-La virilité, emblème construite de la masculinité.

C’est donc la virilité que les garçons doivent développer afin d’être reconnus comme étant des hommes. Dans les années 1980, M Feigen Fasteau dressait le portrait idéal de la virilité telle qu’elle était représentée par les américains. L’homme américain était alors assimilé à un “ robot mâle et définit comme un “ être à part, différent des femmes, des enfants et des hommes qui, face à lui ne font pas le poids. C’est un être fonctionnel, conçu essentiellement pour travailler. Il est programmé pour prendre sa tâche à bras-le-corps, pour sauter les obstacles, s’attaquer aux problèmes, surmonter les difficultés : en un mot, pour être sans cesse sur l’offensive. Il est prêt à entreprendre toute tâche qui lui est proposée dans un contexte de compétition, et rien ne le stimule mieux que la victoire. Son armure est virtuellement impénétrable. Ses circuits ne sont jamais brouillés, ni parasités par des interférences personnelles. Il domine et surpasse ses compagnons, sans toutefois laisser trop paraître sa supériorité, ni faire étalage de ses compétences. Il respecte les autres robots mâles, mais n’est pas intime avec eux. Il a du mal à connecter ses circuits internes avec ceux des autres. En fait, ces circuits demeurent pour lui un mystère, il en confie l’entretien aux êtres de sexe opposé  278 . Même si ce portrait est caricatural, ce robot présente toutes les caractéristiques de la virilité : il est ambitieux, combatif et non émotif.

