c) FHM : l’humour au service des hommes, une formule qui gagne.

Le groupe Emap cherchait depuis plusieurs mois une formule à lancer sur le marché français de la presse masculine sans savoir précisément quel positionnement adopter. Après une phase d’observation du marché ( alors uniquement détenu par M Magazine) et des annonces de titres à venir (Men’s Health), Emap décide de tenter une implantation française de FHM, et de se démarquer dès le début de la spécialisation thématique du marché français des masculins. Créé en Grande-Bretagne sur le modèle de Loaded et reformulé en 1997, il s’expose en France, fort de son succès outre-Manche. En important une formule qui atteint alors 800 000 numéros en Angleterre, FHM( For Him Magazine) modifie les critères jusqu’alors en vigueur dans la nouvelle presse masculine. Finies la beauté, la santé et l’image de l’homme parfait, FHM dont les 3 valeurs clé sont «funny, useful, sexy» 423 se démarque de ses concurrents par un concept fondé sur l’humour, le loufoque et le charme. La volonté d’imposer un magazine différent qui «ne prend pas la tête aux hommes, il ne faut pas leur imposer de modèles, leur donner des conseils en restant très distants et il faut les faire rire» 424 prend alors forme.En évoquant la recherche du positionnement avec le directeur d’édition de FHM, 9 mois après la naissance du magazine, il est revenu sur la «prise de risque» que représentait l’importation de ce titre anglo-saxon sur un marché latin qui, de plus, possédait un marché spécialement à centres d’intérêt. Les valeurs véhiculées par FHM sont très différentes de celles à laquelle la France est habituée et les enquêtes entreprises montrent alors les résistances de la culture française à ce positionnement. Le groupe Emap a préféré appliquer une logique de sortie immédiate du titre, malgré un environnement jugé défavorable avec l’espoir que ce dernier devienne favorable à l’épanouissement du titre plutôt que d’attendre que le marché soit devenu favorable pour s’y implanter. Nous verrons que cette logique «à risque» ne peut être entreprise que par les grands groupes qui peuvent supporter pendant plusieurs mois un titre lourdement déficitaire. FHM arrive donc sur le marché de la presse masculine avec une formule totalement novatrice et en complète opposition avec les magazines de santé-forme. Ce nouveau magazine fonde sa formule sur un concept énoncé dans l’éditorial du premier numéro : «Prenez 3 stupéfiants en vente libre : un peu d’amour, un peu d’humour et beaucoup d’infos. Mélangez. Feuilletez. (...) De l’amour... Dans FHM, journal masculin, il y a des filles partout. Pour les yeux ? Pas seulement. Nous pensons que les hommes ne valent rien sans les femmes. Et aussi (surtout ), que les femmes ne sont rien sans nous...De l’humour... Dans FHM, on essaie de prendre les choses avec un peu de recul. Non que vous en manquiez, au contraire. Mais, apparemment, vous manquez de journaux capables de parler de choses sérieuses sans se prendre au sérieux. (...) De l’info... Dans FHM, on donne énormément d’infos. Des loufoques, parce qu’on adore ça. Des pratiques, parce que sinon à quoi ça sert. Des surprenantes, parce que sinon la vie est trop triste. Nous avons aussi un principe : regarder le monde de la façon la plus naïve possible. Pourquoi ? Parce que, tout à coup, une autre réalité apparaît : plus crue et beaucoup plus drôle. C’est que, parfois, la vérité sort de la bouche des grands enfants(...)» 425 .

Ce premier numéro présente en couverture l’actrice américaine Sandra Bullock et inaugure une structure qui, même si elle a dans l’ensemble été conservée, a connu aussi une évolution donnant une place de plus en plus importante à l’interactivité entre le magazine et les lecteurs.

