CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La nouvelle presse masculine française se veut pour la plupart de ses titres, forte d’un héritage anglo-saxon dans lequel elle puise une formule mais aussi un patrimoine financier, un savoir-faire et une matière première ( photographies et textes) qui sont autant de richesses qu’elle réutilise sur le sol français, en l’adaptant ( dans une moindre mesure pour certains titres comme Men’s Health) à la culture française. Elle charge les équipes françaises des pages produites sur le sol et des traductions et adaptations de celles produites par les versions étrangères. C’est ainsi que certains magazines, comme FHM, reprennent régulièrement des couvertures étrangères, qu’ils lient à un contenu fondé sur l’interaction avec le public français, illustré par des photographies sur l’actualité cinématographique et sur les personnalités locales. Mais tous les magazines d’origine étrangère, produisant des magazines aux contenus internationalisés, n’intègrent pas cette culture locale dans leurs contenus et offrent, tel Men’s Health, à ses lecteurs français, des articles en opposition avec leur culture latine, leur proposant une image anglo-saxonne emprunte de performance, de sport à outrance avec laquelle le public français n’est pas encore familiarisé. Or, ce sont les groupes qui ont, par choix philosophique, choisi de produire la quasi-totalité du contenu du magazine, qui sont les moins riches des magazines masculins, alors que l’autoproduction leur coûte financièrement plus cher et leur impose un travail supplémentaire pour lequel ils ne sont pas assez nombreux. C’est donc une difficulté supplémentaire, outre les conditions matérielles parfois difficiles, que s’imposent les rédactions, comme celle du Magazine de l’Optimum, au nom de l’identité et de la singularité du magazine.

Les équipes rédactionnelles sont diversement étoffées en fonction du taux de pages produites en France mais aussi en fonction des crédits mis à la disposition des rédactions. Ainsi, L’Optimum, tout en produisant la totalité du magazine, ne compte que 6 membres permanents quand Men’s Health ne produit pour certains numéros que 40 % des pages à Paris, mais avec 11 membres permanents. Ces rédactions, majoritairement masculines, présentent un conservatisme des rôles traditionnels accordés aux hommes et aux femmes : les hommes rédigent les articles à consonance masculine, les femmes ceux plus féminins (la mode, la beauté…) et elles occupent dans les rédactions, les postes de mise en forme et les secrétariats. Rédigeant avec une sensibilité et une écriture masculines, les hommes véhiculent à travers leurs textes des idées et représentations empruntes de machisme, parfois à tendance misogyne et homophobe et font ainsi d’une partie du lectorat de la presse masculine, soit l’absente des textes (la communauté homosexuelle), soit leur cible (les femmes), même si les rédactions se défendent de ces accusations, se retranchant derrière l’humour, le ton décalé et la mise en scène propres aux formules des magazines.

La nouvelle presse masculine française est donc un des espaces de reproduction des stéréotypes sur les femmes comme objets des hommes : elle est jugée manipulatrice, manipulable, sotte, mais possédant un corps que les hommes utilisent comme un faire-valoir personnel. Il apparaît ainsi que la nouvelle presse masculine, tout en se présentant comme la presse du «nouvel Homme», se révèle être la presse de l’homme qui, tout en ayant adopté des pratiques liées à la beauté et au soin du corps qui se veulent novatrices pour la gent masculine, conserve des habitudes machistes empruntes de domination sexuelle, de performance et de misogynie. Outre les formules proches de celles de la presse de charme pour FHM, c’est aussi l’image soumise de la femme objet que la nouvelle presse masculine transmet à la jeune génération masculine constituant en grande partie le lectorat de ce magazine. En lui offrant une image certes plus aseptisée (les femmes dans FHM ne sont pas entièrement nues, elles portent toujours un vêtement suggestif) que la presse de charme traditionnelle, la nouvelle presse masculine participe elle aussi à la diffusion et à la pérennité des stéréotypes que les femmes ont à combattre au quotidien.