La virilité, définie par Christophe Dejours comme “  un ensemble de comportements, d’interdits de non-dits, de valeurs, d’attitudes, de discours stéréotypiques, etc, qui s’articulent en véritables systèmes idéologiques centrés par le courage et la force  279 ou plus généralement comme l’ensemble des qualités traditionnellement considérées comme spécifiquement masculines, a fait l’objet de récentes études historiques et sociologiques sur son évolution afin d’émettre des réponses au changement actuel des hommes. Ainsi, G. Mosse dans l’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne 280 dresse une histoire de la virilité moderne dont il situe le rôle fondamental dans la seconde moitié du XVIII et début du XIXe. Il relie la virilité à l’émergence, lors de la Révolution française, de l’importance du corps, et de la recherche d’ “ hommes nouveaux ” présentant de nouveaux symboles. Mosse présente la virilité comme un stéréotype s’ajoutant à la perception de l’aspect physique de l’homme, et qui officie comme un outil de visibilité de la nature. Il explique donc la formation de ce stéréotype comme étant un symbole permettant de concrétiser la vision encore abstraite de ce qu’est alors un homme. Les valeurs guerrières mettaient alors en avant la carrure de l’homme, sa pugnacité, son courage, son honneur et sa dignité qui restent des composantes fondamentales de la virilité. A ce code de l’honneur physique, vient s’ajouter au XVIIIe le code de l’apparence qui donne la première vision de ce qu’est la virilité. Mosse insiste sur l’importance de l’influence de la figure grecque de la beauté à travers Apollon, des statues d’éphèbes mêlant beauté plastique et force physique et montre comment ces figures ont été les modèles de l’idéal masculin dans certains pays nationalistes : “ un canon de la beauté masculine s’est donc établi durant la seconde moitié du XVIIIe, qui allait être assimilé par divers mouvements nationalistes ou racistes sans qu’ils aient conscience de partager, en fait, avec leurs rivaux le même idéal  281 . C’est notamment avec la gymnastique et le sport que la virilité est alors façonnée et fondée sur l’excellence corporelle ; les corps sont endurcis pour faire face aux attaques (personnelles mais aussi celles faites à la Nation), mais l’esprit ne reste pas de côté. Le moral doit être robuste, Dieu ayant donné à l’homme une nature et un mental fort afin de se battre jusqu’au bout. C’est notamment dans la figure du soldat, du militaire que se sont agrégés tous ces symboles de la virilité. Toute dérogation à ces valeurs est alors considérée comme une hérésie et est mise à l’écart : les parias (les étrangers ou les asociaux), les hommes laids, les nerveux, les juifs, les homosexuels, les femmes qui osaient s’affranchir des rôles imposés par les hommes... sont chassés, emprisonnés, combattus. La virilité est alors l’image donnée de la grandeur masculine. G. Mosse résume ainsi l’histoire de la virilité moderne : “ entre le milieu du XVIIIe et les premières décennies du XIXe, le décor se planta par l’ascension et l’hégémonie de la virilité moderne. Les critères étaient fixes, les contretypes désignés, au sein d’une société bourgeoise attachée à ses exigences, ses espoirs et ses peurs. L’idéal de l’homme moderne fut vulgarisé par les textes et les images : pour l’atteindre, il fallait affermir son corps, faire la guerre, défendre son honneur et endurcir son caractère. Ce stéréotype est resté étonnamment constant depuis sa naissance jusqu’à très récemment. Néanmoins, il connut de nouvelles épreuves qui soit le renforcèrent, soit lui apportèrent d’autres caractéristiques. Des mouvements politiques et sociaux, comme le socialisme en particulier, cherchèrent à donner une version différente de la virilité, et ceux qui avaient été considérées comme ses ennemis tentèrent de transformer leur image distordue en un reflet plus juste et de revendiquer leur nature. C’est vers la fin du XIXe que l’idéal masculin subit cette attaque  282 . Mais cette virilité ne conserve pas toujours cette forme, elle se recompose au fil des évolutions de la société : Mosse montre comment elle perd de sa vigueur notamment au moment de l’émancipation féminine (nous reviendrons sur ce point en abordant les changements de la masculinité) mais se renforce lors des crises telles que les guerres. Ainsi, les deux dernières guerres ont fait renaître un fort sentiment de virilité et de supériorité chez les combattants. Le grognard et le guerrier comme archétypes de l’idéal masculin est développé par André Rauch dans son ouvrage Le premier sexe : mutation et crise de l’identité masculine 283 dans lequel il évoque la symbolique virile de l’uniforme guerrier : celui-ci représente l’honneur, le devoir, le dévouement, la gloire, la bravoure... au service du pays. La conscription obligatoire est une des étapes de la construction de l’homme pendant laquelle il apprend toutes ces valeurs auxquelles viennent s’agréger celles de la vie en collectivité et de l’amitié. La conscription présente une double importance pour la construction identitaire : outre un lieu d’assimilation des valeurs viriles, elle est, pour beaucoup d’entre les jeunes recrues, le premier éloignement du cercle familial : “ hommes, ils le sont devenus grâce à cet éloignement décisif du foyer familial que devient le départ à la guerre  284 . Les hommes sont préparés à leur rôle d’homme d’une part par cette distance avec leur famille et d’autre part par l’omniprésence de la notion de danger dans leur vie quotidienne. Le guerrier doit toujours se surpasser pour prouver qu’il est un homme, et apporter son savoir des affaires militaires aux jeunes recrues : le militaire est aussi un initiateur à la masculinité. Mais avec l’arrêt des combats, ces jeunes se marient et, tout en conservant une stature d’homme dans la vie publique, ils sont désormais, dans la vie domestique, dirigés par les femmes qui acquièrent de plus en plus de droits (droit au divorce, début du contrôle des naissances qui influe sur la virilité... ) Pour s’affranchir de la présence des femmes, les hommes reconstruisent alors des lieux masculins dans lesquels ils peuvent se retrouver et évoquer les souvenirs de la guerre : les hommes quittent les veillées pour se réunir dans les bars, ils construisent des confréries... qui leur servent de refuge loin de toute présence féminine. En effet, comme nous l’avons vu, le masculin se construit par éloignement du féminin qui peut se transformer en de la misogynie : “ honneur et infamie divisent le monde en deux et encourage un idéal misogyne. Il se célèbre généralement dans un cercle d’initiés, où le mérite ne provient pas de la cité ni de l’opinion publique, mais du cercle même des conquérants, qui consacrent leur fidélité aux valeurs viriles. Celle-ci consolide attachements et affections entre camarades. La transgression de ce code passe pour effemination et provoque mépris et dédain. La misogynie peut ici servir de paradigme de la virilité ; elle devient une façon de dire que le courage, la souffrance et la mort, uniques pensées du héros, appartiennent sans partage aux hommes. Elle devient une façon de se démarquer des femmes ” 285 . Pour Pierre Bourdieu dans La domination masculine, la virilité serait pour l’homme plus une charge qu’un bénéfice. Elle implique de tels efforts et une remise en cause constante et impose aux hommes un certain “ devoir-être, une virtus  286 .

Mais si les duels, conflits, guerres ont été jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les lieux privilégiés de la formation, de l’initiation et de la confrontation des virilités, la virilité a changé de lieu d’expression notamment avec la disparition des conflits puis la professionnalisation des armées. Une des étapes traditionnelles de la construction de la virilité n’a-t-elle pas disparu avec l’arrêt du service militaire ? Sans être un substitut au service militaire, le sport est un terrain vers lequel les jeunes hommes se tournent pour se confronter, dans un esprit plus pacifique que celui de la guerre, tout en y retrouvant les valeurs constitutives de la virilité.

