- L’Optimum et FHM  : des généralistes dont la masculinité est absente

Les éditoriaux du Magazine de l’Optimum communiquent peu sur la rédaction, sur les changements intervenants en son sein... mais principalement sur les voyages, la culture, les évolutions culturelles et l’hédonisme. Dès le premier éditorial 531 , le mot est lancé : c’est l’ “ envie ” 532 qui symbolise le magazine : l’envie de le faire, l’envie de le lire. Ce nom, à quasi-égalité de récurrence avec “ homme ” est le second terme le plus cité en apparaissant dans plus d’un éditorial sur deux.

C’est donc l’idée d’hédonisme au masculin qui est prônée à travers les éditoriaux de L’Optimum. Les hommes en sont les personnages principaux, même si les femmes ne sont pas exclues du magazine (elles sont notamment les héroïnes de la rubrique Cachez ce sein). Les sujets des éditoriaux sont, quant à eux, les voyages, les vacances, le temps qui passe, les rencontres, les pays et les villes... Ce sont ces mots qui reviennent le plus régulièrement dans les éditoriaux :

hommes 26 légende 8 actualité 5 bonheur 4
Envie 25 rêves 8 travail 5 imagination 4
Magazine 15 style 8 mythologies 5 yeux 4
rencontres 14 résolutions 7 stars 5 risques 4
mode 12 moment 7 route 5 devoir 4
vie 12 photos 7 héros 5 art 4
temps 11 demain 7 Essentiel 5 paresse 4
siècle 11 sport 7 ailleurs 5 aventure 4
Femmes 10 souvenir 7 élégance 5 journalisme 4
aujourd'hui 10 été 6 heures 5 mythe 4
époque 10 planète 6 la presse 5 sentiment 4
mois 9 aller 6 oubli 5 retour 4
partir 9 voyage 6 rock 5 le Superflu 4
            regard 4
            équipe 4

Les éditoriaux du Magazine de l’Optimum mettent en avant le temps et l’évasion. L’évasion via les voyages, les rencontres, les souvenirs, la paresse, la lecture, la mode, l’oubli... s’accompagne du temps : le temps de partir, de revenir, d’ailleurs, d’aller, d’aujourd’hui, de demain, des siècles... Ce sont les notions de durée et de mouvements qui règnent au sein des éditoriaux et qui donnent la teneur du magazine. Les éditoriaux renvoient à l’imaginaire, à la mythologie, aux rêves, aux légendes, aux stars, aux héros... Mais c’est avant tout un monde de luxe, d’élégance et de raffinement qui y est présenté afin d’échapper à la morosité, la tristesse, la nostalgie... Tout en proposant des articles sur la détente, le magazine traite de l’actualité et de la politique 533 , lui conférant un statut différent de celui des nouveaux masculins.

Comment le rédacteur en chef présente-t-il son magazine dans les éditoriaux ? Il le présente avant tout comme un magazine ( le terme revient 15 fois), mais la définition s’affine au fur et à mesure des numéros. Il est “ magazine masculin ” dans le numéro 1, “ un magazine servi chaud pour les hommes pressés d’en finir avec la pensée unique  dans le numéro 21 d’octobre 1998, “ un magazine masculin, un magazine de mode... Oui, bien sûr avec toute la fierté que l’on peut mettre au service du fameux “ style & style de vie ” mais un magazine d’abord et surtout, avec toute la passion que l’on s’accorde à faire du journalisme  534 , “ un magazine masculin de luxe et d’élégance  dans le numéro 41 de mars 2001. C’est donc cette image luxueuse, hédoniste et cultivée que l’équipe de L’Optimum retranscrit dans les éditoriaux et ce notamment, au travers des citations d’auteurs ( Bukowski, Baudelaire, Camus, Rousseau... ) qui illustrent les propos du rédacteur en chef.

L’état d’esprit du magazine et de la rédaction a été mis en mot par l’ancien rédacteur en chef du magazine au moment de son départ pour Men’s Health. Il rend alors hommage, dans le seul éditorial qu’il ait signé seul et en son nom, à la fidélité du magazine à ses choix originels : “ Au Magazine de l’Optimum, on n’a jamais actionné les mécanismes de la frustration. Tout se fait à l’envie, au flair, à la passion, au péril, aux frontières, avec cet indéfinissable besoin de ne jamais refaire, de toujours découvrir, écouter, sentir. Voilà pour aujourd’hui. Et demain ?Rien ne changera ici et peut-être ailleurs. Même si l’un des acteurs du magazine plie bagages, même si l’un des supporters s’envole, les vraies valeurs restent et avec elles, tout ce qui a toujours fait qu’une équipe rit, pleure, s’impatiente et réussit  535 . Enfin, la ligne rédactionnelle a été résumée dans l’éditorial du numéro de décembre 1997-janvier 1998 en une apposition des noms d’acteurs, chanteurs, écrivains, villes... qui ont occupé les pages du magazine et des sentiments, sujets, commentaires... qui ont accompagné ses pages : regret, envie, sérieux, vitesse, pause, bouteille... Ces mots résument ce qu’est le magazine sous la phrase“ la plus belle des constances, l’inconstance  536 .