une avec une fille connue : Sandra Bullock
Action ! (15p) : les petites informations décalées "quelle file choisir dans les bouchons",
la BA de l'été, "comment tenir compagnie à un vieux ?"
Amour (7p) : des portraits sexy de starlettes habillées sexy (Sarah Michelle Gellar),
des conseils tels que "demander une fille en PACS, mais laquelle ?"
La revue de presse (1p) : comprendre les filles à travers la lecture de la presse féminine
Sex Questions (2p) : répondre aux questions sexuelles des lecteurs.
L'Album FHM (7p) propose des photographies décalées sur un thème : pour le voyage,
la maison en carton d'un clochard au Japon
Dossier (6p): la guerre aujourd'hui: "comment serai-je habillé ?", "avez-vous l'étoffe d'un héros ?"
Brèves rencontres (2p) : Pierre Bellemare évoque ses bretelles, le télé-achat
Dossier : (11p) : la drague l'été : "quel dragueur êtes-vous ?" afin de déterminer si le lecteur
Pratique "la drague à papa", "la drague de félon", "la nouvelle drague"…, donne des conseils…
La fille de la une (8 pages) entre photos sexy et interview
Le journal du Pire (8p) qualifié de "8 pages d'informations insolites et graves",sur du papier légèrement cartonné. Il montre ce qui peut arriver de plus étrange : pires catastrophes, contient un bétisier de la mort, la chronique misogyne de Simon Libérati et son fils qui reviennent sur un épisode de la vie d'une femme (les attaque contre Stéphanie de Monaco), L'observatoire des chieuses 426 , l'Horror...scope écrit à partir des horoscopes des féminins
Dossier (5p)sur Jacques Villeneuve
Nouvelle déclaration des droits de l'homme 427 (4p) : "le droit de ne pas être un homme",
Séries de photos (7p) de jeunes mannequins de pub, en maillot de bain
Brèves rencontres (2p) :le type du péage évoque ce qu'il voit de sa cabine…
Dossier (6p), spécial baroudeurs dresse la liste des métiers pour faire fortune au soleil : écrivain public au Sénégal, témoin de mariage à Las Végas…
FHM Fashion (20p) de mode, shopping, conseils vestimentaires, histoire d'une marque
FHM Hospital (2p), informations sur la santé, sur les nouveaux produits de soin, des spécialistes répondent aux questions des lecteurs…
FHM Mégastore (7p) : DVd, livres, musique, jeux vidéos, Internet
FHM Equipement (2p) : les nouveautés technologiques : les appareils photos, les sacs à dos…
FHM Explorer (2p) : les voyages (les Keys en Floride, Le Costa Rica…)
FHM Joke Box (1p) : classées de la «moins pire» à la «pire»

Ces rubriques principales présentes dès le premier numéro sont pour la plupart toujours présentes dans le magazine. Mais celui-ci a beaucoup évolué et particulièrement la première partie du magazine, donnant ainsi une part importante à l’interactivité :

La rubrique Action ! s'est étoffée pour devenir plus lisible, à l'automne 2000
FHM courrier (2p) : publication et réponse aux lettres concernant le magazine 428
Elle apparaît dès le numéro 2
FHM Confession (2p), témoignage de lecteurs "j'ai trinqué avec la mafia serbe", un psy donne son avis.
Hotline (3p) : exaucer le rêve des épistoliers 429 .
L'agenda du macho (2/3p) : actualité des soirées inratables…
J'ai testé pour vous (1p) : présentation d'une activité que le lecteur lambda ne peut faire sans aide : présentateur météo, piloter une grue…
Nouveau ou Intox (1/3p) : présentation et test de nouveaux produits en fonction de leur degré d'innovation.
Joies simples (1/3p) : présentation de plaisirs régressifs : chewing-gum…
L'inconnue du mois (2p) : photographies sexy et biographie d'une jeune starlette en vogue
Le journal du Pire a changé en avril 2001 430
Trash-test (1/3p): interview d'une célébrité sur le thème "pipi-caca" : "regardez-vous derrière vous avant de tirer la chasse ?", "la chose la plus répugnante que vous ayez mangé?" 431
Les chiffres du mois (1/3p) : évoquent un thème à travers les statistiques 432
Le comparatif du mois (1/3p) dresse un tableau comparant deux phénomènes opposés : "la drogue et la bourse", "bac +5 et bac-5", "Whitney Houston et Mariah Carey"…
L'etudiante du mois (1p) : photographie sexy et biographie d'une étudiante qui concourt pour le titre d'étudiante FHM de l'année.

Cette structure qui a évolué au fil du temps, tout en conservant sa structure originelle mais en l’affinant, en l’enchérissant et en la dépossédant des rubriques jugées vieillies ou trop récurrentes, a été le fruit d’une volonté de la rédaction d’FHM de construire un contrat de