La douleur, la compétition, le dépassement de soi, la cohésion du groupe à travers la force... sont les valeurs symboliques de la virilité prônées à travers le sport. Si le sociologue américain Mike Messner a montré, dans les années 1985, la corrélation entre l’apprentissage sportif et la construction de la masculinité, des chercheurs français ont consacré des études au rapport entre le sport et l’identité masculine. En 1998, A. Davisse et C. Louveau présentent le sport dans Sports, école, société : la différence des sexes comme un lieu traditionnel de constitution de l’identité virile et de sociabilité masculine : “ initialement construit sans le “ sexe faible ”, le sport deviendra - pratiques et représentations se renforçant mutuellement au fil du temps- non seulement un attribut et une compétence propres aux hommes ou aux jeunes garçons, mais le lieu où s’expriment, se gèrent et se donnent à voir leur excellence et leur spécificité. Le sport -pratiqué, regardé, discouru- est et demeure fondamentalement constitutif de l’identité virile. Justification inépuisable et commode, le “ tota mulier in utero ”, a durablement fondé les interdits et les résistances, tant réglementaires que moraux, affectant la pratique sportive des femmes  287 . Ils montrent que si de nombreux domaines sportifs ont été investis par les femmes ( basket, football, badminton... ), il reste des bastions masculins 288 qui comportent une forte identité masculine : ce sont notamment les sports nécessitant une force physique importante ( rugby... ) qui permettent aux hommes d’une part de continuer à développer la force physique qui est, désormais, devenue inutile dans de nombreux emplois et d’autres part de pouvoir comparer leur force ; ce sont aussi les sports collectifs qui aident à la formation d’une identité collective masculine. En 1999, Baillette et Liotard dressent le constat de la reproduction de la domination masculine à travers le sport. Dans Sport et virilisme, ils rappellent que le sport a été présenté comme “ conservatoire des vertus viriles chez G. Vigarello 289 ; comme “ bastion d’expression de la virilité  chez C. Pociello et comme “ fief traditionnel de la virilité  chezE. Dunning. Ils montrent, au travers de divers articles et témoignages, que le sport participe au renforcement de la domination des hommes sur les femmes à travers des valeurs agressives, violentes, empruntes de misogynie qui se répercutent dans la maigre place accordée aux femmes dans le sport. Pour eux, cette reproduction et amplification de la domination (réelle comme symbolique) est le fait des institutions sportives elles-mêmes. Cette domination se présente sous la forme d’une virilité exacerbée qu’ils définissent sous le terme de “ virilisme ” : “ nous nommerons virilisme cette idéologie de la virilité, entendue comme le caractère de ce qui - dans le masculin- établit, accrédite, propage et renforce l’idée de la supériorité des hommes sur les femmes. Ce caractère se fonde sur la croyance en une différence naturelle entre les deux sexes et sélectionne les éléments propres à alimenter la hiérarchie Hommes/femmes. C’est pour cela que le virilisme pose comme valeurs les éléments physiques de cette différence (comme la force par exemple)  290 . Cette virilité exacerbée a été évoquée par J. Cournot sous la forme du machisme qu’il considère comme une psychopathologie de la sexualité masculine et comme une réponse aux peurs ressenties par les hommes vis-à-vis des femmes. Nous reviendrons plus tard sur ces peurs comme source d’accentuation de la domination masculine d’une part et comme symbole des difficultés éprouvées par les hommes face à l’émancipation des femmes d’autre part. Cournot rappelle que pour le machiste, la domination masculine est évidente, car les hommes sont, dans leurs esprits, plus forts, plus intelligents, plus courageux, plus ingénieux et ce par nature. C’est sur cette supériorité qu’ils fondent le déni des femmes, de leurs droits mais non de leurs devoirs, l’homosexualité féminine leur est impensable alors que l’homosexualité masculine est reconnue pour tenir les femmes à l’écart : “ l’homosexualité masculine, par contre, est intégrée dans le machisme comme fleuron de la virilité entre hommes, excluant la “ gonzesse ” qui “ ne fait que comme les femmes  291 . Pour le machiste, la virilité est la représentation physique de la supériorité naturelle de l’homme qu’il tend à accentuer par un vocabulaire misogyne, une survalorisation de sa force physique et des traits de la virilité : chemise ouverte, parler fort...

