2.3.3. Quelques formes d’échanges plus complexes

Certains échanges comportent une seule intervention verbale, comme les échanges tronqués et ceux dont une intervention est non verbale :

Voici une suite d’échanges tronqués où JP enchaîne sur un nouvel échange sans que l’intervention pourtant réitérée de F1 (ni celle de P) ne soit relevée par aucun des participants :

‘F1 il est: épais
P il est bien moi j’aime beaucoup ces vins
F1 il est épais sur sur la langue
P c’est un vin de
F1 j’trouve qu’il est épais sur la langue
JP vous allez dans quelle région (JJ & Co n°22, 1119).’

Un échange comportant une intervention non verbale initiative :

‘1. (sert du vin à 3.)
3. merci (Vinorama n°1, 27).’

Un échange comportant une intervention non verbale réactive :

‘1. le bois euh: pas marqué comme tu disais
3. [non de la tête] (Vinorama n°1, 27).’

Des échanges ternaires peuvent inclure une intervention non verbale ou paraverbale comme dans cet extrait :

‘C. attention à pas toucher ton nez hein
(rire général)
M. oh la comment veux-tu qu’on s’concentre (S.A.V. n°11, 21).’

Des échanges peuvent s’étirer sur plus de deux ou de trois interventions pour aboutir à l’intervention finale très éloignée, lorsqu’il y a par exemple, désaccord entre des participants. Une évaluation négative sur le vin ou une réaction de désaccord amène généralement son auteur à devoir la justifier :

‘[Pendant la phase olfactive, le sommelier n°2. trouve le vin alcooleux - évaluation négative. Le sommelier n°1. doute et 2. justifie sa position – intervention peu audible. C’est 1. qui explicite son doute en donnant les arguments de son désaccord] :
2. c’est un p’tit peu alcooleux aussi
1. tu trouves’
2. oui, (ça r’monte… )
1. j’lui trouve pas vraiment d’l’alcool... (il a une bonne couleur) il est quand même assez: assez souple (Vinorama n°1, 65).’

L’extension peut aussi être le fait du premier locuteur :

‘D. moi j’sens les la banane là hein
M. la banane’
D. l’acétate d’iso-amyl en tout cas
[rire] (S.A.V. n°15, 824).’

Mais l’accord unanime entre les participants peut aussi entraîner une extension de l’échange en cas, par exemple, de reformulation :

‘2. avec une belle euh: apparition de jambes qui redescendent assez lentement

3. oui
2. (donc) une présence de glycérol euh: assez importante
3. oui c’est vrai
1. ou d’alcool hein
2. oui glycérol ou alcool bien sûr (Vinorama n°1, 43).’

Les trois sommeliers sont d’accord sur la présence de glycérol. On peut interpréter cette suite d’interventions soit comme la succession de trois échanges binaires (initiative + réactive), soit comme une seule intervention de 2. si l’on considère que 3. ne manifeste que des régulateurs (il approuve à deux reprises) et que 1. reformule la proposition de 2.

Un échange peut être enchâssé dans un autre lorsqu’un nouveau sous-thème apparaît alors que le précédent n’est pas épuisé :

‘A. un peu déséquilibrée c’est pâteux et acide on dirait qu’on a Rajouté de l’acidité dans c’vin qu’on a acidifié ce vin
E. ... court
A. oui, oui oui, l’impression générale c’est qu’c’est pas un grand vin c’est clair hein
E. ...
A. tout à fait, de quel ordre est la P.A.I.’ (Vivier 96 n°2, 90).’

Malgré la transcription médiocre due aux chevauchements et au bruit de fond, on voit que E. l’élève introduit trop tôt le thème de la persistance en bouche (intervention initiative dans laquelle il trouve que le vin est court) puisque A. le professeur acquiesce (intervention réactive), mais revient sur celui de l’impression générale avant de réintroduire celui de la P.A.I. 222

Notes
222.

, mais nous trouvons plus souvent (cf. plus loin, l’analyse microsyntaxique) des interventions “orphelines“ enchâssées dans un échange : ce peut être un cas souvent rencontré dans les interactions pluri-locuteurs.