lecture en complète interaction avec le lectorat. Plus le magazine évolue, plus le lecteur en est un des acteurs principaux alors qu’il n’était que simple lecteur au commencement. Le ton humoristique, décalé, loufoque, extrême parfois... des articles est un des éléments du succès de ce magazine en France qui a trouvé un public massif dès sa première parution. Les jeux de mots utilisés en légende des photographies sont légions ; ces mêmes photographies sont pour la plupart extraites de films, de bandes dessinées... connus de tous et extraits soit de la comédie populaire (les bronzés, les films d’Aldo Maccione, de Guy Marchand... ), soit des films d’aventures. La dérision est donc un des préceptes du contenu de FHM et ce concept ludique est la clé du succès et de la différenciation d’avec les autres concurrents : ainsi la rédaction déclare «Quand il y a un mec gros dans Men’s Health, on va lui dire de maigrir, dans FHM, on va lui dire de mieux se fringuer et d’apprendre à parler...» 433 . La question du second degré est particulièrement importante dans ce magazine mais pose aussi une interrogation qui reste pour nous encore non résolue. Lors de nos conversations au quotidien avec les membres de la rédaction, certains se sont interrogés sur l’écart entre le ton emprunt de second (voire nième degré) utilisé pour l’écriture des articles par la rédaction et la réception de ceux-ci au premier degré par certains lecteurs. Même si nous n’avons pas consacré dans cette thèse de recherche en réception en dehors du courrier des lecteurs, il nous est rapidement apparu à la lecture des lettres que certains lecteurs prenaient les informations et le ton employé au premier degré, laissant apparaître un décalage entre l’esprit dans lequel le magazine est produit par la rédaction et la façon dont il était perçu par certains lecteurs 434 . Questionnant le rédacteur en chef à ce sujet, sa réponse, en désaccord avec la manière d’appréhender le ton du magazine par les journalistes renforce l’incertitude : conscient de sa divergence par rapport à une partie des journalistes, il avoue : «le problème, c’est que je le fais souvent au premier degré. Pas tout évidemment, par exemple, les photos des filles, si on dit qu’elles sont sexy, c’est une réaction primaire, mais il faut que ça provoque un émoi, en même temps, je n’ai pas honte de ce qu’il y a dedans» 435 . Ce ton si particulier de l’écriture mais aussi de la mise en page et de l’illustration des articles est un des facteurs du succès de FHM en France, mais il est aussi un des facteurs qui a, en stricte relation avec la façon dont il avait été reçu, causé des critiques et attaques au magazine. Deux dossiers ont provoqué des réactions nombreuses de lecteurs, le premier est lié à une enquête publiée dans le numéro 2 de septembre 1999 sur le troisième mi-temps au rugby dans laquelle le magazine mettait en exergue les coups, la bière, le traitement des femmes dans les soirées... et le second publié dans le numéro 19 de février 2001 était un concours «Gagnez une vraie femme» dans lequel le lot était une poupée gonflable avec des ustensiles ménagers et de multiples cadeaux censés représenter la psychologie féminine : des livres de Barbara Cartland, des disques de Patrick Fiori, un kilo de coeurs d’artichauts... le tout pour une valeur de plus de 8500 Euros (55700 Frs). Nous reviendrons sur ces deux dossiers dans la partie consacrée à la représentation féminine et masculine dans les magazines, puisqu’ils sont les illustrations de celles de FHM, d’autant plus que le rédacteur en chef ajoute qu’  «en le relisant, j’assume complètement ce qu’on a pu écrire et je trouve même ça drôle, et puis notre concours «gagner une vraie femme», c’est pareil. Je ne le ferais pas pareil, j’en ferai même plus. Je le pousserais à la caricature» 436 . Le magazine a récidivé avec un autre dossier sur les coulisses du rugby a été traité dans le n°33 d’avril 2002 engendrant une certaine publicité au magazine.

