4.3. L’intervention initiative

Nous voudrions étudier ici les actes particulièrement remarqués dans notre corpus, qui se situent en position initiative des échanges et qui sont ceux que nous avons appelés :

‘vanille monoï entre vanille et monoï mais j’sais pas,
c’est plutôt les bonbons à la framboise euh dont j- que j’n’aime pas justement,
moi j’crois qu’c’est la framboise,
moi j’aurais plutôt penché pour euh d’la mandarine,’ ‘moi j’trouve qu’il est Gras
l’attaque est s- pour moi elle est assez ronde
le milieu d’bouche est- est un p’tit peu douceâtre‘
on a un peu pâteux hein un peu: collant pâteux,
il est un peu acide’ maint’nant non’
l’impression générale c’est qu’c’est pas un grand vin, c’est clair hein,’

Leurs similarités et leurs différences de contenu et de forme permettront de mieux définir leur rôle dans les interactions du corpus.

‘« des états de choses qui ne sont guère appréhendables que par le sujet qui en est le siège » (Kerbrat-Orecchioni, 1991, 92).’

Leur visée est de référer à une situation extralinguistique 263 (Rémi-Giraud, 1991, 60). Leur deuxième point commun est leur position dans l’échange : on les trouve en position d’intervention initiative.

‘entre vanille et monoï’

est attesté mais, à la différence des dégustations de vin, un peu, assez, très… ne sont pas apposés au substantif 264  :

?un peu vanille’ ‘moi j’pense aussi amande
moi j’ crois qu’ c’est la framboise
vs. *j’trouve que c’est la framboise’ ‘très agréable’
un p’tit peu douceâtre’’ ‘je trouve c’est agréable
vs. *je crois que c’est agréable.’

La position initiative de l’assertion pose la difficulté de connaître à quoi elle répond pour ainsi provoquer l’enchaînement des interventions qui suivent. Elle se trouve imbriquée 1°) avec ce qui précède et 2°) par rapport à ce qui suit. Pour ce qui concerne les séquences du corpus :

L’assertion de par sa position initiative et l’information portée par son contenu :

‘« met en appel d’une manière explicite sa reconnaissance par l’interlocuteur » (Rémi-Giraud, 1991, 58). ’

Récapitulons :

Tableau 5

Énonciation de I. initiatives :

PROPOSITION

ACTE ÉVALUATIF
Regard Baissé adressé
Intonation Descendante ascendante si +
(descendante si -)
Formes introductives je crois que
je pense que
je trouve que
Modalisation
Sa d’arôme non graduable
(sauf pour le vin)
un peu
assez
très…

Notes
262.

Une assertion est « un énoncé qui se présente comme ayant pour fonction principale d’apporter une information à autrui » (Kerbrat-Orecchioni, 1991, 14). La définition reste floue pour de nombreux auteurs (cf. Kerbrat-Orecchioni, 1991), et celles du P.R. (1973) prêtent à polémique : « Proposition que l’on avance et que l’on soutient comme vraie », plus spécifiquement en linguistique : « Toute phrase qui n’est ni une interrogation ni une exclamation ».

263.

La caractéristique de l’assertion est « la manifestation d’une plénitude cognitive (dans le domaine concerné), que L1 tente de transférer sur L2 » (Kerbrat-Orecchioni, 1991, 18).

264.

L’arôme du vin peut bénéficier d’une graduation : un peu muscat (Vivier 96 n°2, 38), un peu l’champignon (Vivier 97 n°5, 70), il est presque muscat (S.A.V. n°16, 1141), il est très fleur blanche (JJ & Co n°22, 973), etc. Celui de l’échantillon n’est gradué que deux ou trois fois dans le corpus : un peu safran (Oingt n°29, 464).

265.

En fait, les actes évaluatifs relevés dans l’extrait (Vivier 96, n°2) se font durant la phase gustative. Or, l’acte de goûter (durant lequel le regard est effectivement toujours baissé) n’est pas concomitant à la parole. Les actes évaluatifs sont plus souvent adressés (du regard) que durant la phase précédente. Nous avions noté par ailleurs que les contacts entre participants augmentent au fil de la séquence : les regards adressés sont donc plus nombreux en phase gustative.

266.

L’intonation peut être descendante lorsque l’adjectif se “substantive“ avec la forme le / un côté : j’ai pas au nez le côté alcooleux, (Vinorama n°1, 70), ça c’est le côté sua:ve euh fruité, sucré, (Vivier 96 n°4, 233), ah oui, mais ça c’est l’côté piquant, (S.A.V. n°15, 937).

267.

Il doit être sec (dans l’énoncé attesté je pense qu’il doit être sec) n’est pas un acte évaluatif, mais un préjugé.