- Le magazine comme bienfaiteur des demandes de la « lune».

Sur 407 en-têtes utilisés par les 464 lettres envoyées à «la lune», 227 (55.7% du total des en-têtes), sont adressées au magazine lui-même, contre 30% à un journaliste ou à la rédaction dans son ensemble. En effet, la rédaction demande que le courrier de la «lune» soit adressé à «FHM Hotline» et non pas à un journaliste en particulier. C’est pourquoi les en-têtes s’adressent directement au magazine, et de manière sentimentale : «cher FHM», «très cher FHM» , mais aussi avec des formules plus engagées sur le rapport entretenu par le lecteur avec le magazine : «bonjour mon journal préféré», «salut ô grand magazine», «cher mon copain FHM»,» bonjour FHM mon magazine préféré», «salut FHM chéri»…

C’est donc un rapport étroit que les lecteurs évoquent dans leur adresse au magazine, mais aussi les attentes qu’ils ont de celui-ci, à savoir qu’il exauce leur rêve : ainsi, les épistoliers rappellent au magazine, dès le début de la lettre, sa raison d’être : «grand FHM exauceur de rêves», « cher faiseur hilarant de miracles», «cher faiseur de rêves de FHM»«surpuissant FHM» C’est donc le magazine qui possède, aux yeux des lecteurs, le pouvoir de fournir certains objets rares aux lecteurs, et non pas les membres de la rédaction, et ce, au regard du discours tenu dans la présentation de la rubrique : «tout ce dont vous avez toujours rêvé, demandez-le à FHM». C’est donc la rédaction elle-même qui a personnifié, dans son texte, le magazine. En effet, les lecteurs s’adressent au magazine, avec les mêmes locutions et expressions qu’ils adressent aux journalistes de la rédaction pour les questions sexuelles, mais en y ajoutant des références humoristiques aux capacités «surnaturelles» du magazine, usant ainsi de la flatterie pour inciter le magazine à choisir leur demande.

C’est dans un registre moins solennel, moins classique, moins rigide et plus sentimental, plus créatif que les épistoliers de FHM écrivent et s’adressent à «la lune» en accordant au support médiatique qu’est le magazine un pouvoir qui pourtant dans la réalité de la réalisation de la rubrique, passe plus par la persuasion des journalistes que par le magazine lui-même, même si la prononciation de son nom est de suite un laissez-passer vers l’objet recherché. C’est donc la teneur de la rubrique à laquelle les épistoliers écrivent qui induit la forme et le ton de l’en-tête : pour les sujets tabous et graves, les en-têtes sont personnifiés, classiques et adressés à des professionnels compétents et dignes de la confidence ; pour les demandes plus légères, les en-têtes sont adressés au magazine sur un ton de proximité, de copinage, de défi aussi… qui laissent voir l’attachement des lecteurs pour le magazine auxquels ils accordent un pouvoir particulier. C’est par une communication de sujet à sujet via la médiation de la lettre, que les lecteurs évoquent leurs problèmes intimes quand c’est par une communication avec le collectif de la rédaction, représenté sous la personnification du magazine que les lecteurs entrent en contact avec la «lune».

Si la majorité des lettres est respectueuse d’une position sociale et d’une fonction quand elles s’adressent aux professionnels de la médecine, ou porteuses d’amitié, d’attachement quand elles s’adressent au magazine en général, certaines lettres qui sont plus rares dans nos corpus, ne sont pas porteuses d’indications sur le destinataire mais sont porteuses d’un ton amical : «Salut», «hello», «hi», d’autres répondent aux règles de la communication épistolaire et apparaissent comme «froides» au regard de l’emploi d’en-têtes chaleureux. «Monsieur, Madame», «Madame», «Monsieur» sont ainsi plus présents dans les corpus de M Magazine et Men’s Health qui s’adressent à des spécialistes que dans les corpus de FHM qui s’adressent aux journalistes de la rédaction qui utilisent un ton plus léger dans leurs articles.

C’est un rapport fonctionnel que les lecteurs énoncent dans leurs en-têtes adressés aux professionnels de la santé et aux magazines spécialisés dans le pôle santé-forme, et c’est un rapport amical que les lecteurs d’FHM adressent à la rubrique «la lune» pour justifier du bien-fondé, en tant que lecteur attaché au magazine, de la demande.

Mais l’en-tête n’est pas le lieu unique de la justification de la demande par l’habitude de la lecture du magazine et par l’attachement qu’elle engendre. Les épistoliers multiplient dans leurs lettres, quelle que soit, la teneur de la rubrique à laquelle ils écrivent, les marques de visibilité de leur situation de connaisseur du magazine, avant de se présenter eux-mêmes.