Si le ton humoristique et décalé du magazine est un facteur du succès, le choix de la femme comme acteur principal de FHM est le facteur prépondérant de cette réussite auprès des hommes. Il est aussi l’élément sur lequel repose la différenciation de ce magazine avec le pôle santé-forme dans lequel les mannequins ne sont que masculins. A cette différence sexuelle, s’ajoute la différence de la célébrité des femmes posant pour la une. Si M Magazine et Men’s Health ont opté pour la plastique du mannequin et non pour sa renommée, FHM a opté pour la combinaison des deux : ce sont de jeunes femmes célèbres qui tiennent la une. Entre juillet 1999 et décembre 2001, 29 numéros et couvertures de FHM sont parus : avec une seule couverture présentant un trio ( celui du film américain Drôles de dames dans le n°17/décembre 2000). 29 femmes en majorité anglo-saxonnes : 6 françaises seulement ( Sophie Thalmann ( n°2/septembre 1999), Virginie Ledoyen (n°7/février 2000), Clotilde Courau (n°10/mai 2000), Clémence Arnaud (n°18/janvier 2001), Frédérique Bedos (n°22/mai 2001) et Ophélie Winter (n°27/septembre 2001). Quant aux américaines ou anglaises, elles sont Catherine Zeta-Jones, Alyssa Milano, Pamela Anderson, Carmen Electra, Liz Hurley... trois stars ont fait la couverture de FHM France plusieurs fois : Sarah Michelle Gellar dans le numéro 15 d’octobre 2000 et dans le n° 29 de décembre 2001 et Alyssa Milano (n°9 et n°20). Mais celle qui multiplie les couvertures est Jennifer Lopez ; avec 3 couvertures (n°3, n°12 et n°28), elle est la lauréate du concours organisé par FHM pour décerner le titre de «fille la plus sexy», ce qui lui vaut les deux couvertures relatant ce concours. Les domaines de prédilection de ces jeunes femmes sont le cinéma (pour 19 d’entre elles), la télévision (3), la chanson (5) et le sport pour Estelle Warren et Anna Kournikova. Jeunes et belles elles sont, mais dévêtues elles le sont aussi. Les couvertures sont toutes des portraits debout mais coupés soit au niveau des hanches, soit à celui des genoux. Seule Virginie Ledoyen est assise. Elles posent soit de face ( afin de montrer leur décolleté), soit de profil pour offrir aux lecteurs la courbe du dos, des fesses ou le galbe d’un sein. Elles sont habillées, même si Virginie Ledoyen n’est revêtue que d’un morceau de drap et Carmen Electra d’un string qu’elle est en train d’enlever. Ce sont les deux couvertures les plus déshabillées. Quant aux 27 autres, elles présentent une constante, ce sont la poitrine et le maillot qui sont mis en valeur sous des brassières, des nuisettes, des petites culottes. Si les trois premières couvertures de FHM en France montraient des femmes habillées de robes ou d’un ensemble noir entrouvert mais sans plus (Sophie Thalmann), les filles de la une ont, par la suite, suggéré aux regards les parties les plus intimes comme Pamela Anderson dont les seins sont cachés sous sa main et son bras, ou Jennifer Lopez qui cache les siens sous un maillot en résille. Les ventres se montrent et les mains des jeunes femmes sont placées de façon à mettre en évidence certaines parties de leur corps : Ophélie Winter tient d’une main sa mini-brassière tandis que l’autre est posée sur son micro short en cuir noir ; Liz Hurley pose en petit bikini griffé Christian Dior et s’agrippe à un rideau de façon lascive... Les filles en une de FHM ne sont pas souriantes (sauf Sandra Bullock pour le premier numéro), elles sont provocatrices, cambrées, lascives, avec la bouche ouverte pour beaucoup d’entre elles et fixent l’objectif. Le seul instrument utilisé dans les prises de vue d’ une couverture est un fouet pour le numéro 29 de décembre 2001 qui met en scène l’actrice de Buffy en sadomasochiste. Enfin, toutes ses couvertures apparaissent sur fond de couleur raccord avec le ton des vêtements portés : bleu clair, bleu nuit, jaune, vert, noir... et la couleur usitée pour les titres du numéro l’est aussi pour le logo FHM.. Quelles sont les raisons du choix de consacrer uniquement la couverture aux femmes ? C’est tout d’abord un choix rédactionnel du groupe Emap quand il a lancé le premier numéro de FHM en Angleterre. Emap France ne pouvait donc pas déroger à la règle internationale. La raison originelle de ce choix est évoquée chez FHM par «nous mettons des femmes en couverture parce qu’on pense que les hommes ont plutôt envie de voir des femmes que des hommes mais une des raisons qui est non-négligeable, c’est qu’on ne veut pas renvoyer de modèles» 437 . Mais n’est-ce pas renvoyer des modèles, certes féminins à des lecteurs en majorité masculins, que de montrer des filles à la plastique avantageuse ?

Nous avons dressé la liste des récurrences des noms communs apparaissant en couverture de FHM. Sur près d’une centaine 438 de noms, seuls 9 reviennent plus de 5 fois. Ils évoquent la ligne rédactionnelle fondée sur la gent féminine et sur le sexe :

sexe, sexy 13
femme 10
filles 7
enquête 6
pratique 6
sport 5
Mode 5
Star 5

FHM met en avant sur sa couverture son positionnement gynécentré à tendance charme, en multipliant les appellations féminines, entre «femme», «fille» et «star» et les allusions au «sexe», au «sexy», mais rien sur le corps, et sur l’homme.

