-L’ancienneté de la lecture et la promesse de son éternité.

La datation de la lecture est une des indications données par les lecteurs pour justifier de leur fidélité et de la régularité de leur rapport au magazine. En associant à leur statut de lecteur une référence temporelle, les lecteurs ancrent ainsi leur lecture dans l’histoire du magazine ; ils font ainsi référence à trois moments de cette histoire : à sa naissance sur le marché, à un numéro précis et, pour les plus grands connaisseurs, aux versions étrangères préexistants la version française.

L’insistance sur la lecture depuis la première heure des magazines est l’argument le plus récurrent dans les lettres pour justifier d’une fidélité sans faille. C’est par l’expression «depuis votre premier numéro» que les lecteurs ponctuent leur propre présentation comme lecteur. Rarement ils ne se présentent comme un nouveau lecteur, nous l’avons vu, préférant évoquer une connaissance et une habitude du titre sous la forme d’une allusion au temps de la lecture. C’est donc par «depuis le début»,«depuis le premier numéro», «depuis sa sortie en France», «chaque mois depuis son premier jour», «depuis la première heure», «ayant acheté tous vos numéros»que la majorité des épistoliers du courrier de la nouvelle presse masculine qualifie leur lecture des magazines, opérant ainsi un mode hiérarchique entre «nous», les lecteurs de la première heure et «eux», ceux qui ne lisent ces magazines que depuis peu ou du moins depuis moins longtemps que les lecteurs du début. D’ailleurs peu de lettres évoquent la découverte de magazine via un numéro particulier ; si quelques lecteurs notent l’importance d’une couverture précise dans leur premier contact avec le magazine, ces lecteurs plus récents communiquent davantage sur leur propre présentation comme «simple lecteur», «nouveau lecteur» sans datation précise.

Rares sont les lecteurs à évoquer l’antériorité de leur lecture de la presse masculine étrangère à la nouvelle presse masculine en France. Citant alors les déplacements ou leur installation à l’étranger pour énoncer leur situation et les raisons de cette lecture étrangère, ils utilisent leur connaissance des versions originales et donc de l’origine de la version française, pour se poser en connaisseurs du titre, des changements opérés dans l’adaptation à la culture locale, se donner ainsi un statut de lecteur «international» du titre, et se démarquer alors des lecteurs de la seule version française.

Pour justifier de cette écriture, de cette demande à venir et de l’attachement étroit qui les lie au magazine auquel ils s’adressent, les lecteurs mettent en avant leur connaissance parfaite du magazine due à la fidélité et à l’ancienneté de leur lecture qui sont ainsi les arguments énoncés de la récompense que représente une réponse positive du magazine. Afin de conforter cette image de lecteur assidu, les lecteurs évoquent non pas seulement le passé étroit les liant au magazine, mais aussi leur futur commun. En effet, même si les références à la lecture dans le futur interviennent pour beaucoup au moment de l’énonciation de la conclusion et dans les post-scriptum, certains lecteurs évoquent dès le début de leur lettre, l’éternité de cette lecture : «je serai toujours un fidèle lecteur de votre magazine»souhaitant ainsi, par le biais de son accompagnement via la lecture, une longévité au magazine.