-L’autoproduction comme marque identitaire.

L’élaboration du contenu d’un numéro du Magazine de l’Optimum répond à des facteurs particuliers : l’actualité est le moteur du magazine, autant dans sa partie mode que dans la partie magazine du numéro. Ce sont donc des articles et rencontres qui sont produits pour une publication immédiate, sauf pour les quelques reportages ne s’appuyant pas sur cette actualité 680 . Chaque mois, le rédacteur en chef rencontre ses rubriquiers qui lui proposent des sujets d’articles, lesquels sont acceptés en fonction de leur rapport à l'actualité et de leur degré de faisabilité : toutes les idées sont stockées dans un carnet (un «réservoir à sujets»), rubrique par rubrique, et sont mises en fabrication au moment choisi pour lancer l’article 681 . Une fois les sujets proposés par les rubriquiers et acceptés par le rédacteur en chef et les membres permanents de la rédaction au travers des réunions de rédaction, la réalisation commence sur le terrain. Chaque pigiste part alors, généralement en compagnie d’un photographe ( ce sont des binômes), sur son terrain d’enquête, dont la grande partie de la logistique (hôtels, billets d’avions… ) a été préparée à partir de la rédaction, par la secrétaire de rédaction et la rédactrice en chef adjointe. Le Magazine de L’Optimum, qui est pour une bonne partie de son contenu, un magazine sur le voyage, impose à ses collaborateurs des dépaysements et des rencontres avec des personnalités dans des lieux insolites qui nécessitent une préparation importante autant en recherche de lieux qu’en recherche de vêtements. Car, le magazine se veut aussi un magazine de mode et relooke une grande partie des personnalités rencontrées, notamment celles de la une 682 . C’est donc une logistique importante qui accompagne chaque reportage du magazine, et particulièrement les séries de mode 683 .

Ce relookage des personnalités et la présentation de lieux insolites imposent à la rédaction d’autoproduire les photographies : ainsi le numéro 42 de L’Optimum présente une autoproduction des photographies qui s’élève à 59.37 % de la totalité des illustrations (58 % sont des productions internes de photographies et 1.37 % sont des productions internes d’illustrations (dessins)) pour un taux d’achat en agence de 10 % 684 . Mais le magazine utilise une parade à certaines impossibilité de production des photographies ou du moins pour ne pas reproduire des photographies trop récurrentes : il a alors recours aux illustrations 685 . Mais l’autoproduction n’est pas toujours un choix, elle se révèle dans certains cas être une obligation : en effet, la ligne rédactionnelle de L’Optimum étant de faire découvrir à ses lecteurs des endroits inconnus ou des personnalités rares de la scène médiatique, il est parfois difficile de trouver en agence des photographies les représentant ; cette difficulté fut abordée dans une des conférences de rédaction à propos de l’absence de photographies disponibles pour évoquer les Bourses américaines et londoniennes. Si le taux d’autoproduction photographique est un des plus importants des quatre magazines masculins étudiés, L’Optimum utilise aussi beaucoup la reproduction, mais non au sens où la pratique les magazines étrangers. Si la reproduction photographique de FHM et surtout de Men’s Health est importante, c’est de la reproduction des photographies produites par les versions étrangères dont il est alors question. En revanche, pour L’Optimum, par reproduction, nous entendons les reprises de photographies utilisées pour illustrer un événement, photographies qui sont fournies gratuitement et libres de reproduction par les attachés et bureaux de presse de ces événements 686 . Le Magazine de L’Optimum est donc un magazine autoproduit à 100 % pour les textes et à 60 % pour les photographies, seules 10 % du reste des illustrations sont achetées auprès d’agences. De cette autoproduction dont le magazine a fait son credo dès son origine, la rédactrice en chef adjointe déplore l’absence de réutilisation de ces photographies privées. Ces autoproductions (autant textuelles que photographiques) ne sont pas revendues et pourraient être mises à la disposition des autres titres du groupe Jalou ; or, ceci impliquerait la constitution d’une base de données photographiques commune à toutes les rédactions du groupe mais qui, pour des raisons budgétaires, n’a jamais été abordée.

