h) Le post-scriptum, lieu d’énonciation d’indications complémentaires sur l’objet de la lettre.

Quelle sorte d’information les épistoliers ont-ils omis d’énoncer dans le corps de la lettre, et qui revêt une importance telle qu’ils ajoutent, après avoir signé, une nouvelle partie textuelle ?

  M Magazine Men's Health FHM-sexo FHM-lune
demande d'anonymat 1 4 2 1
donne une adresse / 1 3 17
importance pour soi / / / 3
indication supplémentaire 7 4 2 12
remerciements 7 4 11 15
indication mode de réponse 12 11 14 25
demande supplémentaire 5 4 7 14
pièce-jointe 1 / 1 9
excuses 1 1 / 7
raison de demande / / / 1
commentaires 3 1 2 3
total 37 ( 8.2%) 30 (7.2%) 42 (10.07%) 107 (23.06%)

Outre le lieu d’expression du mode de réponse choisi et de l’énonciation des multiples moyens de rentrer en contact avec le locuteur, les post-scriptum sont utilisés par ce dernier comme un espace de présentation complémentaire de l’objet de la lettre. Ils y donnent notamment des couleurs, des tailles, mais aussi des supports pour aider le magazine dans sa recherche et dans son diagnostic. C’est ainsi que les lecteurs utilisent le post-scriptum pour annoncer la présence de pièces jointes à la lettre pour faciliter le travail des rédactions. Ainsi chez M Magazine, les pièces jointes sont au nombre d’une dizaine : des photocopies d’articles servent à mettre le magazine face à ses erreurs ou à lui donner un modèle, 3 lettres contiennent des photographies des lecteurs ( une de ses photos est arrivée sous pli recommandé) afin que le magazine puisse déterminer si le lecteur peut devenir ou non-mannequin ou s’il peut donner un avis suite à une demande ( en l’occurrence pour ce cas, si le lecteur est vraiment trop maigre, pour cela il envoie de lui une photo en sous-vêtement et chaussettes), des copies d’examens médicaux, des traitements suivis et même une radiographie personnelle fut envoyée afin d’aider le magazine dans son diagnostic. Un curriculum vitae est joint à une lettre qui comporte une demande et aussi une offre d’emploi du lecteur qui souhaitait rejoindre l’équipe ; chez Men’s Health, 4 dessins sont en pièces-jointes.

En revanche, chez FHM, les pièces jointes sont nombreuses, particulièrement pour la rubrique «la lune» ; ce sont des dessins (un lecteur a fait un schéma du mal qui le ronge) et des photos qui représentent les objets désirés (de nombreuses lectrices envoient des photographies en tenue sexy au magazine dans l’espoir d’être publiées) mais ils envoient aussi des objets plus précieux : des CD, des manuscrits… qu’ils confient à la rédaction en vue d’une rencontre avec une maison de production ou d’édition. Enfin, de nombreux lecteurs, attachés au magazine, joignent des CV dans le but de devenir stagiaire ou journaliste dans la rédaction.

Les épistoliers énoncent, via cet ultime espace d’écriture, une dernière fois l’importance de leurs attentes (qu’ils argumentent) envers le magazine en lui fournissant un supplément d’informations pour qu’il puisse soit obtenir l’objet rêvé dans le cadre de la «lune», soit dresser un diagnostic du mal ressenti et, grâce aux multiples indications sur la forme souhaitée de la réponse, mettre fin à l’attente. Les épistoliers utilisent aussi cet espace pour y formuler de nouveaux remerciements, commenter certains articles, positivement dans la majeure partie des cas, afin que le lecteur de cette lettre termine sa lecture sur une louange. Les post-scriptum sont donc les lieux ultimes de l’énonciation de l’attachement des lecteurs au magazine auquel ils s’adressent.

Les courriers envoyés aux rédactions de la nouvelle presse masculine comportent un schéma d’écriture récurrent dont la phase principale et la plus importante est la demande qui, paradoxalement est la phase la plus courte des lettres ; en effet, ce sont les diverses phases de présentation de l’objet de cette demande, des raisons de celle-ci, de l’importance des effets que l’objet produit au quotidien, des attentes des changements provoqués par la réponse du magazine et dont la nécessité est de plus justifiée par un rapport étroit entretenu avec le magazine, présent dans toutes les phases successives des lettres, qui amène à l’énonciation courte du questionnement à l’origine de l’écriture de la lettre. C’est ce rapport entretenu entre les lecteurs et le magazine et qui se veut amical entre les épistoliers de FHM et FHM lui-même et plus distant entre les magazines et les épistoliers de la presse spécialisée qui, contrairement aux premiers cités, s’adressent directement aux professionnels de la santé, leur envoyant des lettres respectueuses des codes épistolaires classiques et porteuses ainsi d’une certaine distance, induite par le statut social de l’interlocuteur, qui est utilisé par les lecteurs-scripteurs comme l’un des moyens d’incitation, le second étant la douleur face au mal ou le rêve de l’objet, à la réponse envoyée aux rédactions.

Mais ce schéma, s’il correspond à la majorité des lettres envoyées, voit quelques-unes unes d’entre elles, et particulièrement des mails, lui déroger. En effet, certaines lettres ne comportent que la seule demande, quand d’autres ne sont pas des lettres demandeuses, mais des lettres critiques ou laudatives qui, pour ces dernières, posent la question de la raison de l’écriture à un magazine uniquement dans le but de le féliciter, quand les lettres d’écriture, sans demande, à un magazine relèvent plutôt d’ordinaire de la critique, du mécontentement ou de la dénonciation.