Ce sont donc les caractères hédonistes, luxueux et culturels du Magazine de l’Optimum qui sont mis en avant dans ses éditoriaux. En appartenant aux magazines masculins traditionnels, il se distingue des nouveaux masculins par l’absence de termes liés à la masculinité, à la condition des hommes, à leur corps ( le terme n’apparaît qu’une fois en 47 éditoriaux). C’est avant tout un magazine pour hommes, ancré dans une vie ( 12 récurrences), faîte de rencontres, de voyages et d’envie...

En tant que généraliste à tendance charme et humour, tous les sujets peuvent être abordés chez FHM sans restriction thématique C’est pourquoi les éditoriaux de FHM présentent une dispersion et une diversité en matière de termes utilisés 537 qui donnent une idée floue de la ligne rédactionnelle, avec des mots aussi variés que “ nouvelles technologies ”, “ rouge à lèvres ” C’est avant tout sur le côté charme du magazine que les éditoriaux communiquent : ainsi les deux mots les plus fréquemment cités sont “ femmes et “ filles , avant “ homme . FHM se positionne d’emblée comme un magazine gynécentré pour hommes avec une attention particulière pour les “ filles sexy  538 . Mais la gent féminine estévoquée sous bien d’autres termes à la récurrence moindre :“ amies ” (1), “ fiancée ” (1), “ miss ” (2), “ belle-mère ” (1), “ bombe ” (1), “ sorcière ” (1), “ blondes ” (3), “ pulpeuse ” (1)...

Ce sont donc les femmes sexy qui sont les héroïnes ou les personnages principaux des éditoriaux :

femme 23 envie 6 vie 5 amour 4
filles 15 monde 6 télévision 5 fille sexy 4
homme 13 couverture 6 été 5 bonne action 4
numéro 12 amis 6 drôle 5 truc 4
sexe 10 humour 6 dossier 5 plaisirs 4
magazine 8 lecteurs 6     infos 4
histoire 7            

Enoncée par le rédacteur en chef dès le premier éditorial 539 , la ligne rédactionnelle est donc fondée sur une association d’amour, d’humour et d’informations : ces trois mots-clé se retrouvent dans les mots les plus cités au sein des éditoriaux et décrivent un univers drôle, composé d’amis, de sexe, de télévision... L’atmosphère dégagée par les éditoriaux de FHM reflète le positionnement du magazine en matière de lecteurs, lesquels se trouvent entre célibat et mariage, études et travail 540 . C’est pourquoi les éditoriaux présentent ce ton humoristique et décalé et évoquent le mariage, les premières vacances... et ce dans le but de faire “ plaisir ” (4 fois) au lecteur sans évoquer sa plastique, ni sa santé et son corps qui, pour FHM ne sont pas les “ vrais problèmes ” 541 . Quand les éditoriaux de L’Optimum, M Magazine et Men’s Health ont recours aux 35 heures pour aborder la gestion du temps libre et évoquer la possibilité accrue de voyager ou de prendre soin de soi, FHM tourne en dérision et détourne le sujet vers des dossiers en complète opposition avec ce que proposent les autres masculins : quand la coupe du Monde est un prétexte pour inciter les hommes à faire du sport dans les magazines spécialisés, FHM évoque dans ses éditoriaux, la manière dont les français vont vivre le Mondial en spectateurs, sur un canapé, avec des pizzas et des bières Ce sont donc deux manières de traiter de l’actualité qui opposent FHM par son style décalé aux magazines masculins.

Car les éditoriaux des magazines spécialisés abordent des thèmes plus sérieux que ceux de FHM, et font de la masculinité, de la condition masculine, un cheval de bataille sur lequel ils multiplient les éditoriaux. Mais ces deux magazines, longtemps présentés comme “ deux siamois ”, “ deux copies ”..., traitent-ils, à travers leurs éditoriaux, des mêmes thèmes?

Notes
531.

Editorial n1 du Magazine de l’Optimum de mars 1996.

532.

