2.1. Le consensus immédiat

Il y a consensus immédiat lorsque la proposition d’un locuteur est ouvertement ratifiée ou reprise en chœur par les participants. L’accord, exprimé par une confirmation (oui, t’as raison, ah ben moi aussi…) :

‘(où déictiques et marques temporelles sont aussi le lieu d’un consensus)
P. à un moment j’ai même pensé à d’la banane moi
M. oui et ben moi aussi au premier
P. ah oui au début
M. à la premier
P. oui
M. mais vraiment le tout premier
P. et puis ap- oui oui
M. au tout premier
P. oui oui... (S.A.V. n°11, 91),’

ou par la réitération d’un signifiant quelquefois même hypertrophié par ce qui semble à la lecture des transcriptions une surcharge de répétitions :

‘2. c’est plus une teinte un petit peu rubis (qu’on a toujours)
1. oui
3. oui rubis tout à fait
2. un p’tit peu rubis (Vinorama n°1, 37).’

L’objet même du consensus peut ne pas être clairement délimité par les participants :

‘[Mg et J. ont chacun un référent très “personnel” qu’ils n’ont pas encore dénommé : leur accord repose uniquement sur la certitude de l’identité de l’arôme]
Mg ça ça m’rappelle une odeur que j’connais en tout cas
J. ah moi moi aussi c’est une odeur alors là Extraordinairement nette quand on l’aura trouvée on pourra pas dire qu’c’est aut’chose c’est: mais alors
Mg ça se relie à des: à des images à des odeurs de ma vie hein
J. oui bien sûr (Oingt n°27, 232).’

Ou bien il peut s’exprimer malgré des divergences, lorsque le référent est nommé différemment :

‘[à propos d’un échantillon d’arôme]
M. je trouv- c’était un un une odeur de de produit ça m’rappelait la la quincaillerie chez moi
C. oui mais parce que c’
M. le magasin
P. ah oui’ ‘C. c’est d’l’aci- c’est l’acide cyanhydrique (S.A.V. n°13, 409).’ ‘[à propos de l’aspect olfactif : on peut supposer que les signifiants énoncés par chacun des trois locuteurs renvoient au même “concept” de qualité]
2. au nez c’est franc c’est:: c’est net
3. oui y’a un joli nez,
2. c’est parfumé…
3. y’a un nez qui inspire confiance a priori
1. oui le nez est bien hein (Vinorama n°1, 51).’

Une autre forme de réussite consiste chez L2 à intégrer les propositions précédentes : en les cautionnant – souvent par hétéro-répétition – il manifeste son accord immédiat :

‘[durant la phase d’accord mets et vin, le professeur A. répond à chaque proposition d’élèves]
E? euh des huîtres
A. avec des huîtres pourquoi pas
E? euh ouais des fruits d’mer ou des fruits d’mer…
E? fruits d’mer
A. oui oui des fruits d’mer du poisson’ poisson grillé
E? des coquillages comme euh
A. coquillages des p’tits ... iodé (Vvier n°2, 100).’

Pour être aussi abondamment et explicitement dénoté, l’accord (en particulier sur le signe) semble jouer un rôle déterminant dans la cohésion des interactions enregistrées. Il souligne le pôle irénique de l’interaction : les participants s’auto-satisfont de leur exploit, c’est-à-dire de leur réussite à formuler en commun des impressions individuelles.