a) L’innovation.

C’est l’antériorité sur le marché et l’innovation apportée par la formule que mettent en avant les publications pour évoquer leur position sur le marché : pour FHM, son supplément “ les 100 filles les plus sexy ” apparaît comme une “ première historique ”, dont la méthode “ quasi-scientifique ” utilisée est : “ une vaste consultation démocratique (20 000 votes) qui permet d’en finir avec l’arbitraire et de rendre hommage aux femmes sur des critères plus humains  565 . Ces “ produits rares ” sont présentés comme comblant un manque laissé par la presse masculine traditionnelle mais aussi par la presse féminine : “ Où trouviez vous cela (des sujets sur la calvitie... ) ? A petite dose dans les féminins, que vous lisiez en douce, chez le coiffeur. Nulle part ailleurs. C’est cette lacune que M Magazine souhaite combler  566 . C’est dans leurs formules liées au soin du corps que les rédacteurs en chef des magazines masculins voient le caractère innovant de leur formule, qui diffère des formules traditionnelles de la presse masculine : pour M Magazine : “ est-ce vraiment “ dévalorisant ” et futile de vouloir garder sa ligne ? Est-ce futile de vouloir être en forme et en bonne santé ? Est-ce dévirilisant de ne pas se laisser aller, de vouloir séduire, d’être bien tout simplement, avec soi-même et avec les autres ? Assurément non!  567 ,“ cadres sup, employés, étudiants... , vous partagez notre “ philosophie ” : parler sans détour et concrètement de sujets qui ne cantonnent pas l’homme aux clichés habituels, voiture, travail et politique... ” 568 Ne sont-ce pas quelques-uns uns des ingrédients de la presse masculine traditionnelle et notamment du Magazine de L’Optimum ? Men’s Health, quant à lui, estime avoir participé au “ réveil des consciences  569 en révolutionnant la manière d’aborder la condition masculine et en traitant de sujets et thèmes jusqu’alors tabous :“ il est donc apparu légitime que nous puissions à notre tour penser d’abord à nous et prendre sur 40 ans de littérature féminine et féministe, le début d’une petite revanche  570 . Pour M Magazine, “ Chose curieuse, les études sur la vulnérabilité masculine ont été jusqu’ici rarissimes. Nous avons donc décidé, avec la complicité des Etats généraux de la santé, d’interroger directement les hommes. (...) J’espère enfin que cette enquête contribuera à initier une réflexion plus poussée sur la santé des hommes en France et qu’elle favorisera la mise en place de réelles campagnes de prévention spécifiques. Il serait temps  571  ; il se veut ainsi l’instigateur des recherches sur le masculin et n’hésite pas à s’attaquer à ceux qui passent, selon lui, sous silence les sujets liés notamment à la sexualité masculine : “ Ni la famille, ni l’école, ni les médias de tout poil ne parlent jamais, en tout cas concrètement, sans hypocrisie ni pudeur mal placée, de cette extraordinaire “ machine ” qui nous fait respirer, penser, rêver, rire, jouir...  572 , pour FHM : “ apparemment, vous manquez de journaux capables de parler de choses sérieuses sans se prendre au sérieux ” 573 et oppose son traitement du sexe à celui des autres masculins :“ Pendant 7 numéros, nous avions résisté à la tentation : pas une fois, nous n’avions imprimé comme ça, en très gros sur notre couverture : “ SEXE ” ! (...)D’abord, le recours à l’interjection “ SEXE! ”, ou à son proche cousin, “ PORNO! ” (ou encore “ HAN! ” et “ AAHH! ”) sur les couvertures de magazines masculins est une félicité à laquelle nous promettons de ne jamais sacrifier  574 . FHM a en effet recours en moindre mesure 575 à ce terme et utilise cette fréquence inférieure comme un moyen de qualifier les sujets de ses articles de plus recherchés faisant l’objet d’une véritable originalité en opposition avec la facilité dont il qualifie le travail de recherche des autres masculins.

Les magazines insistent en une dichotomie Avant/Après sur les effets de la lecture et sur les changements qu’elle va engendrer, ainsi FHM évoque le “ nouvel homme ” 576 produit par la lecture, Men’s Health : “ à l’avenir, vous ne vivrez plus de la même façon ”577, “ c’est l’été et le moment rêvé pour vous lâcher, faire connaissance avec cet autre homme qui sommeille en vous  578 , le lecteur passera du“ creux de la vague au “ come-back d’enfer  en lisant le numéro de mars 2000...

M Magazine s’attribue, quant à lui, le renouveau de la presse masculine : “ A dire vrai, nous sommes ravis d’avoir redonné un second souffle à ce marché et inspiré d’autres groupes de presse  579  ; quant à Men’s Health, il attaque de front la presse de charme qui, contrairement à ce qui annoncé et comme nous l’avons vu tout au début de cette première partie de thèse, a connu des heures de gloire, même si aujourd’hui, elle est en forte régression. De plus, la presse de mode, de luxe et de culture que le rédacteur en chef qualifie de “ désincarnée  est la presse à laquelle il a contribué pendant trois ans à la rédaction en chef du Magazine de l’Optimum avant de lancer Men’s Health France : “  jusqu’à aujourd’hui, la presse masculine a toujours oscillé entre la mise en orbite de jolies poupées gonflables ou la célébration exacerbées d’une certaine forme de branchitude désincarnée. Hélas, les deux options ont tour à tour rendu l’âme car jamais les hommes n’ont véritablement embrayé sur l’idée d’une presse qui les prenait soit pour des obsédés sexuels, soit pour des fashion victims. dans les deux cas, la presse s’est mordu la queue  580 .

C’est donc le caractère innovant des formules qui est mis en avant, le changement apporté tant dans la vie quotidienne des hommes en comblant le manque de traitement de certains sujets, que dans l’histoire de la presse masculine. Pour conforter l’idée de la nécessité de cette nouvelle presse, les rédacteurs en chef publient dans leurs éditoriaux les chiffres de ventes du magazine, en les gonflant parfois, pour confirmer leur bonne santé et leur position sur le marché.

Notes
565.

Editorial n 12 de FHM de juillet 2000.

566.

Editorial n1 de M Magazine d’avril 1998.

567.

Ibid.

568.

Editorial n13 de M Magazine d’avril 1999.

569.

Editorial n 16 de Men’s Health, de janvier-février 2001.

570.

Editorial n4 de Men‘s Health de novembre 1999.

571.

Editorial n15 de M Magazine de juin 1999.

572.

Editorial n36 de M Magazine de mars 2001.

573.

Editorial du n1 de FHM de juillet-aout 1999.

574.

Editorial du n8 de FHM de mars 2000.

575.

Nous rappelons ici que sur 39 couvertures de M Magazine étudiées, le terme “ sexe ” revient 25 fois, sur 27 couvertures de Men’s Health, il revient 27 fois et qu’enfin sur 29 couvertures de FHM, “ sexe ” ne revient que 6 fois mais “ sexy ” revient 7 fois.

576.

“ Vous pensez que j’exagère ? Que je mens ? Pas du tout. Simplement, je lis FHM du début à la fin. Plus de 120 pages tous les mois. Essayez et, vous verrez, vous serez un autre homme ”, éditorial n 28 de FHM de novembre 2001.

577.

Editorial n1 de Men‘s Health de mai-juin 1999.

578.

Editorial n2 de Men‘s Health de juillet-août 1999

579.

Editorial n 19 de M Magazine d’octobre 1999.

580.

Editorial n1 de Men’s Health de mai-juin 1999.