- l’homosexuel caricaturé de FHM .

Parmi les magazines masculins étudiés, FHM est celui qui présente un intérêt récurrent pour la figure de l’homosexuel. En effet, sur les 29 numéros d’FHM qui constituent notre corpus, pas moins de 3 numéros comportent des dossiers spéciaux sur la communauté gay et de nombreux articles, à travers la collection, utilisent la figure de l’homosexuelle et de la lesbienne (puisque la femme est la cible et le personnage principal du magazine).

En retraçant la story du groupe Village People 760 , symbole de la communauté gay américaine, le magazine renvoie à ses lecteurs les images stéréotypées et caricaturisées de la figure de l’homosexuel : le barbu moustachu gainé de cuir, bodybuildé notamment et multiplie les allusions telles que «peu de groupes de pop music peuvent se vanter d’avoir autant mis en danger nos «arrières»…, «achète mon disque ou je sors mon gros totem» 761 en guise de légende... Afin de célébrer à sa manière la Gay Pride, le magazine consacre 7 pages à la vie quotidienne des homosexuels et lesbiennes en proposant notamment des témoignages mais aussi un «guide de survie dans une backroom», une leçon afin de devenir lesbienne… Le magazine répertorie 8 figures de l’homosexuel et invite le lecteur à choisir celle à laquelle il correspond : «l’esthète», «l’homo pas déclaré», «le nounours», «le cuir SM», «le simili boys band» ( qui lit les magazines masculins spécialisés, dixit), «la folle», «le travesti» et «la racaille». C’est une image d’un homme avide de sexe, fêtard 762 , soit efféminé (le titre du dossier est «salut les copines»), soit viril et macho que FHM donne de l’homosexuel dans ce dossier. En plus de dossiers spéciaux, la figure homosexuelle est très présente comme catégorie dans les divers sujets traités par le magazine. Ainsi dans un article consacré à «comment manipuler les femmes» 763 , le magazine conseille aux lecteurs de convaincre leur femme de devenir bisexuelle car selon lui, le fantasme premier des hommes est de coucher avec deux femmes en même temps. Il donne aussi ses conseils pour «s’infiltrer dans une entreprise dirigée par des homos» 764 en multipliant les moyens de reconnaissance de la figure de l’homosexuel : être abonné dans une salle de gym, fréquenter les boites gay de la capitale, avoir des piercings visibles sous un polo en cachemire et partir régulièrement outre-Atlantique. Mais la figure de l’homosexuel est abordée dans FHM sous l’angle de sa sexualité. Ainsi, un des sujets sur lequel le magazine fut attaqué s’intéressait au rugby, aux troisièmes mi-temps et à la sexualité des joueurs 765 . En insistant sur les pratiques homosexuelles dans les vestiaires et en multipliant là encore les allusions, le magazine a reçu de multiples lettres d’insultes pour avoir donner une image des rugbymen en opposition avec l’image du joueur viril et macho attachée à ce sportif. Mais cette représentation véhiculée, si elle a valu des désagréments et une mauvaise publicité au magazine, est assumée par la rédaction et son rédacteur en chef ; pour lui, «ce sujet nous a valu des forums de discussion entiers, des tonnes de lettres… mais en le relisant, j’assume complètement ce qu’on a pu écrire et je trouve ça même drôle» 766 . Mais là où le magazine se déclare hétérosexuel, le magazine Tétu y voit une homosexualité refoulée et non assumée de la rédaction. Pour Patrick Thévenin, journaliste à Tétu et rédacteur de la revue de presse, «pourquoi le désir homosexuel est-il si grand chez ces purs hétéros bien dans leur peau ? Qu’est-ce qu’ils nous envient au juste ?» 767 .

On trouve donc au sein de la nouvelle presse masculine une figure homosexuelle qui oscille entre le bel éphèbe bodybuildé sur lequel les hommes sont invités à fantasmer, mais qui n’a pas place dans les articles qui eux, s’adressent aux hétérosexuels et une figure caricaturée, façonnée autour des stéréotypes anciens sur la figure de l’homosexuel efféminé ou au contraire machiste et viril qui est utilisée par FHM pour illustrer des thèmes d’articles décalés, en accord avec la formule du titre et fait des homosexuels une cible sur laquelle le magazine multiplie les allusions sexuelles. Cette cible et celle de la femme ne sont-elles pas utilisées pour asseoir le caractère machiste de ces publications, cibles qui sont présentées sous la forme de stéréotypes vieillis mais que cette presse et particulièrement FHM utilise de manière récurrente, avec l’aval des lecteurs et les récriminations des lectrices, se retranchant sous le sceau de la caricature, de l’humour et du second degré.

Notes
760.

Le magazine avait déjà utilisé l’image du groupe mythique pour illustrer un dossier sur «la vraie vie des gays» dansson numéro 18 de janvier 2001

761.

FHM n° 11 de juin 2000.

762.

FHM a désigné dans son numéro 23 de juin 2001, le gay comme l’un des plus grands fêtards et organisateur de fêtes.

763.

FHMn°7 de février 2000.

764.

FHMn° 2 de septembre 1999.

765.

Ibid.

766.

Propos tenus par le rédacteur en chef de FHM lors de l’entretien du 18 janvier 2002.

767.

Tétu n° 59 de septembre 2001