-… qui a peu la parole.

FHM a fait des femmes les personnages centraux de son magazine, non pas uniquement comme des icônes statufiées mais aussi comme des témoins, des interviewées, des femmes qui se racontent, qui se dévoilent 780 … quand les magazines masculins spécialisés les interrogent rarement. Seul M Magazine a, à la fin de sa carrière, intégré des portraits et interviews de femmes. Dans certains articles s’adressant aux hommes à propos des femmes, le mot «femme» n’est jamais cité : ainsi dans un article intitulé «faîtes-là brûler de désir» 781 , la figure féminine est évoquée par «elle» et «la». Nous avons montré que ce procédé de dépersonnalisation de la femme est utilisé par ces magazines en couverture pour annoncer les articles, ils en usent aussi dans leurs textes. La femme y est donc une femme-objet, elle est impersonnalisée et à ce titre elle est sans parole. Quand, au contraire, elle est personnalisée, ces magazines la présentent sous la forme de catégories : ainsi, on trouve chez M Magazine 782 un classement des femmes en «narcissique», «la mec», «la monomaniaque», «l’insatiable»,«l’exhibitionniste», «la planche», «la pudibonde»et «l’intello» et chez Men’s Health 783 «la mère poule», «la business woman», «la végétarienne», «la sportive», «la femme normale» et «l’infidèle». Ce processus de catégorisation est régulièrement utilisé afin de donner aux hommes des conseils adaptés à la situation de leur femme. En proposant des catégories de femmes, les magazines les enferment dans une image figée et caricaturale : en effet, la femme y est présentée sous des catégories peu flatteuses comme la source des problèmes masculins 784 et dont les hommes sont invités à se méfier.

Car, selon la presse masculine spécialisée, les femmes doivent remplir un rôle de soutien, d’aide aux hommes (dans les dossiers de gymnastique, elles l’aident à se muscler, en lançant les balles, en tenant les pieds…), c’est pourquoi les magazines utilisent régulièrement la figure de l’infirmière. La presse masculine présente donc un homme soit accompli, soit à la recherche de cet accomplissement et lui offre l’image d’un homme qui a réussit ce parcours de perfectionnement et vers lequel les magazines invitent le lecteur à tendre. Il lui offre aussi une image féminine sexy, femme-objet au service du perfectionnement masculin : elle est soumise, belle pour mettre l’homme en valeur par ricochet, et l’aide ( en faisant la cuisine par exemple) à prendre soin de lui : elle lui sert de faire-valoir. Chez FHM, les femmes sont avant tout des objets offerts au regard et à qui le magazine accorde la parole tout en multipliant des images dégradantes et les stéréotypes qui lui confèrent son statut de magazine à tendance charme.

  Image de l'Homme Image de la femme
Le Magazine de L'Optimum Homme accompli, cultivé, performant, élégant, glamour.
Homme serein
Homme habillé
Image de l'Homme en accord avec le lectorat du magazine
femme peu présente
insistance sur le visage féminin
M Magazine Au début :
Homme musculeux, mannequin, sportif,
imberbe, torse nu,
Homme en quête de perfectibilité
Homme qui voue un culte à la performance
veut donner une image idéale de l'homme
vers laquelle il doit tendre
Image en désaccord avec le lecteur-type.
Puis ( 6 derniers mois) :
Homme vêtu, plus proche du commun des mortels,
image de l'homme plus en adéquation avec
le lectorat.
au début :
femme dénudée avec focalisation sur ventre,
seins, dos, sexe et accessoires
Femme objet et faire-valoir des hommes
femme qui ne parle pas
puis :
plus grande place accordée à la femme
portraits de femme, prise de parole,
psychologie féminine.
femme qui parle.
Men's Health Homme dominateur
Homme musculeux, mannequin, sportif,
imberbe, torse nu,
Homme en quête de perfectibilité
Homme qui voue un culte à la performance
Homme avec comportements à risque
Homme qui doit être compétent en tout
veut donner une image idéale de l'homme
vers laquelle il doit tendre
femme dénudée avec focalisation sur ventre,
seins, dos, sexe et accessoires
Femme objet et faire-valoir des hommes
Femme qui doit veiller sur l'homme
Femmes comme trophées des hommes.
femme qui ne parle pas
FHM peu d'image de l'homme
en recherche d'une performance sexuelle
avide d'aventures, sport, divertissement, rigolade
peu vêtue, bikini, mini-robe, mais femme qui parle
mais aussi : femme capricieuse, lunatique, manipulatrice et
manipulable
femme dont il faut se méfier.

Notes
780.

Dans le numéro 25 d’Août 2001, l’interview de Carmen Electra, personnage d’Alerte A Malibu, porte sur ses sous-vêtements, sur sa poitrine, sur ses rapports avec Hugh Hefner le fondateur de Playboy … et les légendes des photographies, issues de l’interview sont : «je viens juste de faire l’amour dans les toilettes d’un restau japonais avec mon mec», « je ne porte jamais de sous-vêtements. Je trouve ça tellement inconfortable !» et « je ne suis jamais sorti avec un mec pour une seule nuit».

781.

M Magazine n° 32 de novembre 2000.

782.

Ibid.

783.

Men’s Health n° 23 d’octobre 2001.

784.

Dans l’article de Men’s Health précédemment cité, la «mère poule» est taxée de délaisser son mari, au profit de ses enfants, la «business woman» de le délaisser au profit de son travail et d’appliquer son autorité sur l’homme, «la végétarienne» de ne vivre que pour ses séminaires bios, la «femme normale» cache toujours quelque chose… D’ailleurs cet article est illustré par une femme déguisée en gendarme : la femme est présentée comme autoritaire et à laquelle les hommes doivent obéir.