Nous avons questionné le rédacteur en chef sur le mot, selon lui, le plus récurrent dans ses éditoriaux, il répondit “ l’envie ” en expliquant qu’il le fait de façon inconsciente, sans calcul préalable car ce terme définit bien l’état d’esprit dans lequel est réalisé le magazine et la manière avec laquelle il espère voir le magazine reçu. ; il est revenu, dans l’éditorial du numéro 42 d’avril-mai 2001 sur cette découverte : “ En cinq ans de magazine, tout de suite après  homme ” (quand même), c’est le mot  envie ” qui truste la récurrence. Un mot comme un manifeste. Envie de mode, de luxe, de rencontres, d’ailleurs, de sens, des sens... L’Optimum ou l’envie. Autant dire les hommes et l’envie ”. Ce mot apparu dès le premier éditorial suit l’avancée du magazine, mais il suit aussi les changements de rédacteurs en chefs. Ainsi, s’il a été utilisé par Emmanuel Rubin et Christian Moguérou tout au long de leur co-rédaction en chef, le dernier cité l’a introduit dans ses éditoriaux en tant que rédacteur en chef de Men’s Health ( il apparaît 13 fois dans 25 éditoriaux) et ce, avec la même fréquence que dans L’Optimum. Ce n’est pas le seul mot à avoir été utilisé par le tandem puis à avoir suivi le rédacteur en chef chez Men’s Health. Il est une expression ou plutôt une association de noms qui apparaît dans les deux magazines et qui possède une histoire commune aux deux co-rédacteurs. A la tête du Magazine de l’Optimum de la naissance de celui-ci jusqu’à l’ébauche de lancement de Men’s Health, les deux amis recherchaient un slogan qui puisse résumer et symboliser l’univers et l’atmosphère du magazine : le goût de la vie. Emprunté à Voltaire dans Satires, “ le Superflu, chose très nécessaire ”, est devenu l’expression emblématique des éditoriaux de L’Optimum avec une déclinaison en “ nécessité du superflu ”,  légèreté du nécessaire ”.

533.

Nous verrons que ce magazine a en des circonstances politiques particulières, fait de ses éditoriaux des discours à caractère politique en consacrant d’une part un éditorial à Brice Fleutiaux, otage en Tchéchénie et d’autre part en expliquant son choix de consacrer des pages à Jean-Marie Le Pen, avant l’ouverture de la campagne des Présidentielles 2002.

534.

Editorial n29 duMagazine de l’Optimum d’octobre 1999.

535.

Editorial n24 duMagazine de l’Optimum de février 1999

536.

Editorial n15 duMagazine de l’Optimum de décembre 1997-janvier 1998.

537.

Tout en comptant autant de termes différents que les autres magazines, FHM se distinguent par la fréquence peu élevée d’apparition des termes : 24 seulement apparaissent 4 fois ou plus dans la totalité des éditoriaux. C’est d’une part la diversité des sujets traités et d’autre part la forme “ histoire ” racontée qui permettent la multiplication des termes employés...

538.

Nous avons vu dans les récurrences des termes apparaissant sur la couverture de la collection de FHM que “ femme ”, “ fille ” et “ sexy ” sont les trois mots les plus régulièrement utilisés. Il y a donc dans l’éditorial un rappel et une confirmation de la couverture, cette dernière étant évoquée à 6 reprises.

539.

“ Prenez 3 stupéfiants en vente libre : un peu d’amour, un peu d’humour et beaucoup d’infos. Mélangez. Feuilletez (...) De l’amour... Dans FHM, journal masculin, il y a des filles partout. Pour les yeux ? Pas seulement. Nous pensons que les hommes ne valent rien sans les femmes. Et aussi (surtout), que les femmes ne sont rien sans nous... De l’humour... Dans FHM, on essaie de prendre les choses avec un peu de recul. Non que vous en manquiez, au contraire. Mais apparemment, vous manquez de journaux capables de parler de choses sérieuses sans se prendre au sérieux (...) De l’info... Dans FHM, on donne énormément d’infos. Des loufoques, parce qu’on adore ça. Des pratiques, parce que sinon à quoi ça sert. Des surprenantes, parce que sinon la vie est trop triste. Nous avons aussi un principe : regarder le monde de la façon la plus naïve possible ”

540.

Dans les pochettes publicitaires distribuées aux annonceurs, le magazine est présenté comme “ le magazine de la génération transition ”, “ des hommes de 18 à 35 ans, entre adolescent et adulte, étudiant et actif, célibataire et marié, le lecteur appartient à la génération transition ”. Dans ces pochettes est énoncée la ligne rédactionnelle de FHM en ces termes : “ pour le lecteur, FHM est un magazine drôle : de l’humour, du second degré, un magazine qui ne se prend pas au sérieux... mais qui ne se moque pas de son lecteur. FHM est un magazine utile : pleins d’idées, de bons plans que le lecteur peut facilement s’approprier, des enquêtes de journalistes... FHM est un magazine excitant et touche à tout : pleins de tentations de conso, d’idées originales, de jolies femmes ”. 

541.

“ En vous aidant de notre dossier, proposez d’improviser un référendum sur des sujets vraiment concrets (les  vrais problèmes ”). Pour ou contre... la réduction du sexe de Rocco Siffredi ? Le temps de téléchargement des fichiers sur Internet ? Les délais de remboursement de la Sécu ? Les peines de prison ? Les jambes d’Adrinana ? Les morceaux de techno ? Ne riez pas. Sous ces choix apparemment réducteurs se cachent souvent de graves questions de société ”, Editorial du n14 de FHM de septembre 2000.