4.1.2. Vanille monoï : une première proposition, celle de M.

‘P. moi j’trouve c’est p- plus léger plus acide ça déjà, par rapport à l’autre,
M. vanille monoï entre vanille et monoï, mais j’ sais pas
C. vanille monoï’
M. oui (SOUPIRÉ EN RIANT)
C. ah oui
P. ah moi j’ai-
M. un p’tit peu fleur de ben un truc comme ça quoi
P. fleur d’oranger non
M. non mais y’a une odeur c'-à-dire y’a y’a une odeur qu’y’a dans l’monoï alors je sais pas si comme dans l’monoï
P. ah oui
M. y’a la fich- fleur de tiaré y’a d’la vanille
D. oui
M. alors donc je sais pas trop
P. oui oui d’accord’

P. fait part de sa première impression, répondant à l’intervention initiative de O., mais son intervention ne déclenche à son tour aucune réaction. Elle ne constitue pas en soi une proposition puisqu’elle n’apporte pas un signifiant sur lequel pourrait coïncider le référent senti.

P. reste donc en deçà de la tâche de dénomination requise, le marqueur déjà signale d’ailleurs qu’il n’avait pas l’intention de dire plus. Son intervention est une comparaison (l’arôme est plus léger et plus acide que le précédent) introduite par une auto-négociation (moi j’trouve) qui signifie qu’elle n’engage que lui.

P. a répondu en partie à la requête de O. Sa réserve ne provoque pas de réaction.

C’est M. qui répond plus conformément aux consignes en énonçant la première ce qu’elle croit avoir perçu. Sa proposition vanille énoncée directement, sans déterminant ni modalisateur verbal (du genre : c’est peut-être, je trouve…) est toutefois nuancée par des softeners qui sont :

M. introduit une modalisation (entre vanille et monoï) puis un aveu (mais je sais pas). On perçoit un decrescendo de la teneur assertive de l’intervention : la première assertion, jugée sans doute péremptoire par M. 245 , est tout de suite contrebalancée par une autre proposition. Face à deux signifiants possibles, M. marque une hésitation pour ensuite avouer son ignorance : elle se retire de manière à laisser une place locutoire à ses interlocuteurs en leur adressant un regard (phatique) juste à la fin de son intervention.

C. réagit le premier : il tourne son regard vers M., reprend les signifiants donnés par M. en y ajoutant une intonation légèrement ascendante. La réitération peut s’interpréter ici comme une forme d’une question indirecte qui marque la surprise ou le doute vis-à-vis du contenu de la proposition : /est-ce réellement vanille monoï ?/.

L’intonation de C. est inférée par M. comme une demande de confirmation : M. confirme immédiatement sa proposition (oui), mais toujours en la modulant : le oui est soupiré et additionné dans le même temps d’un rire dont l’effet atténue encore la valeur assertive de la proposition.

C. lève les yeux, la réponse de M. n’a pas modifié son attitude, il reste sur sa position dubitative (ah oui), comme s’il réitérait sa question : /es-tu sûre ?/, il ne s’engage ni vers la réfutation ni sur la voie d’une contre-proposition.

P. intervient en tentant d’introduire son avis (ah moi je) puis il est interrompu par M. Son tour de parole n’a pas valeur d’intervention : P. se démarque du précédent échange, mais il n’ouvre pas le suivant.

M. veut expliciter sa proposition en l’orientant vers une généralisation (un p’tit peu fleur de), ce qui a plutôt pour effet d’augmenter l’imprécision (ben un truc comme ça quoi). Quoi sert à ponctuer le tour de parole : M. n’a plus rien à ajouter, elle veut bien cette fois céder la parole.

P. la reprend alors et vient en aide à M. en suggérant un nouveau signifiant (fleur d’oranger non) susceptible de préciser le truc et accessoirement de livrer sa proposition (P. a peut-être déjà à cet instant l’idée de sa propre proposition - mandarine). Mais M. réfute la correction de P. et développe un syllogisme du type :

‘Maj. : je retrouve dans l’échantillon présenté une odeur de monoï
min. : le monoï est fabriqué avec de la fleur de tiaré et de la vanille
Cl. : je ne sais pas (si l’arôme présent est celui de la vanille ou celui de la fleur de tiaré).’

à la suite duquel, les autres participants (D., P. puis C. plus loin) acquiescent sinon sincèrement (on ne sait pas s’ils adhèrent, même partiellement, à la proposition de M.) du moins explicitement.

Notes
245.

M. doit ménager aux autres la possibilité de donner un avis différent.