Ce choix de l’autoproduction est justifié par l’équipe non pas comme un choix budgétairement économique, bien au contraire, mais comme un choix identitaire du magazine et comme un moyen supplémentaire de se différencier des autres magazines, en offrant un contenu personnel et reconnaissable. La rédaction du Magazine de L’Optimum avait pour volonté, dès son arrivée sur le marché, d’y apposer une griffe différente.

C’est donc un choix de travail de production interne au nom de la différenciation par rapport aux autres magazines, de la création d’une identité personnelle du titre à travers cette méthode de travail, que suit la rédaction du Magazine de l’Optimum même si ce choix lui coûte plus cher, nous y reviendrons, que le recours à des intermédiaires.

Le taux d’autoproduction photographique de M Magazine est supérieur à celui de L’Optimum, de même que le taux d’achat qui avoisine les 12% du total des illustrations. En revanche, le magazine franco-suisse spécialisé dans la santé-forme a moins recours que son confrère du groupe Jalou aux reproductions des visuels. La rédaction de M Magazine produit les 2/3 des photographies qu’elle confie à un pôle de photographes opérant sous les directives du directeur artistique et des deux membres du secteur photo. Mais tout en produisant plus de photographies que L’Optimum, pour un numéro qui compte une cinquantaine de pages en moins, M Magazine est achète plus auprès des agences 687 . Une grande partie des photographies relatant une activité extérieure est achetée alors que les productions photographiques concernent les plats cuisinés, les positions de gymnastique, toute la partie mode et les dossiers comportementaux sont illustrés par des mannequins qui, en fonction du sujet de l’article, croisent les mains, portent des bagues, semblent pensifs… En revanche, si L’Optimum utilise beaucoup les «visuels» 688 , ce n’est pas le cas pour M Magazine qui ne les utilise que dans les pages d’informations pratiques du début de magazine : le magazine présentant moins d’objets, de spectacles, de livres… que l’Optimum. M Magazine produit en majorité ses photographies parce qu’il utilise des clichés particuliers qui sont rares en agence : les légumes, des parties de corps pour illustrer un dossier, les séances d’abdos-fessiers dont chaque mouvement fait l’objet d’une décomposition et d’un cliché… C’est donc un besoin de photographies spécialisées dans un domaine qui jusqu’alors n’avait pas été traité en France (la santé-forme pour homme), qui implique à M Magazine d’autoproduire ces photographies rares sur le marché des agences photographiques. C’est parce que le magazine a pour vocation de donner aux lecteurs des «recettes» que le magazine produit des clichés montrant les diverses phases d’un exercice, d’un plat…

  Le Magazine de l'Optimum M Magazine
formules voyage, mode
personnalités rares
santé-forme
traitement local
mode de production autoproduction textuelle
et photos, beaucoup de
Terrain
autoproduction textuelle
et photos car certaines sont difficiles
à trouver en agence

Les deux magazines masculins d’origine française présentent des caractères communs : celui de produire la totalité de leurs articles, de produire la majorité des illustrations présentes dans les numéros, d’avoir peu recours à l’achat de photographies en agence. Partageant des lignes rédactionnelles certes opposées mais qui ont en commun le caractère d’être peu fréquentes sur le marché de la presse magazine, ces deux titres produisent eux-mêmes leurs illustrations par choix originel mais aussi par obligation, ne trouvant pas d’illustrations spécialisées dans les collections d’agences. Ils ont fait le choix de produire afin de donner une identité supplémentaire à leurs magazines en les illustrant de photographies correspondant complètement à l’atmosphère de l’article et du magazine. C’est donc une autoproduction distinguante et identifiante que les magazines ont mise en place. Née d’une volonté des rédactions d’ancrer leur formule dans la culture de leur pays, l’autoproduction est le moyen supplémentaire de faire correspondre le contenu du magazine aux attentes des lecteurs, même si ces deux magazines n’ont pas recours à l’autoproduction en relation avec une quelconque interactivité qui n’existe pas chez L’Optimum. Certes, elle existe chez M Magazine, mais de façon restreinte et se limite au courrier des lecteurs.

