-L’homme cultivé et élégant de L’Optimum .

Qui sont les hommes qui lisent le Magazine de l’Optimum ? Nous ne détenons aucune information sur le lectorat du magazine du groupe Jalou de la part de AEPM, les ventes du magazine n’atteignant pas les chiffres minimums retenus pour l’analyse des lecteurs. En revanche, le rédacteur en chef nous a dressé un portrait de son lecteur-type : «Par rapport à ce qu’on faisait au départ, on avait un lectorat 35-45 ans. Et notre lectorat, avec la dernière étude, c’est 25-35 ans. C est très urbain, essentiellement parisien et puis la Côte d’Azur, avec des petits points assez curieux : Bordeaux, Le Sud Ouest, Toulouse. Ils sont célibataires, très urbains, et l’on sait qu’à Paris les hommes seuls sont les homosexuels. Comme tous les masculins, nous avons une partie du lectorat qui est composé des homosexuels (…). En général, ils appartiennent aux catégories socioprofessionnelles plus plus plus, c’est écœurant. Quand je dis écœurant, c’est que côté résultats, ils sont suréquipés, à tous les niveaux. Ils sont certainement plus vers 30-35 ans, célibataires mais on a des 15-20 ans qui doivent faire 10% du lectorat, ce qu’on ne cherche pas. Ce n’est pas qu’on les cherche pas, mais c’est que le magazine est fait par des trentenaires et il n’y a pas de mystères : «fait par les trentenaires, lu par des trentenaires». Tu lis ce qui te ressemble.» 738 .

Le Magazine de l’Optimum se veut donc un magazine pour hommes qui disposent de moyens financiers élevés leur permettant d’acheter les vêtements griffés présentés dans les pages mode du magazine, qui possèdent un capital culturel lui aussi important, qui fréquentent les lieux de spectacle parisiens, les expositions, qui suivent l’actualité littéraire et cinématographique ainsi que l’actualité politique et boursière. C’est donc à un homme cultivé, voyageur et élégant que le magazine des éditions Jalou s’adresse. A ce lectorat, il renvoie à travers ses pages, une image masculine qui correspond en tout point à l’image que l’équipe rédactionnelle se fait de son lectorat.

Comme nous l’avons vu précédemment, la majorité des illustrations du magazine sont autoproduites et c’est notamment à travers ces dernières que le magazine impose sa vision de la masculinité. Les hommes de L’Optimum doivent «être des mecs trempés» 739 , les hommes de couverture sont peu souriants tout en étant «glamour» et célèbres et les femmes n’ont que très peu de place dans cet univers masculin. Dans le numéro 31 de décembre 1999-janvier 2000, le magazine publie «100 portraits d’hommes», avec entre autres des scientifiques (Flemming…), chanteurs (Sinatra…), peintres (Picasso…), philosophes (Sartre, Levi-Strauss…), écrivains (Joyce, Céline, Proust…), hommes politiques (De Gaulle, Gandhi…), architectes (Le Corbusier…), sculpteurs (Giaccometti…)… Ne figurent dans cette liste que des hommes qui ont marqué l’histoire, qui ont œuvré pour la paix, pour l’enrichissement culturel, qui symbolisent leur domaine de prédilection… Là où les magazines masculins gynécentrés offrent aux lecteurs chaque année la liste des «100 filles les plus sexy» (FHM), Le Magazine de l’Optimum offre à ses lecteurs un supplément culturel sur les hommes qui ont fait avancer le monde et la culture internationale. L’Optimum offre ainsi à ses lecteurs l’image d’un homme soucieux de son allure, élégant et qui s’intéresse à la mode (les pages de mode couvrent ainsi 1/3 du magazine et l’homme de L’Optimum est un homme habillé), d’un homme cultivé et concerné par les sujets politiques. Contrairement aux autres magazines masculins qui mettent en avant les mannequins et leur plastique idéale, le Magazine de l’Optimum met en scène des hommes connus, jeunes comme plus âgés, qui dégagent une certaine sérénité : dans le numéro 42 d’avril/mai 2001, Guillaume Canet est alangui sur une branche d’arbre…

Le Magazine de l’Optimum véhicule donc, à travers ses illustrations, l’image de l’homme accompli. En revanche, il n’aborde nullement l’image de l’homme dans ses textes qui évoquent seulement l’actualité des hommes rencontrés et leur histoire. Le Magazine de l’Optimum ne s’intéresse pas véritablement à l’homme en tant que personne, mais plutôt aux différents centres d’intérêt qui l’habitent : le cinéma, la mode, la politique. C’est pourquoi le magazine véhicule l’image d’un homme accompli tout au long de ses pages, mais de manière diffuse et sous-entendue : aucun article ne s’intéresse à l’homme, à sa psychologie… mais chaque article du magazine renvoie à un domaine de prédilection masculine, à un mode de vie, à des choix et à des passions masculines qui sont, à eux tous, les indicateurs d’une masculinité sereine.

En revanche, si l’homme accompli est le personnage principal de ce magazine, les femmes en sont absentes. Seule Sharon Stone a tenu la couverture. Elles sont présentes dans les pages de mode (mais en tant que membre d’un couple) et font l’objet de temps à autre de portraits dans les pages cinéma ou répondent au questionnaire de Paul Auster : ce sont des actrices à la renommée incontestable et dont le visage est la partie du corps mis en avant par le magazine. Elles sont souriantes ou rêveuses, mais jamais elles ne sont, contrairement aux autres magazines masculins, dévêtues ou représentées que par une partie de leur corps.

Sans imposer à chacune de ses pages un personnage féminin ou masculin, L’Optimum véhicule à travers ses pages et notamment à travers les thèmes de ces articles, le choix des vêtements et des célébrités mises en couverture, l’image d’un homme culturellement et socialement épanoui qui possède des moyens financiers importants pour se distraire, pour voyager et pour accéder à des produits de luxe. C’est donc en accord avec l’image du lecteur-type que la rédaction distille au fil de ses numéros une représentation masculine emprunte d’élégance ( donc habillée) et de sérénité, en totale opposition avec l’homme à demi dénudé et soucieux de la performance corporelle de la presse spécialisée.

Notes
738.

Propos tenus par le rédacteur en chef du Magazine de l’Optimum lors de l’entretien du 17 août 2000.

739.

Propos tenus par le rédacteur en chef du Magazine de l’Optimum lors d’une réunion de rédaction le 14 février 2001.