Le rôle technique des femmes au sein des rédactions.

Nous avons montré dans la partie consacrée à l’étude des différents organigrammes des rédactions que certaines d’entre elles ( toutes sauf Le Magazine de l’Optimum) possèdent des assistantes de rédactions dont la fonction est de veiller à la bonne marche de la rédaction. Elles ont notamment pour activités la gestion du courrier, de la partie administrative de la rédaction, la gestion du personnel de la rédaction (les congés, les absences… ), la gestion du matériel (les pannes techniques, le papier… ), toute la logistique des déplacements (voyages, réservations d’hôtels…)… Elles doivent remplir toute la partie logistique de la fabrication du magazine et de ce fait, elles facilitent le travail des journalistes. Elles ont donc un rôle primordial dans le bon fonctionnement des rédactions et jouent un des rôles importants dans la rédaction, tout en restant dans l’ombre. Mais elles ne sont pas les seules femmes au sein des rédactions.

Dans les rédactions traversées, les secrétariats de rédaction sont tenus par des femmes chez FHM et Le Magazine de l’Optimum, le dernier secrétaire de rédaction était un homme chez M Magazine, mais la place fut longtemps occupée par des femmes ; quant à Men’s Health, au moment de notre passage, un homme tenait le secrétariat. Si ce sont des femmes qui relisent et corrigent les textes, il semblerait du moins pour les rédactions qui ont à leur disposition une assistante de rédaction, que le sexe des secrétaires de rédaction soit un hasard alors que pour les rédactions qui n’en disposent pas, que la secrétaire de rédaction soit une femme reste liée à la double fonction de correctrice et d’organisatrice du bon fonctionnement de la rédaction, fonction généralement confiée à une femme. Peut-être reste-t-il aussi une forte emprise des stéréotypes sur les fonctions à l’intérieur d’une organisation dans laquelle les postes de secrétariat sont connotés comme étant féminins ? Quant aux autres présences féminines dans les rédactions, on les retrouve notamment à la photographie dans toutes les rédactions et à la maquette chez FHM et M Magazine. En revanche, aucune, dans toutes les rédactions de presse masculine, ne tient un rôle de directrice artistique. De même, qu’elles ne tiennent que peu de fonctions décisionnelles telles que rédactrice en chef ou rédactrice en chef adjointe. Seul le Magazine de L’Optimum compte une rédactrice en chef adjointe et une rédactrice en chef du pôle mode ; dans les autres rédactions, quand elles tiennent des postes à responsabilité, les femmes sont chefs de rubriques et particulièrement des rubriques mode et consommation (chez M Magazine et Men’s Health).

Les femmes occupent des fonctions à part dans les rédactions et sont attachées à la réalisation technique et non rédactionnelle des magazines. Elles touchent à la mise en page, à la mise en forme du magazine plus qu’au fond de celui-ci qui est, en majorité, réservé aux hommes de la rédaction. Elles sont donc attachées à des fonctions qui sont connotées comme féminines et qui, pour certaines, sont assimilées aux rôles des femmes dans la maison : la gestion du quotidien, des personnes… Il y a donc reproduction, au sein de certaines rédactions, du schéma de répartition sexuelle des rôles entre les hommes et les femmes dans la sphère privée et dans lesquelles rédactions les hommes tiennent les rôles le plus réputés (journalistes) et les femmes les rôles qui le sont moins ( assistantes, secrétaires…) ; quand elles sont journalistes dans ces rédactions, elles sont cantonnées à des sujets et domaines féminins : la mode, la beauté, la consommation… et ce, parce que ce sont des domaines dans lesquelles elles achètent pour les hommes : nous avons montré dans la première partie de cette thèse que même si les hommes s’intéressent de plus en plus à la mode et aux soins du corps, ce sont encore en grande partie les femmes qui achètent les vêtements et produits de beauté des hommes.

Les rédactions visitées des magazines masculins présentent une bipartition sexuelle entre une partie rédactionnelle et décisionnelle qui se veut en majorité masculine et une partie plus technique, de mise en forme des numéros et de fonctionnement de la rédaction dans son ensemble qui se veut, quant à elle, dans sa majorité, féminine (exceptés les postes de directeur artistique qui sont masculins). Aux hommes incombent l’écriture, la rédaction, la gestation des sujets et articles… ; aux femmes, la recherche iconographique, la mise en forme, les corrections et la gestion de la rédaction. Les femmes au sein des rédactions sont d’ailleurs surtout présentes en tant que membres permanents puisqu’elles sont indispensables à la bonne marche des rédactions et non en tant que pigistes. Si l’écriture est confiée aux hommes, c’est, selon les dires des rédacteurs en chefs, parce que les hommes sont les mieux placés dans certains domaines réputés masculins pour en parler aux hommes mais sans exclure le fait que les femmes peuvent elles aussi les traiter. Or, l’analyse thématique des articles rédigés par des femmes dans les magazines masculins montre que seuls quelques domaines féminins leur sont confiés, ce qui implique une forte reproduction, à travers la presse masculine, des rôles attribués aux hommes et aux femmes. Nous nous interrogerons dans la dernière sous-partie de cette seconde partie de thèse sur l’influence de la composition sexuelle des rédactions sur l’image des femmes et des hommes véhiculée dans les magazines masculins.

Si les journalistes et rédacteurs de la presse masculine sont principalement des hommes, possèdent-ils des parcours professionnels particuliers ? Y aurait-il des parcours professionnels favorisant l’intégration au sein des rédactions de presse masculine ?