-L’amélioration de la vie quotidienne des hommes comme rare enjeu politique dans les éditoriaux.

Certains sujets liés au corps masculin, aux droits de l’homme en tant que père permettent aux rédacteurs en chef des magazines spécialisés de politiser les sujets. Ainsi, des éditoriaux sur le Viagra (M Magazine de juillet 1998), sur les droits des pères en cas de divorce (M Magazine de janvier 1999 ) 560 , sur le congés paternel (M Magazine de juillet 2000) en un éditorial intitulé “ paternité, parité, égalité  561 , les violences conjugales sont un autre combat dans lequel le magazine s’est engagé dans l’éditorial du numéro 37 d’avril 2001 en insistant sur les chiffres du rapport sur ces violences 562 , ont permis au rédacteur en chef de donner son avis et de lancer des appels aux lecteurs : “ Inutile de vous dire que tout cela nous révulse. Les seuls coups que nous vous conseillerons jamais de porter à une femme sont des coups de chapeau. S’il faut absolument que vous battiez quelque chose, que ce soit votre coulpe, pas l’autre moitié de votre couple. La parole de Sacha Guitry : “ avoir à soi un être humain, tout lui donner -lui donner tout, faire enfin son bonheur, et l’entendre un beau soir crier : “ je suis heureuse ! ” -c’était cela mon rêve-et je n’en ai pas eu d’autres. ” On préfère ça  563 . Ces sujets pour lesquels M Magazine s’est engagé dans une bataille en multipliant les informations et articles et en appelant les hommes politiques à légiférer afin d’améliorer la condition masculine et le rapport entre les sexes, ne représentent que 1/10e des éditoriaux, ce qui apparaît important au regard de l’absence de sujets politiques dans les éditoriaux de Men’s Health où la forme, le corps masculin mais surtout le magazine et son succès tiennent toute la place. C’est la ligne rédactionnelle de ce magazine pratique, plus sanitaire que politique et engagée qui impose au rédacteur en chef des éditoriaux-vitrines dans lesquels l’image du magazine prévaut sur les combats politiques masculins.

Les nouveaux magazines masculins communiquent sur l’hédonisme masculin, sur l’individu, sur sa relation avec son corps, mais peu avec la société. Politiser les sujets ferait sortir ces magazines de leur rôle de conseiller, de magazine de divertissement... et leur donnerait un caractère sérieux que les rédactions ne veulent adopter. C’est pourquoi les articles de FHM sont décalés et ceux de M Magazine et Men’s Health sont liés au corps masculin et à son bien-être. Pourraient-ils se politiser ? Si la politisation de M Magazine était un des souhaits du rédacteur en chef (avant que le magazine ne disparaisse) afin d’élargir le nombre des sujets traitables et de faire sortir ce magazine spécialisé de l’ornière dans laquelle il se trouvait avec une ligne rédactionnelle trop étroite, cette politisation est improbable chez Men’s Health. Ce dernier étant une déclinaison de la formule américaine qui, depuis 1988, rencontre le succès sans présenter de sujets politisés en restant fidèle à la santé et à la forme des hommes, il parait peu probable que la formule française de Men’s Health prendra position dans des combats liés à la masculinité. Les magazines masculins semblent donc condamnés à être différents des magazines féminins pour lesquelles les femmes en politique, mais aussi les femmes dans tous les pays, dans tous les domaines (famille, foyer, entreprises, publicité, cinéma... ) sont des sujets infinis d’articles qui permettent une diversité de traitement et de questionnement sur des dossiers aussi différents les uns que les autres.

En présentant des contenus proches l’un de l’autre, M Magazine et Men’s Health présentent en revanche des éditoriaux en opposition : le premier y présente son contenu en n’hésitant pas à le politiser quand le second y évoque son succès, s’autocongratule, loin des sujets politiques qui touchent les hommes. Le positionnement de FHM via des éditoriaux sommaires puis des blagues le met à part sur le marché. Quant au Magazine de L’Optimum, en évitant toute évocation de la condition masculine, il se positionne ouvertement hors de la nouvelle presse masculine ( qui est aussi catégorisée ainsi pour son traitement de la condition masculine) et dans le créneau de l’hédonisme, de l’élégance, du luxe et de la politique. Mais les éditoriaux de ces quatre magazines comptent deux points communs : d’une part, ce sont des magazines qui, dans leurs éditoriaux, n’évoquent que l’été ( mot récurrent et parmi les plus utilisés dans les quatre corpus), très rarement l’hiver 564 . D’autre part, les quatre corpus contiennent quatre mots liés à la notion d’hédonisme : “ envie ”, “ plaisir, “ heureux ” et “ bonheur ” et ce, de manière importante dans chacun entre eux.

Mais ces éditoriaux, s’ils servent à énoncer aux lecteurs la ligne rédactionnelle de chaque magazine, servent surtout à légitimer le magazine et sa formule et à répondre aux nombreuses critiques et attaques environnant leur parution.

Notes
560.

Cet éditorial se veut “ un vrai cri de guerre et un appel à la résistance contre une justice sexiste qui, en voulant défendre les femmes, finit par casser les hommes ”, et accuse “ c’est ainsi qu’en clouant les hommes au pilori, l’institution judiciaire détruit parfois les liens fragiles qui subsistent après une séparation, et finit par fragiliser la société en décomposant un peu plus la famille. Chacun de nous est concerné. M Magazine se devait d’en parler ”, éditorial n10 de M Magazine de janvier 1999.

561.

Il prend Tony Blair comme symbole de la lutte des hommes pour conquérir la reconnaissance du rôle du père. Pour M Magazine, l’attribution du congé parental pour le père est un des combats auquel le magazine tient particulièrement : “ la nécessité de trouver un équilibre entre sa carrière et sa vie privée est un de nos leitmotive dans M Magazine, car nous pensons qu’il y a une vie après le travail. Sexe, relations sentimentales, sport, forme, vie de famille... Tout cela est essentiel (...) Nous aurions aimé vous annoncer la création du congé parental rémunéré pour tous les papas salariés, mais ce projet de loi en gestation à Bruxelles tarde à accoucher. Dommage car il est urgent de revaloriser le rôle des pères dans la société et cette mesure aurait été un premier pas ” , éditorial n28 de M Magazine de juillet 2000.

562.

Il rappelle que ce sont les femmes les victimes d’agressions physiques (10%), d’insultes (4.3%), de chantage affectif (1.8%), de pressions psychologiques (24.2%) et 3 à 8 % des futures mamans subissent des coups.

563.

Editorial n37 de M Magazine d’avril 2001.

564.

Nous savons que les courbes de ventes de ces magazines s’accroissent avec la belle saison, que ces magazines sont beaucoup lus dans la région méditerranéenne où le corps est plus prisé et où les conseils peuvent être affichés.