c) La qualité des informations.

Les rédactions mettent en avant le recours à des informations scientifiques, à des professionnels et experts des domaines tels que la santé, la nutrition pour évoquer la qualité des conseils proposés ; pour Men’s Health : “ nos solutions sont frappées au coin du bon sens et scientifiquement étayées. C’est pourquoi elles sont précieuses. Foin des théories, des conseils vaseux ou des recettes miracles, tout ce que vous lisez dans ce Men’s Health est 100 % utile et donc à mettre en pratique sans plus attendre  610 . A cette scientificité, le magazine ajoute la simplicité des informations : “ si Men’s Health a séduit autant de lecteurs à travers le monde, c’est parce que, justement, c’est un magazine qui tient vraiment ses promesses. Jamais ici, il ne sera question de chemins détournés, de raccourcis tortueux, de “ digest ” pompeux, mais bel et bien de vous et de tout ce qui fait la vie d’un homme  611 , “ eh oui, c’est comme ça chez Men’s Health, toujours prêt à vous épauler, quand les autres magazines affichent les dernières poupées jetables que le marché des presques-stars accepte de leur léguer pour bons services rendus. A Men’s Health, on fait la promotion de l’homme. Quitte à retourner souvent aux sources, à jouer avec nos certitudes, à poser les questions basiques pour être sûr de ne pas mourir idiot. Men’s Health, chaque mois aux racines du mâle  612 , le don de conseils “ nobles ” est un des arguments utilisés aussi par M Magazine  se qualifiant de “ média de référence  613 qui “ puisse parler sans détour, avec sensualité et sans vulgarité ”, “ sans bla-bla ou alibi culturels ”, et “ sans tergiversations fumeuses  614 . Le rédacteur en chef insiste sur la qualité et le sérieux des informations distillées dans le magazine en opposition avec cette absence de sérieux par laquelle il évoque les concurrents directs comme indirects : il semble là que FHM peut être aussi attaqué, notamment sur le ton avec lequel les sujets sérieux sont abordés.

Les magazines spécialisés, forts de l’appui d’informations scientifiques, d’experts et du manque qu’ils comblent, se présentent comme spécialistes de leurs sujets : M Magazine utilise les témoignages des lecteurs (les “ enquêtes de terrain  sont les outils méthodologiques mis en avant dans les éditoriaux), pour former une opposition entre la théorie représentée par les “ autres ” journalistes, les universitaires... et la pratique dont les lecteurs sont les témoins : “ pédiatres, sociologues, politiques et psys sont, pour une fois, sur la même longueur d’onde : l’homme doit retrouver sa place dans la famille et assumer son bon vieux rôle de pater familias. Sauf que, lorsqu’on demande ce qu’il doit faire concrètement, il n’y a presque plus personne ou presque. La plupart des experts se défilent. Nous, nous avons décidé de nous risquer à cet exercice difficile avec l’aide de ceux qui ne font pas que théoriser. Aldo Naouri, Evelyne Sullerot, Boris Cyrulnik et bien d’autres ont joué le jeu des réponses pratiques à des questions concrètes  615 . M Magazine se pose donc en spécialiste de la pratique et de la connaissance du comportement masculin et comme le remède à l’absence de travaux sur les hommes ; mais ces critiques n’empêchent pas le magazine d’avoir recours, dans ses pages, à des conseils de psychiatres, médecins, psychologues... et d’utiliser les chiffres des enquêtes liées au comportement général des hommes dans ses articles. En effet, si la fréquence des sujets abordés dans les lettres est un des outils de légitimation du choix du contenu du magazine, le recours aux chiffres nationaux, voire internationaux caractérisant un problème ou une maladie est un moyen supplémentaire pour la rédaction, pour qualifier le traitement journalistique de ce sujet de “ nécessaire ”. Ainsi, chaque thème des éditoriaux est remis dans son contexte chiffré : 4 millions d’hommes en France souffrent d’impuissance, 9 millions d’hommes perdent leurs cheveux et 650 000 se font soigner. C’est d’ailleurs à ces mêmes chercheurs 616 , sociologues, étudiants mais aussi et sous forme d’allusion aux journalistes des magazines spécialisés dans la communication que Men’s Health s’attaque, en se posant lui aussi en spécialiste, dans ses éditoriaux : “les hommes en 99 ont fait l’objet d’une incroyable curiosité, parfois hystérique, afin de déterminer ce qui avait bien pu se passer dans leurs têtes pour qu’ils s’amourachent soudain de la presse masculine. Les femmes n’en sont toujours pas revenues (d’ailleurs nous les attendons toujours) ; les sociologues, pris de panique, sont apparus un peu courts sur le sujet; et les commentateurs autorisés ont le plus souvent noté le phénomène sans comprendre ce qu’il signifiait véritablement  617 . C’est le traitement scientifique de sujets “ oubliés ” par les professionnels de la santé, par les universitaires que les magazines spécialisés évoquent pour s’autoqualifier de spécialistes de ces sujets.

Chez L’Optimum, c’est le professionnalisme journalistique de l’équipe qui est mis en avant : “ un magazine masculin, un magazine de mode... Oui, bien sûr avec toute la fierté et le plaisir sincère que l’on peut mettre au service du fameux “ style & style de vie ” mais un magazine d’abord et surtout, avec toute la passion que l’on s’accorde à faire du journalisme. Un journalisme qui se moque éperdument de la qualité du papier sur lequel il s’imprime et s’amuse désormais des prétendues grandes familles qui s’illusionnent encore d’un féodal droit de presse. Sans revendiquer la formule, reconnaissons peut-être même, à la manière d’un Clémenceau parlant de la guerre et des généraux, que la presse est parfois une chose trop sérieuse pour être confiée aux journalistes  618 .

C’est autour de l’opposition sur les méthodes employées pour informer le lecteur que les magazines masculins légitiment leur travail, en évoquant le caractère pratique, novateur et scientifique de leurs articles et les informations non sérieuses des autres masculins : c’est donc autour d’une opposition entre Eux et Nous que les masculins se différencient, en se différenciant aussi de la presse féminine.

Notes
610.

Editorial n21 de Men‘s Health de juillet-août 2001.

611.

Editorial n3 de Men’s Health de septembre-octobre 1999

612.

Editorial n15 de Men’s Health de décembre 2000.

613.

Editorial n25 de M Magazine d’avril 2000

614.

Ibid.

615.

Editorial n6 de M Magazine de septembre 1998

616.

Il mesure d’ailleurs son succès à l’aune du nombre des appels des chercheurs et étudiants et insiste sur l’incrédulité de ces derniers face au succès des magazines masculins.

617.

Editorial n6 de Men‘s Health de janvier-février 2000.

618.

Editorial n29 duMagazine de l’Optimum d’octobre 1999.