Ce choix de l’autoproduction est aussi celui des deux rédactions les moins argentées des rédactions traversées et qui, pourtant, leur coûte plus cher que si elles avaient dû acheter les clichés en agence. Ce choix est donc plus «philosophique» qu’économique pour ces deux rédactions qui, contrairement à leurs concurrentes d’origines anglo-saxonnes possédant des réserves de photographies et de textes, insufflent au travers de leurs propres photographies une dose identitaire supplémentaire à leurs titres, malgré leur coût financier.

Notes
680.

Un reportage sur Dubaï peut être publié à tout moment mais le reportage sur la Dubaï World Cup qui se tient en mars ne peut être publié que dans le numéro 43 de juin/juillet 2001 ( et non pas avant à cause du jeu des bouclages et des temps de production).

681.

Certaines envies de reportage de l’équipe sont ainsi en attente pendant de longues périodes, à cause des difficultés de réalisation.

682.

Nous avons assisté aux choix des vêtements emportés par les journalistes pour les photographies de Guillaume Canet en couverture du numéro 42 d’avril/mai 2001

683.

Ainsi, la série publiée dans le numéro 43 de juin/juillet 2001 et effectuée à Los Angeles vers le 15 mars a nécessité une préparation franco-américaine importante. Le choix du lieu de pose, celui des mannequins, des vêtements… qui ne se fait pas au hasard, mais en relation directe avec les annonceurs du magazine (En effet, le choix des vêtements se fait officiellement en fonction des goûts du styliste, mais il doit tenir compte des marques qui payent des espaces publicitaires dans le magazine), ont été effectués par le styliste à partir de la rédaction parisienne et le tout a été embarqué pour les Etats-Unis et ce, pour une dizaine de jours. Outre l’imposante préparation en amont imposée par ces sujets à l’étranger, c’est le coût de réalisation de ceux-ci quiengloutit une grande partie du budget de chaque numéro.

684.

Sont achetées en agence, les photographies indispensables au magazine mais que la rédaction, pour des raisons de faisabilité, de commodité ou de droits ne peut elle-même produire : ainsi dans ce numéro, ce sont pour exemple la photographie de Robert Redford jouant au golf qui fut achetée, les deux photos de déambulation de cadres dans le quartier de la City à Londres pour illustrer l’article sur les frères Zaoui…

685.

Ainsi, afin d’illustrer l’article sur Yvan Colonna et pour éviter d’utiliser une des seules photographies existant du fugitif, celle de l’avis de recherche, le magazine a commandé un croquis de son visage ; cette méthode est employée dans chaque numéro du magazine.

686.

Pour la rubrique Agenda du Magazine de L’Optimum qui nous fut confiée pendant notre stage, nous utilisions comme illustration ces «visuels» que nous trouvions, soit directement dans les courriers publicitaires qui nous étaient envoyés, soit à notre demande auprès des attachés de presse de ces événements. C’est sous la forme de diapositives que nous ont été fournies les photographies de couvertures de livres, de tableaux pour évoquer une exposition, d’affiches du Printemps du Cinéma… ; 30.63 % de photographies du numéro 42 sont donc mises gratuitement à la disposition de la rédaction et ne rentrent donc pas dans le budget de celle-ci.

687.

Ce sont par exemple, pour le dernier numéro sorti en kiosque (n°39 de juin 2001), les clichés de descente en rappel illustrant le dossier sur le canyoning, les portraits des célébrités, les photographies de sportifs en pleine activité.…

688.

Ainsi, c’est par un visuel qu’est illustrée la brève sur la fête du vélo, que sont présentés les derniers modèles de cardio-fréquencemètre, toutes les dernières tendances en matière de technologie (c’est aussi de cette manière que sont présentées les nouveautés de la rubrique Les Jouets de L’Homme chez L’Optimum)…