a) L’annonce thématique en avant première, via le titre.

«C’est un cri de désespoir, c’est un appel au secours», «et oui, les poils, voilà ce qui m’amène», ou encore «je dis M et je le sème à FHM» sont trois des 19 titres accompagnant les lettres adressées aux rédactions. Peu de lettres comprennent donc un titre, seuls les corpus de la «lune» chez FHM et celui de Men’s health en comptent. Ces titres courts annoncent la teneur générale, les attentes du lecteur et sont porteurs de louanges ou de simples commentaires.

C’est dans le corpus de «la lune» que les épistoliers annoncent dès le début de leur lettre, ce qu’ils attendent du magazine, le cadeau représentant pour eux un rêve inaccessible sans l’aide du magazine : «au secours !», «pouvez-vous me sauver ?», «c’est un cri de désespoir, c’est un appel au secours», «pitié ! Ne donnez pas ma lettre au stagiaire pour qu’il la mange» 856 ou plus simplement «prenez cette lettre». En évoquant en préambule de la lettre l’importance que celle-ci revêt pour eux, les lecteurs l’utilisent comme un moyen de persuasion supplémentaire en jouant sur des sentiments et comme un moyen de «faire sortir la lettre du lot» par le biais de cet appel fondé sur le désespoir. Le misérabilisme utilisé par les épistoliers pour inciter les journalistes de la rédaction à lire leur missive est un des arguments récurrents des lettres de «la lune», mais aussi des corpus sexuels dans lesquels les scripteurs multiplient les références aux conséquences dramatiques de leur problème sur leur vie quotidienne, mais sans, contrairement aux lettres de «la lune», les énoncer dès le titre.

Car, dans les quelques titres des lettres de Men’s Health, c’est plutôt sur le caractère simple du contenu de la lettre que les lecteurs insistent, peut-être afin de ne pas décourager les lecteurs : ainsi, un des 9 titres envoyés à Men’s Health est «mon avis, c’est simple» ; l’auteur présente ainsi son problème comme facile à résoudre pour une rédaction, espérant ainsi que celle-ci y portera attention, sans que cela ne lui prenne beaucoup de temps, ni d’effort.

Quant au reste des titres, ils sont annonciateurs du thème général de la lettre. Courts, parfois écrits dans un registre humoristique et populaire, ils révèlent la teneur de la lettre ; ainsi, les lettres de Men’s Health commencent par «et oui, les poils voilà ce qui m’amène», «problème de taille», «à quand un nouveau Women’s Health ?», les lecteurs savent d’entrée de quoi l’épistolier va les entretenir, notamment quand ils inscrivent, via le titre, du registre de la lettre : «message d’encouragement» ou encore «merci pour votre magazine».

Enfin, les titres sont autant de commentaires sur le magazine, sur la lettre mais aussi sur l’humeur de l’épistolier : ainsi un lecteur de FHM intitule sa lettre «la tentative du mois», un autre dont le rêve est de se voir écrire des paroles de chansons par Goldman utilise en titre une phrase d’une de ses chansons : «j’irai au bout de mes rêves», montrant ainsi sa détermination, un troisième qui évoque les attentats du 11 septembre débute par «le monde est stone» ; chez Men’s Health, un lecteur commente un article sur les rapports entre les hommes et les femmes en empruntant le titre du film «les hommes sont des femmes comme les autres», un autre lecteur commente le nouveau numéro par «enfin sorti».

C’est par le titre que quelques rares épistoliers énoncent leur rapport au magazine, leurs attentes de ses réponses comme de son contenu, utilisant cet espace détaché du corps de la lettre pour mettre en avant et ce de manière soit amplifiée, soit minimisée, le problème dont la lettre est porteuse. En utilisant un ton humoristique et usant de références à des titres existants dans le cinéma ou dans la chanson, les lecteurs personnalisent leurs lettres dans le but de les rendre singulières et attractives et ainsi influer sur les choix du magazine et sur la prise en compte de leur courrier. Mais les lettres porteuses de titres restent rares, seul 1% du total des lettres dépouillées en comporte, ce sont, dans la grande majorité du courrier reçu, à travers les en-têtes adressés aux rédactions, que les épistoliers inscrivent le premier indice du rapport entretenu avec les magazines.

Notes
856.

L’épistolier se réapproprie les codes du magazine qui, dans sa présentation de la rubrique «la lune» annonce : «Vous évitez de nous demander toujours les mêmes choses du type « une PS2, vite !», « le numéro de Pamela» ou « des photos de Mylène, nue»… Car toutes ces demandes seront mangées par le stagiaire, sans contrôle d’huissier».