-Le genre masculin, produit de l’éducation culturelle et sociale.

Pour Stoller, le terme “ sexe ” a une connotation biologique, ils sont deux : le sexe mâle et le sexe femelle et la détermination du sexe vient des chromosomes, des organes génitaux externes. Sur ce point, Stoller est en accord avec Freud. C’est avec la notion de “ genre ” qu’ils s’opposent. Pour lui, le terme “ genre ” a une connotation psychologique ou culturelle, plus que biologique : le genre est soit masculin, soit féminin : “ le genre est la quantité de masculinité et de féminité que l’on trouve dans une personne et bien qu’il y ait des mélanges des deux chez de nombreux êtres humains, le mâle normal a évidemment une prépondérance de masculinité et la femelle normale une prépondérance de féminité ” 241 et constitue un des critères de classement du vivant. Pour M. Perrot, le “ Gender ” est “ une construction sociale et culturelle de la différence des sexes  242 . En 1970, A-M Rocheblave-Spenlé dans Les rôles masculins et féminins 243 n’employait pas la notion de “ genre ” mais abordait la formation de la détermination du sexe comme le produit de facteurs personnels (les motivations de chacun), de facteurs historiques (les conceptions culturelles et philosophiques de la différence des sexes... ), de facteurs de groupe (l’opinion du groupe auquel l’individu se réfère est importante) et de facteurs liés au sujet (sa propre conception de ce qu’est un homme et une femme). Ces influences socio-psyco-culturelles s’agrègent aux données biologiques de chacun ( une carrure d’homme ou de femme...). Cette identité de genre s’établit avec la connaissance, la perception… que chacun des sujets a d’appartenir à un sexe et non à l’autre, cette connaissance étant le fruit d’une recherche personnelle mais aussi des influences extérieures. Stoller postule lui aussi une essence culturelle à la différenciation sexuelle : “ on sait que la plus grande partie des habitudes sexuelles des humains est déterminée culturellement, c.-à-d. apprise après la naissance, plutôt que déterminée biologiquement. Ces habitudes englobent non seulement les activités formelles comme les danses rituelles, mais aussi ce qu’une culture a défini par elle-même comme comportement proprement masculin ou féminin. Généralement, quels que soient les déterminants biologiques du sexe, on devient membre du sexe qu’on vous a assigné ” 244 . Stoller s’oppose alors à Freud pour qui le comportement est d’origine biologique. Le biologiste M. Auroux évoque, quant à lui, le consensus à la naissance autour du sexe de l’enfant : garçon ou fille et qui amène à la construction d’une identité de sexe : “ l’identité sexuelle une fois construite, l’image de marque correspondante, masculin ou féminin, devient l’identité fondamentale de chacun de nous, autour de laquelle tout gravite : sauf exception, l’homme cherche à ressembler à un homme et lequel oserait dire qu’il n’a jamais rêvé d’avoir quelque chose de J. Wayne, tandis que la femme souhaite ressembler à une femme, et laquelle oserait dire qu’elle n’a jamais rêvé d’avoir un peu de Marylin  245 . Cette identité de sexe engendre une répartition des rôles, laquelle est fondée sur des dichotomies entre actif/passif, intérieur/extérieur, force physique/force émotive... Etablies autour de l’activité physique, guerrière puis professionnelle des hommes, et la maternité, l’éducation des enfants et le maintien de la famille pour les femmes, ces dichotomies s’accompagnent de stéréotypes tenaces accordés à chacun des sexes : puisque l’homme est plus fort, il est plus intelligent, plus assuré, plus sûr, plus raide, moins émotif... alors que la femme est faible, emprunte de douceur, d’émotivité, elle est pacifique... 246 Annelise Maugue dans son ouvrage L’identité masculine en crise au tournant du siècle 247 décrit les représentations véhiculées autour de la femme au début du siècle : le sang des femmes les assimilait à des sorcières, les écrivains insistaient sur leur “ débilité mentale ”, l’ “ inintelligence féminine ” était prouvée par le petit poids de son cerveau, elle était vue comme “ insensée ”, sans âme, sans conscience, sans identité mais avec un instinct donné par Dieu... d’où l’appellation de “ sexe faible ” contre le “ sexe fort ” et l’affirmation de la domination masculine. Cette dichotomie, même si elle évolue, se dilue, se “ brouille ”, reste encore très ancrée 248 ...

Notes
241.

STOLLER R., Recherches sur l’identité sexuelle. Paris, Gallimard, NRF, 1978, p. 28.

242.

PERROT M., «identité, égalité, différence. Le regard de l’histoire», in La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales. Paris, La Découverte, 1995, p. 39.

243.

ROCHEBLAVE-SPENLE A-M., Les rôles masculins et féminins. Paris, PUF, 1970, 346 p.

244.

STOLLER R., Recherches sur l’identité sexuelle, ibid , p. 33.

245.

AUROUX M., Masculin-féminin ou la guerre impossible. Paris, Buchet/Chastel, 1993, p. 196.

246.

A-M ROCHEBLAVE-SPENLE mena en 1970 une étude auprès d’étudiants, lesquels avaient pour mission de répartir une liste de traits de caractères entre ceux qui, pour eux, relevaient du féminin et du masculin. Elle conclut page 53 par : “ l’image de l’homme qui se dégage se caractérise par la stabilité émotionnelle, l’importance des mécanismes de contrôle, le dynamisme et même l’agressivité, ainsi que par les tendances à la dominance et à l’affirmation de soi. Le côté affectif y figure à peine, à part son aspect sexuel négatif (   obscène ”), alors qu’une très grande importance est accordée aux qualités et aptitudes intellectuelles. Les  défauts ” constituent principalement une exagération de ces qualités de contrôle et de fermeté (  rigide ”,  cynique ”). Le portrait de la femme constitue en quelque sorte le  négatif ”, et nous le définissons par rapport à lui ; cela souligne en effet principalement la dépendance de la femme, dépendance qui se manifeste dans le désir de plaire à l’homme, le besoin de se confier, la soumission. Si l’homme se distingue par sa stabilité, par la solidité de ses assises émotionnelles, la femme apparaît au contraire comme un être à l’équilibre instable, au contrôle insuffisant, sauf en ce qui concerne l’expression directe et adaptée des émotions. Par opposition à ce que nous trouvons chez l’homme, le côté intellectuel passe inaperçu, à part l’intuition alors que le côté affectif semble très marqué. C’est d’ailleurs dans ce domaine que nous trouvons le plus de caractères  positifs ” : la douceur, la tendresse, la compassion (...). ”

247.

MAUGUE A., L’identité masculine au tournant du siècle. 1871-1914. Paris, Rivages, 1987, 195 p.

248.

Pierre Bourdieu évoque en 1998 dans son ouvrage La domination masculine la différenciation des choses et des activités selon l’opposition entre le masculin et le féminin et son insertion dans un système d’opposition entre haut/bas, dessus/dessous, devant/derrière, droite/gauche, droit/courbe, sec/humide, dur/mou, dehors(public)/dedans(privé)... et qualifie cette différenciation sexuelle dans “ l’ordre des choses ” (p.14), étant le produit d’habitus et d’incorporations qui la rende presque naturelle, normale...