Si, contrairement aux deux concurrents précédemment analysés, la liste des récurrences les plus fréquentes ne dévoile pas les thèmes majeurs de la liste rédactionnelle, c’est parce que tous les thèmes y sont abordés : c’est pourquoi la liste complète contient de nombreux mots à une seule apparition : pouvoir, bricolage, maigrir, animal, abdos, foot... C’est notamment sur cette pluralité et infinité des sujets traitables que FHM puise sa qualification de généraliste. En revanche, ce que l’étude des récurrences met en lumière, c’est le peu de récurrence pour les quelques qualificatifs masculins ( vieux monsieurs, garçon, homme (4), salaud, macho, vrais hommes... ) en comparaison avec la diversité des termes qualifiant le sexe féminin (bobonne, filles (7), filles à papa, femme (10), les râleuses, les pleureuses, les hardeuses...) qui ne sont pour la plupart guère laudatifs et sur lesquels nous reviendrons dans la partie sur les représentations féminines et masculines d’autant plus que la femme est présentée dans FHM sous 2 faces opposées : à l’image de la femme magnifique et sexy en une, succède l’image moins brillante de la femme ( le n°7 propose ainsi des procédés pour «manipuler les femmes» 439 . Enfin, le magazine dont le premier éditorial faisait état des informations distillées par le magazine évoque sur ses couvertures les «enquêtes» et leur coté «pratique».

Pour le directeur de l’édition de FHM, c’est le côté divertissant, fondé sur le ton et les jolies filles qui fait le succès : «il y a une chose dont je suis sûr, c’est qu’on leur apporte du plaisir. C’est un magazine de détente avant tout par le ton des articles, la présence très très visuelle des femmes...c’est un bon moment avant tout. La seconde chose qu’on leur apporte mais qui n’est pas perçue au premier abord et qui est perçue par les gens très assidus, c’est cette profusion d’informations, avant plein de petits conseils pratiques, pour s’habiller... où là c’est une dimension beaucoup plus utile. C’est aussi utile de savoir raconter des blagues, savoir parler d’un film qu’on n’a pas vu, c’est pratique, avoir lu un reportage sur les SDF peut être pratique, mais enfin ce n’est pas la dimension pratique des féminins» 440 .

Nous avons donc vu les divergences fondamentales de formule, de contenu, de ton... qui oppose le pôle santé-forme à FHM, même si celui-ci partage avec eux certains aspects. Il participe dans ses pages de réponse au courrier sexe des lecteurs à soulager, rassurer, conseiller les lecteurs, même si le style employé est plus cru et bien moins scientifique ; les pages beauté offrent des conseils et présentent les nouveaux produits de la même manière que les spécialisés et la mode relève, elle aussi, du même traitement. Elle est d’autant plus traitée de la même manière que des suppléments FHM Fashion( il en est sorti 4 entre juillet 1999 et fin 2001) d’une centaine de pages chacun sortent deux fois l’an et présentent toutes les nouvelles tendances soit par des séries de mode, soit avec des mises en scène des vêtements et accessoires. De plus, la rubrique ils ont mis... vous mettrez évoque la concordance entre les goûts des personnalités d’hier et le retour sur le marché d’accessoires proches de ceux qu’ils portaient. Mais la ressemblance avec les magazines du pôle santé-forme s’arrête là.

En effet, FHM appuie sa ligne rédactionnelle novatrice sur des suppléments que la rédaction multiplie. Sur les 29 numéros parus entre juillet 1999 et décembre 2001, pas moins de 12 suppléments ont vu le jour. Nous avons vu que 4 FHM Fashion sont sortis. En dehors de ses 4 suppléments mode, le premier supplément de FHM est apparu dans le numéro 5 de décembre 1999. Ce fut le premier calendrier FHM intitulé «le tour du monde des pin-ups 2000». Cartonné, il publie 12 portraits de jeunes femmes posant en maillot de bain où chacune représente son pays : Heidi Klum pour l’Allemagne, Emma Sjoberg pour la Suède... mais aucune représentante de la France. Le second calendrier sortit dans le n°17 de décembre 2000 présentait «les douze plus belles filles de l’agence Elite», celui de décembre 2001 a pour thématique «les filles les plus sexy des séries TV» 441 et ne propose que des stars étrangères de séries diffusées en France via le câble. Ces calendriers assurent au numéro de décembre des ventes records. Si le premier calendrier avait valu à FHM des ventes supérieures à 160 000 exemplaires, le calendrier de décembre 2001 a poussé les ventes à près de 200 000 numéros, d’autant plus que la concurrence entre les calendriers est de plus en plus importante : en plus des magazines (Max, Maximal…) qui en sortent, les calendriers d’associations, de personnalités... se multiplient.

