-L’engagement politique et le positionnement sexuel qui font de la presse homosexuelle un genre de presse autonome.

Dans sa revue de presse intitulée Presse purée, le magazine Tétu de septembre 2001, s’intéresse aux «magazines masculins «hétérocentrés» mais visant de manière plus ou moins assumée la cible gay» 502 . Le journaliste y déplore l’image de l’homme qui y est véhiculée et les rapports troubles entretenus entre les masculins et l’homosexualité, laquelle y est souvent gommée alors qu’une partie des lecteurs est homosexuelle. Quand l’homosexualité n’est pas passée sous silence, elle est raillée, et pour le journaliste, traitée «avec blagues vaseuses aux relents homophobes». Patrick Thévenin, l’auteur de cet article, analyse ce traitement comme une homosexualité latente mais non assumée des journalistes de FHM alors qu’elle serait, selon lui, inexistante chez Maximal qui joue à fond sur l’homme macho, amateur de pin-up. Il s’interroge sur le positionnement de Max dont la formule est un mélange de charme, de sujets de société... Quant à Men’s Health, il est, selon lui, le magazine idéal pour le fantasme homosexuel. Ses mannequins musculeux, souriants, éphèbes... prônent le culte du corps, de la beauté masculine qui sont autant de signaux pour le lecteur homosexuel.

Tétu se positionne donc comme un genre de presse séparé des masculins, notamment par une formule qui n’a rien à voir avec les blagues, qui se veut politique, à la pointe des combats gays, et qui se veut sexuellement connoté, là où les nouveaux masculins se veulent non-sexuellement connotés. Comme la presse féminine, la presse homosexuelle se présente comme un genre de presse à part, autonome et qui se différencie de la presse masculine notamment par ses prises de position politiques dans les combats homosexuels comme lesbiens. C’est la recherche de la sauvegarde de l’autonomie et de la protection de l’identité de chacun de ces marchés (autant féminin, masculin que la presse homosexuelle) qui engendrent ces affrontements pour la différenciation au nom de la propriété d’une formule originale et gagnante, d’un savoir-faire, d’un respect des lecteurs ( assumer la totalité des lecteurs est une des demandes formulées par la presse homosexuelle à la presse masculine)...

Les moyens mis en oeuvre par ces différents genres de presse pour préserver leur identité et leur positionnement sur le marché de la presse magazine française s’apparentent aux moyens de différenciation utilisés par les acteurs d’un champ sociologique. L’histoire de la presse masculine peut-elle être assimilée à un champ ? Est-ce un nouveau champ en construction au sein de la presse magazine française ?

Notes
502.

Tétu n°59 de septembre 2001.