre parfum fff
P c’est gonflé hein
JP j’le sens déjà moins qu’tout à l’heure (JJ & Co n°18, 79).’

Pendant que circule le premier échantillon d’arôme, P. raconte comment l’une de ses collègues de travail lui a fait comprendre qu’elle déteste son parfum : changement de thème qui donne lieu à de nombreux chevauchements. C’est JP qui d’abord ordonne : ne sortons pas du (thème), puis qui remet lui-même le thème sur la “trame” de l’interaction.

Notes
215.

« même si certaines inégalités peuvent se constituer […] par le jeu des marqueurs de place », (Kerbrat-Orecchioni, 1990, 115) et par les différences de statut de chaque participant.