Dans le numéro 9 d’avril 2000, FHM lance un concours d’élection de la plus belle fille du monde. Cette consultation a lieu dans toutes les éditions de FHM qui proposent chacune une liste de 140 noms composée de vedettes internationales et locales. Chaque lecteur est invité à dresser son Top 10 et à l’envoyer à la rédaction. Les résultats font l’objet d’un supplément baptisé «les 100 filles les plus sexy de l’an 2000» du numéro 12 de juillet 2000. FHM présente cette liste comme «la liste des 100 femmes les plus belles, les plus émouvantes, les plus attentives à notre bonheur que cette terre ait portées au cours de l’année 2000 et pour la première fois en France». Fière de l’exclusivité de la formule, FHM consacre Jennifer Lopez superstar (il convient de noter que la première française est quatrième et s’appelle Laetitia Casta). L’expérience est renouvelée 442 en 2001 et consacre une nouvelle fois la chanteuse latino ( Laetitia Casta est alors troisième). Si le classement n’a pas vraiment changé, l’emballage a de quoi étonner : le n°23 de juin 2001 et son supplément sont glissés à l’intérieur d’une pochette cartonnée dorée, illustrée de photos de pin-up et intitulé : «FHM est heureux de vous présenter les 100 filles les plus sexy de l’année 2001». Les ventes de ce magazine+supplément atteignent 200 000 exemplaires.

Outre ces suppléments annuels, viennent s’ajouter des suppléments uniques : le numéro 16 de novembre 2000 propose un petit livret FHM music dans lequel sont répertoriées par genre les tendances du moment, les discothèques à posséder et propose soit des articles sur les groupes ou chanteurs, soit des interviews. Mais les filles sexy n’en sont pas exclues : sous le titre «sexy lolitas», Christina Aguilera, Britney Spears et consoeurs posent en petite tenue. Le n°24 de juillet 2001 offre un «guide des bars de la plage» dans lequel sont recensés en fonction des lieux de villégiature les endroits les plus propices à la drague et aux rencontres. Enfin, le n° 26 de septembre 2001 fournit aux lecteurs les 103 meilleures blagues du monde dans un mini-livret de poche baptisé «les blagues les plus drôles de la rentrée ». Si certains de ces suppléments ont plus d’impacts en terme de ventes que d’autres, tous sont chers au lecteur 443 .

Enfin, si tous ces suppléments contribuent pour la plupart à alimenter la formule charme de FHM et au démarquage de ce dernier avec les autres nouveaux magazines masculins, il a marqué sa différence pendant l’été 2001 en joignant au numéro 25 d’août un FHM Madame sous-titré «le premier magazine féminin fait par des hommes». En cinquante pages, la rédaction a transposé au masculin les rubriques du FHM«classique». Avec en couverture un mannequin torse nu, musculeux mais assis en tailleur avec un pantalon blanc ( y avait-il une volonté de pasticher les couvertures de Men’s Health ?) et des titres en rose et bleu clair, ce magazine pour femmes propose un éditorial signé par le rédacteur en chef qui pose en fille ( le rédacteur en chef de FHM se travestit tous les mois dans la rubrique de courrier des lectrices) dans lequel il (elle) énonce les raisons de ce magazine : «Personne ne nous explique jamais vraiment ce genre de chose. Parce que, curieusement, la presse féminine est silencieuse sur ces sujets qui, pourtant, nous taraudent toutes, FHM a décidé de combler un grand vide. Et de nous parler, enfin, le langage de la vérité. Celui de la vie de tous les jours. Celui des copines» 444 . Ce magazine propose ainsi la confession d’une mère ayant couché avec le copain de son fils ( pendant que la version classique propose la version du copain), l’agenda du macho est remplacé par l’agenda de la bimbo, le courrier des lecteurs devient un courrier des lectrices, les jolies filles sexy et dévêtues du magazine FHM sont remplacées par de jeunes acteurs qui sont, eux, vêtus!, un dossier s’intéresse aux filles qui boxent, et le dossier central est «un test de pénis» 445 par 5 filles, la rubrique brèves rencontres interviewe une chauffeuse de car et un dossier intervient sur «comment élever son mari». Quant aux pages de mode, elles présentent simplement une série mode avec des filles en maillot de bain, l’Hospital fait état des problèmes de santé féminins ( le stérilet, les règles...), le FHM machine a délaissé les tondeuses à gazon et autres motos pour s’intéresser aux... vibromasseurs ; enfin les pages culture ont oublié les polars, BD et autres C.D. de pop en faveur des livres de conseils pour trouver un homme, le DVD d’Hélène Ségara et propose la discothèque idéale pour «repasser». La dernière page est tenue par un horoscope ( celui du FHM classique a disparu depuis plusieurs mois). Nous reviendrons sur ce FHM Madame dans la partie consacrée à la représentation des femmes au sein des nouveaux masculins.

