L’autoproduction de M Magazine pour se différencier de Men’s Health  ?

Si Le Magazine de L’Optimum propose des contenus imaginés entièrement par l’équipe rédactionnelle 676 , M Magazine présente une organisation différente en ce qui concerne l’origine de ses articles. C’est au niveau de l’inspiration de la formule et donc des sujets abordés qu’il semblerait que M Magazine ait emprunté, selon les dires des membres de la rédaction, les formules américaines et anglaises du magazine Men’s Health. Si les articles de M Magazine ne peuvent être des rachats ou des traductions des articles originaux de Men’s Health, il n’empêche que les articles ont été fortement inspirés des magazines du groupe Rodale, et ce bien avant la parution de Men’s Health en France 677 . Sans revenir ici sur les ressemblances flagrantes entre les articles des deux magazines, ce sont notamment dans les titres, les formules d’accroches, dans les sujets mêmes des articles (Men’s Health déclare avoir dû annuler certains sujets parus chez le concurrent le numéro précédent), dans la philosophie des magazines (la santé-forme, le bien-être au masculin)... que se fondent les ressemblances. M Magazine est-il quand même plus francisé que Men’s Health France ?

  M Magazine Men's Health France
formule santé-forme santé-forme
couverture buste d'homme dévêtu puis habillé, en fonction des saisons buste d'homme dévêtu sans rapport avec les saisons
différence
d'écriture
exercices donnés par des entraîneurs français
textes nombreux
exercices donnés par des entraîneurs américains
tableaux statistiques pour illustrer les articles
exemples exemples français
(la nourriture)
exemples américains (la nourriture)
Tx d'autoproductiondes textes 678 100 40
Tx d'autoproduction des photographies 59.37 20.99
mode général de production Magazine au contenu produit en France, selon la culture française Magazine au contenu issu majoritairement des versions étrangères, non adapté à la culture locale.

Certains mêmes sujets amènent à des traitements identiques : quand les deux magazines évoquent la musculation d’une partie du corps et proposent des exercices adéquats, ce sont généralement les mêmes conseils qui sont donnés puisqu’ils possèdent des formules presque identiques, c’est en revanche dans la nature de ces conseils qu’ils diffèrent : ils sont américanisés pour Men’s Health et francisés pour M Magazine. C’est principalement dans la présentation que se joue la différenciation qui se veut en faveur du magazine d’origine américaine, plus pratique. Men’s Health utilise des tableaux et multiplie les chiffres de composition calorique des plats notamment, là où M Magazine a tendance a utilisé l’écriture et des textes de présentation qui rendent la lecture plus difficile. En revanche, les plats proposés par les deux magazines sont imprégnés de l’origine de ce magazine. Nous avons montré que les diverses éditions de Men’s Health proposent toutes comme menus récurrents les menus chinois, américains, sandwichs français et menus rapides comme ceux proposés dans les brasseries, ce sont donc des menus internationalisés qui sont proposés dans Men’s Health. M Magazine, en revanche, propose des plats typiquement français comme les croquettes de quenelles et salade de mâche, le tournedos grillé sauce aux morilles..., et analyse la composition calorique des différents fromages... C’est de cette manière que le magazine, à la différence de Men’s Health, s’enracine dans la culture française. C’est aussi dans le recours à des spécialistes et experts français que le magazine se différencie de son concurrent direct (qui lui cite de multiples spécialistes et enquêtes américaines même s’il a recours aussi aux experts français). M Magazine a en outre, dans ses derniers numéros, rajouté des pages sur la vie culturelle française, en interviewant des actrices, écrivaines... mais sans pour autant pouvoir faire infléchir le cours des ventes.

M Magazine propose donc un magazine proche de Men’s Health mais qui s’enracine plus dans la culture française notamment dans le fait que certains sujets sont moins récurrents dans le magazine français que dans le magazine étranger. C’est parce qu’il a fondé sa formule sur l’actualité et la culture française et qu’il ne possède aucune version étrangère où puiser que M Magazine produit ses textes et ses photographies 679 . C’est sur cette autoproduction, soit par les membres permanents des rédactions, soit par les pigistes, que M Magazine et le Magazine de l’Optimum fondent leur identité, qu’ils mettent en avant au moment de communiquer sur leur contenu.

Notes
676.

Le Magazine de l’Optimum possède depuis septembre 2002, une déclinaison russe qui va pouvoir engendrer des échanges d’articles. Mais à l’époque de notre observation, le magazine produisait l’intégralité de son contenu rédactionnel et photographique.

677.

Nous avons montré dans la première partie de cette thèse que Men’s Health a été débouté par la justice pour son procès de plagiat mais que les ressemblances entre les deux titres se veulent importantes. Les couvertures se ressemblent en effet, elles posent aux lecteurs les mêmes difficultés que celles de Men’s Health, à savoir l’inadaptation avec le climat français : pendant les deux premières années du magazine, les mannequins en couverture étaient chaque mois torse nu et ce autant en juillet qu’en décembre ; la rédaction a procédé à une mise en adéquation de la une avec la météo pendant les six derniers mois de parution : les mannequins ont enfilé des pulls, des bonnets...

678.

Pour le numéro 39 de juin 2001 de M Magazine et le numéro 24 de novembre 2001 de Men’s Health.

679.

Or, il semble, et nous reviendrons sur cette hypothèse dans la dernière partie de cette thèse afin d’expliquer les raisons du non-succès de M Magazine en France suite à l’arrivée de Men’s Health, que la formule santé-forme telle qu’elle a été créée par le groupe Rodale ne peut être adaptée avec succès à la culture latine, dans laquelle le rapport au corps, à l’alimentation, au travail... des hommes est différent de celui des pays anglo-saxons et ce, d’autant plus en France quand deux magazines aux formules présentant des thèmes généraux limités occupent sur le marché des positions très proches. Les lecteurs français tout en se désintéressant de ces magazines sur la santé-forme, se sont plus reconnus dans la formule originale qui se révèle plus pratique, plus lisible et plus attirante avec ses couvertures brillantes notamment, que dans la formule française à laquelle le savoir-faire d’un magazine spécialisé en un thème restreint semble avoir fait défaut.