Si les jeunes hommes aujourd’hui ne sont plus confrontés à l’initiation militaire, ils restent très attachés à la pratique des sports, aux lieux de rencontres entre garçons... et ont recours à des modèles ( souvent médiatiques) qui façonnent leur identité. Pascal Duret dans Les jeunes et l’identité masculine 292 évoque l’évolution des modèles de masculinité donnés aux garçons à travers les séries télévisées. Dans les années 80, le personnage phare des séries télévisées incarnait la virilité bagarreuse, mais surtout la virilité machiste : l’homme devait être un tombeur tout en réservant une place principale à sa famille et à ses copains. Fanzy de Happy Days est alors l’archétype de l’homme de cette décennie. Les années 90-95 voient la mise en avant dans les séries s’adressant aux jeunes adolescents, de jeunes femmes auxquelles les jeunes hommes sont dévolus, rarement agressifs et prônant un partage des tâches équitables. Hélène et les garçons met ainsi en scène un groupe de femmes aux caractères forts et un groupe de jeunes hommes attentifs à faciliter la vie de ces filles, même si un des garçons tient le rôle du macho. Enfin, depuis la fin des années 90, les séries relatent d’une part, la difficulté des hommes à sortir de l’enfance, à prendre des décisions, et d’autre part, la prise des initiatives féminines, notamment à travers la série Friends (où la vie en collectivité et l’amitié sont les règles du groupe 293 ) et dans laquelle les femmes utilisent les codes masculins de la séduction. Cette évolution des modèles télévisuels donnés à voir aux jeunes hommes et femmes repose sur une évolution réelle de la virilité. Cette dernière s’est en effet recomposée au fil des changements de la société : à la virilité agressive et active a succédé une virilité protectrice, qui intègre des sentiments, même si la virilité n’est pas représentée de la même façon chez les deux sexes. Pascal Duret établit en effet une dichotomie sexuelle de la représentation de cette virilité : pour les filles, c’est dans le regard et l’allure générale que se situe la virilité alors que chez les garçons, ce serait par la force physique (les muscles) et par les poils qu’elle serait symbolisée. Les filles associent alors la virilité au caractère alors que chez les garçons, elle est associée au corps. La représentation de la virilité, chez les garçons et les filles, s’articule donc autour du pôle corps/âme. A cette différenciation sexuelle de la représentation de la virilité, il ajoute une différenciation sociale et culturelle. Il établit une opposition de perception et de mise en oeuvre de la virilité entre les garçons des classes populaires et ceux des classes aisées : si la force physique reste l’argument majeur de la virilité pour les premiers, elle est secondaire chez les seconds au profit de l’importance de l’intelligence et de la confiance en soi comme moyens efficaces de drague. Duret ajoute que la virilité est représentée dans les cités comme une “ source de maturité et de fierté  alors qu’elle est source de “ vanité infondée, immaturité et violence  chez les classes aisées.En outre, pour les filles des cités, l’homme viril s’apparente à l’homme idéal : “ les valeurs masculines ont tellement de poids dans les cités qu’elles pénètrent l’univers féminin, alors que d’autre part, les valeurs féminines semblent au contraire influencer les garçons d’origine bourgeoise  294 . Pour Duret, les représentations de la virilité dépendent fortement des origines socioculturelles des jeunes hommes et femmes, où la virilité populaire serait fondée sur la force physique et dans les lieux exclusivement masculins ( caves, bars, les stades...) alors que la virilité bourgeoise serait faire preuve d’une ouverture sur l’autre sexe 295 avec une participation aux tâches domestiques, une sensibilité amoureuse déclarée et assumée... Il présente ainsi une construction sociale et culturelle de la virilité. Michelle Perrot avait elle aussi abordé le rapport de la virilité avec la condition sociale en évoquant les usages sociaux des identités sexuelles et notamment l’usage particulièrement développé chez les classes populaires de la virilité : “ de manière générale, les catégories socialement dominées ont tendance à réaffirmer leur identité par le biais de la virilité et de la soumission des femmes. C’est un trait constant du populisme, d’autant plus insidieux qu’il se veut justement populaire  296 . Eric Maigret confirme lui aussi cette présence particulière de la virilité dans les produits populaires en prenant pour objet les bandes dessinées. Dans Strange grandit avec moi. Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs de BD de super-héros 297 , Maigret décortique la bande dessinée de Superman qui propose un personnage puissant et protecteur et une femme soit douce, soit castratrice et qui évolue au fil de l’évolution de la masculinité : si au commencement, le personnage était fort et les questionnements psychologiques absents, ces derniers ont investi les histoires en rendant le personnage humain mais pas sentimental : “ il n’y a pas renoncement aux attributs traditionnels du masculin. Les héros restent drapés dans leur supériorité d’homme que tout rappelle dans les contenus, dans les dispositifs éditoriaux, dans les attentes des lecteurs. Les super-héros ont beau pleurer, et leurs lecteurs avec eux, ils n’en demeurent pas moins des justiciers se réalisant d’abord dans l’action  298 . Il présente les bandes dessinées de super-héros comme un des lieux médiatiques de réflexion des lecteurs masculins sur leur propre identité, lesquels “ permettent un travail de construction d’une identité masculine problématique  299 .

