-Les lettres sexuelles adressées à un tiers nommé.

Les lettres des corpus de M Magazine, Men’s Health et FHM-sexo débutent en s’adressant à un interlocuteur désigné, soit au(x) journaliste(s) attitré(s) des rubriques auxquelles les épistoliers s’adressent, soit aux professionnels de la médecine intervenant comme experts auprès des magazines. En effet, les lecteurs de Men’s Health adressent leurs lettres à Pierre, personnage principal de la rubrique Pierre le Barman ; chez FHM, les lecteurs s’adressent, quant à eux, à Lomig et Isabelle, les deux journalistes de la rubrique Sex Questions, le premier répondant à l’aide de multiples manuels, passant ainsi pour un spécialiste des questions intimes alors qu’Isabelle répond avec ses propres expériences… Ils s’adressent à ces personnages précis en suivant les indications et adresses données par les magazines eux-mêmes, afin de faciliter l’orientation et le dépouillement du courrier. S’adressant à des personnages (Pierre le Barman n’existe pas, c’est un journaliste qui rédige la chronique) ou à des journalistes de la rédaction, les lecteurs utilisent des locutions porteuses d’une proximité, d’une amitié… et qui relèvent plus de la correspondance épistolaire entre deux amis, voire même de l’oralité et de la conversation que de l’écriture d’une lettre à une personne physiquement inconnue. Or, pour les lecteurs, les rédacteurs des magazines font partie de leur quotidien et prennent ainsi un statut d’amis, particulièrement dans les lettres adressées à FHM, dans lesquelles les lecteurs réutilisent le ton en vigueur dans le magazine : un ton de «copain-copain» avec les lecteurs. Ainsi les lettres commencent par «coucou», «salut»… et ce, dans tous les corpus, mais les en-têtes du corpus FHM-sexo font preuve d’une grande familiarité de la part des lecteurs envers les journalistes et la rédaction : «salut Lionel» (Lionel est le chef d’enquête pratique qui regroupe les rubriques beauté…), «salut les amoureux», «salut Pierre»… Ils s’adressent donc à une personne en particulier, mais aussi à la rédaction dans son ensemble, là aussi, sous la forme d’en-têtes plus classiques  mais porteurs d’un attachement respectueux tels que «chère équipe», «chère rédaction», «chers tous»En s’adressant à un collectif, les lecteurs ont recours à des en-têtes plus classiques, plus détachés, tandis que le singulier de l’en-tête adressé à un particulier au sein de la rédaction est symbole d’un attachement et d’un rapport plus étroit, c’est notamment pour cela que les lecteurs adressent leurs lettres intimes à un membre précis de la rédaction.

Les épistoliers de lettres porteuses de questions à caractère sexuel s’adressent donc aux chefs des rubriques receveuses de ces lettres ou directement aux professionnels par leurs fonctions et spécialités médicales : les lecteurs écrivent à l’andrologue, au docteur, au chirurgien esthétique, au psychologue, au dermatologue, particulièrement chez M Magazine qui fournit aux lecteurs la liste des spécialistes intervenants, que les lecteurs qualifient d’» experts», de «conseillers», voire même d’» encyclopédies» par un lecteur de FHM. A ces professionnels, les lecteurs s’adressent avec un respect des codes classiques témoignant d’une distance et d’un respect de la fonction. C’est donc un rapport fonctionnel que les lecteurs de la nouvelle presse masculine énoncent, via les en-têtes adressés aux spécialistes, aux collaborateurs du magazine. Dès lors, ils utilisent des formules classiques telles que «Monsieur», «cher monsieur», «docteur»… Les épistoliers écrivent donc aux spécialistes avec respect, leur témoignant de celui-ci dans les formules utilisées pour s’adresser à eux, rendant ainsi les lettres solennelles et policées.

Avec un lectorat plus jeune, les lettres envoyées à la rédaction de FHM sont porteuses de formules d’en-tête moins classiques que dans les autres rédactions, plus légères, porteuses d’un rapport plus étroit avec l’interlocuteur : «salut les enfants», «mes chers compatriotes», «cher FHMiste», «salut les cyber-sexologues» Les lecteurs écrivant à FHM pour des questions sexuelles, mais aussi pour demander des cadeaux, détournent les initiales du titre en «Salut les francs honnêtes malins», «cher faiseur hilarant de miracles»… et usent d’en-têtes à consonnance amicale : «salut amis lecteurs», «hello les kings»

A la recherche de réponses précises à des questions d’ordre intime, les lecteurs des lettres à consonance sexuelle adressent leur courrier en majorité aux journalistes et aux professionnels de la santé, à la rédaction dans certains cas, et adressent donc une question privée à un interlocuteur défini et nommé, qui est habilité à y répondre sans que la question ne transite par de multiples intermédiaires. En s’adressant à des professionnels ou aux journalistes attachés aux rubriques dites sexuelles, les lecteurs offrent leur confidence à une seule personnelle spécialisée dans ces questions intimes. Ce sont donc les degrés d’intimité, de confidentialité et d’importance de la question qui incitent les lecteurs à s’adresser à un sujet particulier et non au magazine en lui-même, auquel ce sont les épistoliers de la «lune» qui s’adressent en majorité.