FHM, avec cette formule, emprunte de charme (mais dans laquelle les femmes sont moins dévêtues que dans la presse de charme traditionnelle) a relancé une formule en perdition comme nous l’avons montré dans la première partie de cette thèse et a trouvé avec celle-ci un public nombreux et fidèle. En effet, les ventes de FHM ont de suite décollé, pour jamais ne connaître de chute vertigineuse, même si certaines couvertures mais aussi certaines époques dans l’année sont moins favorables aux ventes. 9 mois après le lancement de FHM, le directeur de l’édition évoquait les espoirs de groupe Emap en ces termes : «quand on est arrivé, on prévoyait une diffusion d’environ 90 000 exemplaires. Au bout de 6 mois, on est à 150 000 exemplaires. On est le leader et on veut effectivement prendre le leadership de manière définitive dans les mois qui vont venir» 446 Ce magazine ( comme ses concurrents) est un magazine qui se vend beaucoup l’été et représente une lecture de plage et de divertissement ( c’est pourquoi FHM et FHM Madame ont vu le jour en été).

Avec cette formule plus ludique qu’informative, la rédaction de FHM a le sentiment d’avoir «fait vieillir des magazines» et de «toucher les initiateurs, les avant-gardistes» 447 . Ces prises de position révolutionnaires et novatrices ont fait se déplacer vers elles quelques lecteurs de M Magazine et de Men’s Health mais il semblerait plutôt que les lecteurs de FHM ne soient pas des lecteurs des concurrents. Les formules étant tellement opposées, le lecteur qui recherche des méthodes d’entretien du corps ne peut trouver de solutions dans FHM. En revanche, M Magazine et Men’s Health vivent une véritable concurrence sur des formules très proches et avec un lectorat lui aussi proche : M Magazine souffre d’avantage que son concurrent pour des raisons de savoir-faire et perd de plus en plus de lecteurs. Un plan de sauvetage du magazine s’organise alors au printemps 2000 sous la forme d’une fusion entre le groupe Edipress et le groupe français Excelsior Publications, propriétaire du titre Vital spécialisé dans la santé-forme au féminin et nait la filiale Ediexcel pôle de santé-forme au masculin comme au féminin. Cette stratégie de réunion de titres spécialisés dans le même domaine a pour but de former un pôle fort ( dans lequel ont été réinjectés des financements) dans le but de rendre M Magazine comme Vital plus compétitifs. Il semble que cette stratégie n’ait pas trouvé d’écho au niveau de la formule du magazine, ni des ventes. Ces dernières stagnent loin derrière les ventes de Men’s Health. FHM, quant à lui, possède sa formule et son lectorat propre et tire son épingle du jeu.

L’arrivée de FHM en France a surtout redynamisé un marché de la presse masculine dont l’offre était très limitée en terme de choix de lecture : la santé-forme seulement. FHM a donc enrichi un marché qui s’est alors segmenté en deux pôles : un pôle généraliste fondé sur l’humour et le charme et le pôle spécialisé dans la santé-forme. Le seul bien commun entre ces deux pôles ( ou sous-marchés) est la cible : les hommes. Sur ce créneau de la nouvelle presse s’adressant aux hommes, FHM est devenu rapidement le leader en terme de vente, tout en laissant à Men’s Health la position de leader sur le marché de la presse spécialisée en santé-forme pour hommes.

Les 3 derniers magazines cités : M Magazine, FHM et Men’s Health constituant l’armature du marché de la nouvelle presse masculine, sont alors les plus vendeurs et les plus médiatisés 448 ( leur appartenance- du moins pour FHM et Men’s Health- à de grands groupes de presse leur offre la possibilité d’accompagner leur lancement de campagnes de publicité mais aussi de faire face à une éventuelle baisse du lectorat). Cette structure reste en place jusqu’en fin d’année 2000, avec ces positions, cette structuration en deux pôles non antagonistes mais plutôt cohabitants sur des formules opposées même si la structure interne du pôle santé-forme est basée sur des similitudes qui mènent à des luttes internes à ce sous-marché de la presse masculine. L’arrivée en novembre d’un titre lancé par Hachette sur un créneau proche de celui de FHM va retravailler les positions détenues et va former un pôle généraliste autour du charme, des filles sexy...