Pascal Duret utilise la transposition masculine de cette phrase mythique de Simone De Beauvoir comme titre d’un article sur l’évolution de l’image de la virilité 300 . On naît de sexe masculin, on naît garçon mais ce dernier apprend à devenir un homme. Il franchit des étapes, doit imiter ses pairs, se différencier de l’autre sexe, rentrer en compétition avec ses semblables... afin de se forger un corps et un mental d’homme. Pour Michel Dorais, l’homme est le résultat d’une culture, d’une éducation et non lié à un déterminisme biologique ou psychologique ; pour G. Falconnet et N. Lefaucheur 301 , si les hommes croient aux qualités masculines naturelles, ils doivent pourtant les prouver ; M. Angenot présente, quant à lui, la masculinité comme “ une grammaire de reconnaissance qui tient à “ une constitution idéologique du sujet  302 . Mais cette construction culturelle de l’identité masculine implique des changements en fonction des évolutions de chacun : ainsi, les hommes ont longtemps été perçu comme supérieurs ( car de force physique importante, avec des rôles publics donc visibles...), ils étaient alors facilement “ définissables ”. Ainsi, en 1989, l’urologue-andrologue G. Arvis 303 énonçait les 8 fonctions attendues d’un homme : l’homme doit être un amant puissant, un mari rassurant, un protecteur pour la famille, un travailleur efficace, un chef sachant gérer ses biens, être fertile, un père sachant éduquer ses enfants et un fils respectueux. Ces fonctions augmentent au fil des années : si en 1989, le rapport aux enfants rentre dans la définition de ce qu’est un homme, longtemps l’éducation et le bien-être de la famille étaient les domaines réservés de la femme. Ainsi, la définition de ce qu’est un homme devient de moins en moins rigide. Dans un article intitulé La plaie et le couteau, Françoise Giroud évoque ce qu’est, pour elle, un homme en 2000 : “ A la fois mon double et mon contraire. Nous sommes pareils et autres, impuissants donc à nous connaître vraiment et si proches en même temps  304 . Par cette complémentarité dans la différence, chaque évolution ou changement de l’un des sexes influe sur l’autre.

Mais cette complémentarité, aujourd’hui presque généralement reconnue, est récente et ne s’accompagne pas encore de l’égalité. Nous avons rapidement abordé la hiérarchie inter et intra-sexe : la domination masculine sur les femmes comme sur les hommes, longtemps considérée comme principe organisateur de la répartition et de la différenciation sexuelle dans la société, est aujourd’hui, remise en question.

Notes
278.

FEIGEN FASTEAU M., Le robot mâle. Paris, Denoël/Gonthier, 1980, p. 13.

279.

DEJOURS C. , «Le masculin entre sexualité et société», inWELZER-LANG D (sous la dir.), Nouvelles approches des hommes et du masculin, op. cit, p. 277.

280.

MOSSE G., L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne. Paris, Abbeville, 1997, 216 p.

281.

MOSSE G., L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, ibid, p. 43.

282.

MOSSE G., L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, ibid, p. 81.

283.

RAUCH A., Le premier sexe : mutation et crise de l’identité masculine. Paris, Hachette, 2000, 297 p.

284.

RAUCH A., Le premier sexe : mutation et crise de l’identité masculine, ibid, p. 54.

285.

RAUCH A., Le premier sexe : mutation et crise de l’identité masculine, ibid, p. 255.

286.

BOURDIEU P., La domination masculine. Paris,Seuil, 1998, p. 56.

287.

DAVISSE A etLOUVEAU C., Sports, école, société : la différence des sexes. Féminin, masculin et activités sportives. Paris,L’Harmattan, 1998, p. 24.

288.

