a) Max : un pari osé .

Le succès de Max ne se dément pas ; depuis son apparition en 1989, sa spécificité lui confère une position bien particulière et incontournable dans le champ de la presse masculine.

Nous avons vu que la presse de charme décline en France depuis le milieu des années 80. Quant à la presse de mode masculine, en 1989, elle est balbutiante : L’Officiel Hommeva bientôt disparaître (ancêtre du Magazine de L’Optimum) et Vogue Homme, lui, rencontre son public, mais cela demeure restreint en terme de nombre de supports d’information. Naît alors l’idée de réunir ces deux formules, dont l’une a fait ses preuves et l’autre pourrait être prometteuse : c’est donc un pari que se lancent les instigateurs du projet Max, qui s’inspire aussi d’un concept italien. Présenté par l’actuelle équipe comme “un magazine branché années 80” 174 avec “un côté trash, un côté Entrevue très prononcé, très léger, vulgaire, ce magazine diffusait 69 231 numéros en 1991, soit deux fois moins qu’en 2000. Entre temps, le magazine a évolué : depuis 1997, Max a renouvelé sa ligne éditoriale pour “ tout reconcevoir selon une identité masculine très marquée , avec une dimension actualité, politique... mais aussi une forte identité sexuelle : les femmes dénudées ou légèrement vêtues d’un bikini se succèdent en une, entourées de titres pour le moins accrocheurs.

La structure du magazine Max se rapproche de celle des magazines de charme, tout en diminuant la part consacrée aux photographies dévêtues. Le numéro 121 de février 2000 propose en couverture Adriana Karembeu vêtue d’un bikini noir, les doigts passés à l’intérieur des élastiques de la culotte de son maillot de bain ; chaque numéro de ce magazine contient sur la page de l’éditorial, une colonne “ contribution ” dans laquelle sont présentés les photographes ou journalistes extérieurs à la rédaction et qui participent à l’élaboration du magazine et les rubriques suivantes :

une avec Adriana Karembeu
Infos du Monde : (15p) : actualité "loufoque" de certains pays : "la rumeur sur la toxicomanie
des pharaons"…
Les 20/30 ans en France (3p) ont la parole et témoigne sur des sujets de société 175
Infos de l'homme (4p) dont les deux des Miss Trick, fille vituelle et sexy qui répond aux
questions des lecteurs…
reportages (8p) sur le mouvement stop la violence
dossier ( 8p) sur la peine de mort, avec interview d'abolutionnistes, d'universitaires, en retraçant
l'histoire et la répartition géographique de la peine de mort
Fille du mois 01 (7p) sur Adriana Karembeu, en maillot de bain, portant au poignet gauche
une paire de menottes en diamant et un texte biographique très court
Enquête (4p) sur la vie des businessmen à Wall Street et témoignage d'une escort gril
reportage (6p) sur les maquereaux noirs américains
Sexe (6p) sur la fellation, avec témoignages et réponses aux questions
Fille du mois 02 (6p) sur la présentation télé de l'émission du matin anglaise, en petite tenue
Maxguide : le kit de survie de l'homme 2000 , comprend :
Les vêtements de mode (3p) sur les dernières tendances en jeans, baskets…
Les jouets du mois (3p) sur les nouvelles technologies (portable, télévision…) 176
L'épicerie (1p), recette d'un plat, d'un coktail…
L'infirmerie (1p) énumère les produits nécessaires à tout clubber
Santé (1p), leçon "anti-cuite"
Portraits (4p) sur des clubbers
City Guide (3p) à la recherche des meilleurs clubs européens
série mode (8p) sur le disco
Popoculture comprend :
Poppeople (7p) d'interview de Tim Burton...
Pop cinéma (2p) avec critique de films, de DVD
Popomusique (4p) avec critiques de disques, de concerts
Poptélévision (2p)
Poplivres (1p)
Pophumeur (1p) dresse la liste du mois entre ce "qui nous excite" et ce qui "nous énerve"

Max joue ainsi la carte du mélange du charme (mais pas trop : 12 pages dans ce numéro qui en compte 138), du sexe, de la culture et des reportages sur des sujets de sociétés souvent fondamentaux. Ainsi en novembre 2000, Max a consacré un long dossier à l’homophobie. La filiation avec les magazines de charme est d’ailleurs reconnue et assumée comme une tradition à laquelle le magazine doit sa ligne rédactionnelle : il règne dans la rédaction “une vraie fascination pour Playboy, pour les années Playboy, c’est assez présent, c’est une espèce de culture ici 177 . A ces pages connotées “ charme ”, des sujets plus sensibles sont donc traités avec parfois un contenu politique : le dossier sur le racisme (n°123, avril 2000) implique un positionnement politique du magazine.

Cette structure du magazine est le résultat d’un repositionnement du contenu entrepris suite à l’essoufflement de l’ancienne formule charme, par une équipe reconstituée autour d’un nouveau rédacteur en chef partisan de “véritables méthodes journalistiques” ( sic) : “ il y a désormais beaucoup plus de vérification des informations ; pendant un moment, on faisait des articles avec pratiquement que des fausses infos alors que maintenant les infos sont vérifiées. On a maintenant les exigences de base du vrai journalisme. C’est carré . La démarcation entre les deux phases distinctes de l’histoire de Max s’est opérée en une dichotomie autour de l’opposition entre l’ancienne équipe et la nouvelle qui pourrait s’articuler autour de l’expression “ eux ” et “ nous ”. C’est sur cette différenciation que semble reposer, aujourd’hui, la légitimité et l’identité propre du magazine : la nouvelle rédaction se déclare “fière” de son concept généraliste qui s’est écarté de sa formule originelle et qui lui confère un nouveau statut et une nouvelle identité. Cette nouvelle formule de Max relance le magazine. En 1996 et 1997, les ventes diminuaient, l’arrivée de cette nouvelle équipe et la mise en place de la nouvelle formule font gagner 7000 numéros en moyenne chaque mois et relance le magazine. Il vend en 2000 plus de 110 000 exemplaires mensuellement et est diffusé dans 4 pays.

