4.3.2. Les valeurs de l’acte évaluatif

L’information apportée par l’acte évaluatif (en séquence de dégustation de vin surtout) est une qualification relative à un produit ou à l’un de ses constituants. Le produit présent est complexe et changeant. Son analyse fait appel à des termes plus subjectifs que ceux de la dénomination. Le locuteur a la possibilité de graduer le signifiant choisi dont il sait que le référent est susceptible de ne pas être perçu uniformément par ses interlocuteurs.

À la différence de la modalisation de la proposition qui ne pouvait porter que sur la totalité de l’énonciation, celle de l’acte évaluatif est plus facilement dirigée sur le signifiant verbal seul :

‘agréable, beau, bon, élégant, franc, généreux, magnifique, superbe … ’

ou bien, elle ajoute ou rappelle la valeur positive pour les adjectifs évaluatifs dont le signifié n’a pas ou plus de valeur positive marquée 274  :

‘complexe, gras, mielleux, musqué, nerveux…’

ou :

‘long, ouvert, rond, souple…’ ‘« En disant Je trouve que P, le locuteur prend, à l’égard de la proposition P, une attitude positive » (Ducrot, 1980, 72),’

L’énonciation de l’acte évaluatif ainsi modalisée est pragmatiquement moins menaçante que celle de la proposition :

Si nous admettons que :

‘« comme le déclarent Todorov (1967, 277-278) et Heddesheimer (1974) 276 , […] la plupart des affirmations sont en fait des questions détournées, qui appellent en retour une manifestation d’assentiment ou de dissentiment » (Kerbrat-Orecchioni, 1986, 67) ;’

et que, tout comme la question, l’assertion partage :

‘«“ce pouvoir exorbitant” de mettre l’autre en demeure de parler » (Ducrot cité par Traverso, 1991, 203) ;’

alors nous pouvons considérer que la proposition et l’acte évaluatif sont des questions indirectes.

Notes
273.

Nous avions déjà noté au cours de nos précédents travaux (DEA) que le caractère élogieux des qualificatifs du vin est souvent marqué par l’allongement de la voyelle et / ou une remontée de l’intonation.

274.

D’autant plus nécessaire en dégustation que l’on constate, en langage commun :

« une certaine dissymétrie entre le fonctionnement des adjectifs négatifs et positifs : les premiers étant marqués, conservent plus obstinément leur valeur polaire ; les seconds, non marqués, c’est-à-dire pourvus d’une grande élasticité sémantique, peuvent dans certains cas [sauf celui de la dégustation justement] cesser d’exprimer l’idée d’une supériorité par rapport à une norme moyenne » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, 98).

275.

L’allocution du regard est un indice non verbal de la question (Cosnier, 1991, 167).

276.

Todorov (Tzvetan) 1967 : « Les registres de la parole », Journal de psychologie normale et pathologique, vol. 64 (265-278) ; Heddesheimer (Christian) 1974 : « Notes sur l’expression verbale de l’assentiment et de la confirmation en anglais », Mélanges pédagogiques du C.R.A.P.E.L., Université de Nancy II (29-40).