Notes
423.

Entretien accordé par le directeur d’édition du magazine FHM le 6 avril 2000.

424.

idid.

425.

Editorial du n°1 de FHM de juillet-août 1999.

426.

L’observatoire des chieuses dresse la liste de femmes au comportement répréhensible ( de l ’employée d’assurance qui invente de fausses veuves pour toucher le pactole, de miss Grande-Bretagne 1999 obligée de rendre sa couronne car elle fut mère à 13 ans, en passant par Jenna Bush, fille du président américain qui se retrouve ivre dans un bar du Texas sans avoir 21 ans, au lendemain de l’élection de son père...)

427.

Cette version nouvelle de la Déclaration des Droits de l’Homme dont les principaux articles sont «le droit de ne pas être un homme», «le droit de rigoler un peu», «le droit de conserver ses mauvaises habitudes», «le droit de dire non aux femmes», «le droit à un repos mérité»... et propose aux lecteurs de pouvoir y rajouter des éléments et de créer un comité de soutien FHM pour la défense des droits de l’homme dans leur ville.

428.

Cette rubrique prend au fil des mois de plus en plus de place au fur et à mesure de l’accroissement du nombre de lettres reçues chaque mois. Ces pages servent de tribune aux lettres de félicitations, de critiques, d’insultes, aux photographies loufoques envoyées par les lecteurs et publiées sous le titre de «la photo du mois» mais aussi «la lectrice du mois» quand ce sont des photographies de lectrices nues ou très légèrement vêtues... et chaque lettre publiée fait l’objet d’une réponse décalée.

429.

Nous reviendrons sur le fonctionnement de cette rubrique qui fait l’objet d’une étude dans la troisième partie de cette thèse

430.

L’horror... scope a disparu pour des raisons de récurrence de contenu («les féminins traitent toujours de la même chose» fut l’argument donné par le responsable de cette chronique et de beaucoup des textes de ce journal particulier)

431.

Ont été interviewés Jules-Edouard Moustic, Axelle Lafont, Marc Jolivet, Laure du Loft...

432.

La première apparition de ces chiffres, en avril 2001, évoque Satan où l’on apprend que «34 % des français croient au Diable soit deux fois plus qu’en 1998» et que « 46 % des Italiens considèrent l’existence du grand Satan comme une certitude inébranlable»...

433.

Entretien accordé par le directeur d’édition du magazine FHM le 6 avril 2000.

434.

Ces derniers restent rares, la plupart des lettres reçues par la rédaction étant proches de l’esprit festif régnant dans la rédaction.

435.

Propos tenus par le rédacteur en chef de FHM lors de l’entretien du 18 janvier 2002.

436.

ibid.

437.

Entretien accordé par le directeur d’édition du magazine FHM le 6 avril 2000.

438.

La liste complète des récurrences est consultable en annexe.

439.

FHM n°7 de février 2000.

440.

Entretien accordé par le directeur d’édition du magazine FHM le 6 avril 2000.

441.

Le calendrier 2003 est consacré à Clara Morgane, jeune actrice de films X.

442.

Le magazine déclare avoir reçu 300 000 suffrages par courrier ou par mail.

443.

Etant dans la rédaction juste après la sortie en kiosque du supplément blagues, de nombreux lecteurs ont écrit, envoyé des mails ou téléphoné pour réclamer des suppléments disparus, perdus... et ce, souvent avec insistance.

444.

Editorial de FHM Madame, supplément du numéro 25 de août 2001 de FHM.

445.

Cinq hommes ont été invités à passer leur pénis dans un trou afin que filles puissent les décrire, leur donner un surnom en fonction de la forme… C’est notamment sur cet article que le magazine Tétu a fustigé FHM d’homosexualité non assumée pour avoir utilisé la pratique du Glory Hole, pratiquée dans les backrooms homosexuelles.

446.

Propos tenus par le directeur d’édition de FHM lors d’une émission TV+ sur Canal + en avril 2000.

447.

Entretien accordé par le directeur d’édition du magazine FHM le 6 avril 2000.

448.

Nous verrons dans cette même partie que de petits groupes ont investi en 1999 et 2000 ce marché et sont passés inaperçus.