Max a su imposer sur le marché des masculins des années 90 un concept alliant le charme à des thèmes plus généralistes par une équipe qui se décrit comme “ adepte du mélange des genres (filles, sexe et société ; un drôle de concept de magazine, le nôtre)” 178 . Demandant à notre interlocutrice qui était alors secrétaire de rédaction (elle est désormais rédactrice en chef adjointe du titre) de nous définir Max, ellenous répondit : “je le définirais comme le journal du jeune homme qui veut être au courant, qui a envie de voir de jolies filles, c’est sûr, mais avant tout qui est curieux donc qui veut savoir ce qui se porte et qui sort un peu de l’ordinaire, savoir ce qui se passe dans le monde, on a quand même la rubrique Infos du monde, avec des news un peu insolites qui sont de vraies nouvelles et pas des choses inventées, cette rubrique Maxinfos, c’est la plus lue. On trouve tout, un genre de melting-pot un peu bizarre, des informations politiques, des petits retours historiques, internet, des questions de société. C’est assez éclectique, c’est une grosse rubrique dans le journal, parfois 30-40 pages extrêmement lues 179 . Les lecteurs rechercheraient donc la lecture d’informations diversifiées 180 , rapides à lire et qui répondent à des questions qu’ils ne se posent pas forcément. Cette réussite se veut croissante et conforte le magazine dans ses choix et dans l’audace du pari engagé. Ce mélange des genres offre au magazine un lectorat particulier : pour la rédaction de Max, le magazine aurait une identité “générationnelle”, c’est-à-dire qu’il toucherait, en terme d’audience, une population plus jeune, moins urbaine que les lectorats des magazines concurrents et plutôt âgée de 20-30 ans que de 30-40 ans.

Selon les chiffres d’étude du lectorat de Max menée entre janvier et décembre 1999, le lectorat de ce magazine se composait, à l’époque, à 63.4% d ’hommes (ce qui pour un magazine masculin implique un taux de lectorat féminin important), âgés pour 45.7% d’entre eux entre 15 et 24 ans et à 27.3 % entre 25 et 34 ans, 29 % sont étudiants ou quand ils sont actifs, sont ouvriers ou employés, ils disposent à 36 % d’un diplôme du secondaire mais nombreux sont ceux, aussi, qui possèdent un bagage universitaire, enfin ils vivent dans d’importantes agglomérations. Ces chiffres confirment la description du lectorat faite par la rédaction elle-même en 2000. L’enquête AEPM menée entre juillet 2000 et juin 2001 est difficilement utilisable 181 mais elle donne une vision grossière de ce qu’est le lectorat actuel de Max, et confirmeles résultats de l’enquête de 1999.

Max se situe donc à la croisée des chemins entre sexe, charme et culture et a instauré un langage direct avec les lecteurs : les titres de la couverture sont explicites : “ deux fois plus de sexe! couchez avec deux filles en même temps : le fantasme n°1 des mecs(n°122, mars 2000), les filles en couvertures sont aguichantes : “Aurora toute nue : les images exclusives de votre pin-up préférée du calendrier Max”(n°123, avril 2000). Max met en avant la partie charme de sa formule qui reste, au regard des ventes des numéros de décembre contenant en supplément un calendrier qui figure parmi les meilleures ventes (voire parfois même la meilleure vente de l’année), l’ingrédient le plus vendeur.

Mais ce supplément charme (le calendrier) n’est pas le seul supplément entrepris par Max. La formule Mode a elle aussi son supplément, mais sous la forme d’un hors-série qui donne alors à Max une identité plus “ soft ” et élégante.

Notes
174.

Entretien accordé par un membre de la rédaction de Max, le 10 avril 2000.

175.

Ce sont des sujets tels que : “on a 25 et 22 ans et on est comiques sur Canal +”, “J’ai 26 ans et je milite à Attac”

176.

Cette rubrique est identique à Les jouets de l’homme chez L’Optimum et La défonce du consommateur chez Lui

177.

Le magazine a d’ailleurs consacré dans son numéro 123, d’avril 2000, un dossier à Hugh Hefner.

178.

Editorial de Max du n° 122 de mars 2000.

179.

Entretien accordé par un membre de la rédaction de Max, le 10 avril 2000.

180.

La rubrique Infos du monde du n°122 de mars 2000 évoque “ tout sur la mort ”, “ qui a inventé le Smiley ? ”, “ les événements de l’année 1984 ”, “ les sites préférés des spécialistes de l’Internet ”, un débat sur l’autorisation ou non des free parties, un questionnement si la vérité ou non de l’alunissage des américains en 1969 sur la lune...

181.

Elle porte d’ailleurs une mention à l’attention de l’analyseur sur le fait que moins de 100 lecteurs ayant été interviewés, l’interprétation est délicate