DAVISSE A et LOUVEAU C évoquent p. 118 une localisation géographique de ces bastions sportifs masculins : “ on aperçoit que ce sont aussi des lieux traditionnels de sociabilités masculines fortement implantés qui résistent : ainsi les courses landaises ou camarguaises, la pelote basque, le jeu à XIII, le rugby ou encore la balle au tambourin, tous fixés au sud de la Loire et plus bas encore, en des régions influencées par une culture méditerranéenne et où ont cours des modes de vie qui séparent assez distinctement rôles et espaces de vie des hommes et femmes ”. Il convient de noter qu’il existe des sports particulièrement violents et virils dans les pays nordiques ( hockey sur glace, football américain... )

289.

Cette expression a aussi été utilisée dans un article de Catherine LOUVEAU «Femmes sportives, corps désirables», paru page 25 du Monde Diplomatique d’octobre 2000, dans lequel elle dénonce le faible traitement médiatique du sport féminin, l’assistance sur la beauté des sportives ou au contraire sur la “ non-féminité ” de ces dernières. Elle qualifie donc le sport comme “ conservatoire d’une excellence féminine stéréotypée et conservatoire des vertues viriles ”. La femme ne doit pas être montrée pendant l’effort : “ c’est l’image qu’elle donne à voir d’elle-même qui fait la femme, comme c’est l’action qui fait l’homme ”.

290.

BAILLETTE F et LIOTARD P., Sport et virilisme. Montpellier, Ed Quasimodo et fils, 1999, p. 5.

291.

COURNOT J., Pourquoi les hommes ont peur des femmes, op. cit, p. 271.

292.

DURET P., Les jeunes et l’identité masculine. Paris, PUF, coll «sociologie d’aujourd’hui.», 1999, 176 p.

293.

Actuellement, les séries télévisées présentent, pour la plupart, des personnages principaux féminins, autonomes, combattifs et qui se présentent à la fois comme des femmes menant les initiatives amoureuses et d’autres à la vie sentimentale chargée mais non épanouie : Ally Mac Beal et la série Sex and the City sont les archétypes de ces programmes qui rencontrent aujourd’hui un fort succès.

294.

DURET P., Les jeunes et l’identité masculine, op. cit, p. 42.

295.

Ce repli sur un groupe ou au contraire l’ouverture vers l’extérieur avait été noté par R. BOYER en 1991 dans son article «Identité masculine, identité féminine parmi les lycéens», Revue française de pédagogie, n° 94, janvier-mars 1991, pp. 13-18. Il concluait que les filles des classes populaires se maintenaient dans les rôles traditionnellement féminins alors que les filles des classes aisées s’adonnaient de plus en plus à des activités traditionnellement masculines et ce sous l’influence de la famille. Dans les classes populaires où la virilité est prisée, les filles doivent reproduire les tâches féminines alors que le partage des tâches est négocié dans les classes aisées. Mais si la classe sociale d’appartenance semble importante, BOYER postule un estompage des effets de l’appartenance sociale en faveur d’une assise des clivages de sexe qui serait le facteur prédominant des choix et des goûts masculins et féminins. Nous verrons que de nombreux auteurs comme F . De SINGLY, FISCHLER ... ont , au contraire, postuler l’effacement des clivages féminins-masculins en matière de goûts et d’activités.

296.

PERROT M., «identité, égalité, différence. Le regard de l’histoire», in La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales, op. cit, p.45.

297.

MAIGRET E., «Strange grandit avec moi. Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs de BD de super-héros», Réseaux, n° 70, mars/avril 1995, pp.79-103.

298.

MAIGRET E., «Strange grandit avec moi. Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs de BD de super-héros», Réseaux, ibid, p. 92.

299.

MAIGRET E., «Strange grandit avec moi. Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs de BD de super-héros», Réseaux, ibid, p. 98.

300.

DURET P., «On ne naît pas homme, on le devient», in Sciences sociales, n° 112, janvier 2001, pp.32-35.

301.

FALCONNET G et LEFAUCHEUR N. , La fabrication des mâles, op. cit.

302.

ANGENOT M. , «L’identité : je ne sais plus très bien où j’en suis», in Fontenay H de (sous la dir.), La certitude d’être mâle. Une reflexion hétérosexuelle sur la condition masculine, op. cit, p. 234.

303.

ARVIS G., Andrologie. Paris, Ed Maloine, tome II, 1989.

304.

GIROUD F., «La plaie et le couteau», Revue des deux mondes, n° 7/8, juillet-août 2000, p. 94.