V) La position du chercheur dans les rédactions.

Arriver dans une rédaction avec le statut de l’apprenti-chercheur et dans le rôle d’un observateur n’est pas forcément situation facile. Pour notre part, les rédactions ont “ joué le jeu ”, elles ont même parfois créé une sorte de cocon autour de nous, informant les journalistes de notre statut jugé particulier par rapport aux stagiaires travaillant. Cette posture privilégiée est difficile à assumer et c’est, entre autres pour cette raison aussi, que nous avions envie de contribuer au travail des rédactions, en écrivant, en rendant service... En ayant participé à l’action de la rédaction, un sentiment d’utilité se crée mais aussi un sentiment de légitimité : il nous semblait plus facile de demander des documents, par exemple, quand on avait auparavant aidé à un article. Cette idée de contre-don aux rédactions nous a paru salvatrice.

Une question relative au statut que les rédactions nous accordaient a souvent été posée. Les rédactions ne nous ont-elles jamais vu comme une espionne ? Nous avons juste le sentiment d’avoir été au contraire beaucoup aidé, beaucoup écouté, orienté vers des pistes, corrigé aussi...Toutes les rédactions connaissaient nos rapports avec leurs concurrents, étaient informées de nos rencontres et stages et nous avons toujours respecté la confidentialité de chacune des rédactions.

Si nous avons la sensation d’avoir bien été intégrée au sein des rédactions, il nous a paru difficile, à partir d’un certain temps passé dans les locaux des magazines et d’un degré de connaissance et d’amitié importants, de conserver une complète objectivité. Nous nous sommes rendu compte de la part d’affectivité qui existait entre le chercheur et les rédactions au moment de l’arrêt du magazine M Magazine. Nous avons vécu l’annonce de la disparition de ce magazine et même sans être touchés personnellement, nous avons compati avec les membres de la rédaction. Nous avons tous continué à venir dans les locaux, à travailler quelques jours jusqu’à la fin définitive et ce, dans une ambiance de désarroi mais aussi avec l’impression de former un clan soudé face à l’adversité et la gêne des rédactions voisines de M Magazine. Nous ne pouvions faire abstraction de ce qui se jouait sous nos yeux et qui touchait des collègues et amis. La subjectivité prendrait alors facilement le pas sur l’objectivité et il faut parfois savoir, afin d’éviter les pièges, s’éloigner.

Enfin, la question récurrente dans les études de genre sur le sexe du chercheur peut être ici posée. Une femme peut-elle s’intéresser à des questions relatives à la masculinité ?

Pour notre part et en tant qu’apprentie-chercheuse, notre sexe féminin ne nous a jamais posé problème dans la recherche de matériaux pour cette thèse. Il n’y a jamais été, de quelque manière que ce soit, fait allusion. Nous pensons qu’inconsciemment il a pu nous aider, puisqu’une présence féminine dans des rédactions majoritairement masculines, est le moyen de discussion et celles-ci ont été nombreuses avec tous ces journalistes de sexe masculin. Si notre sexe n’a jamais posé question dans les rédactions, nous pensons qu’en tant que femme nous avons été particulièrement intéressée par l’image véhiculée de la gent féminine dans la nouvelle presse masculine et nous avons essayé de rester objective dans notre analyse. En revanche, notre âge a lui été plus souvent une question récurrente. Comment un jeune chercheur peut-il, avec son peu d’expérience de la vie, témoigner de l’évolution d’un phénomène comme la masculinité ? Nous avons essayé de montrer, avec les lectures et les documents que nous possédions, que ce phénomène pouvait être abordé sans que l’expérience personnelle intervienne dans l’analyse.

Enfin et pour conclure cette partie méthodologique, nous évoquerons la peur souvent éprouvée devant la disparition de magazines ( TMB, Kromozom, M Magazine) et les mauvais chiffres d’autres, de voir au fil du temps notre sujet s’étioler pour s’achever avec un objet “ archéologique ”. Le marché de la nouvelle presse masculine, récent et très concurrentiel, souffre de sa réputation d’objet populaire et ses ventes et recettes publicitaires pâtissent de cette renommée. Nous espérons que cette thèse contribuera à mieux faire connaître cet objet populaire apprécié des jeunes hommes.