-Quand les femmes contribuent à la conservation des centres d’intérêt traditionnels masculins.

Nous avons réparti les demandes féminines parmi les catégories utilisées pour l’analyse des demandes masculines et les avons classées en fonction du destinataire de ces cadeaux : entre des cadeaux pour elles-mêmes et des cadeaux pour les hommes, car, les épistolières écrivant à FHM n’écrivent pas pour des copines, mères…, contrairement aux hommes qui écrivent pour d’autres hommes, mais uniquement pour leurs compagnons, mari, père. Que demandent-elles pour elles qu’elles ne demandent pas pour les hommes ?

pour elles-mêmes pour autrui masculin
chanson 9 (36%) sport 9 (34.6%)
maison de disque 1 kimono 1
concert 2 dîner avec Alési 1
rencontrer une chanteuse 5 casque f1 2
une chanson 1 rencontrer un motard 1
FHM 4 (16%) rencontrer le PSG 2
poser dans FHM 1 rencontrer un boxeur 1
abonnement 1 faire parachute 1
choix du magazine 1 chanson 5(20%)
ancien n° 1 concert 4
cinéma 3( 12%) rencontrer un chanteur 1
K7 1 cinéma 3 (11.5%)
affiches 1 rencontrer un comédien 3
photos actrice 1 FHM 2 (7.6%)
mode 3 (12%) faire publier photos d'elle 1
vêtement 1 cadeau au choix 1
relookage 1 ancien n° FHM 1
lunettes 1 écriture 2 (7.6%)
argent 2(8%) un livre 1
sponsor 2 dédicaces de BD 1
amour et amitié 1(4%) mode 1 (3.8%)
retrouver une personne 1 son ami devienne mannequin 1
la fête 1(4%) voyage 1 (3.8%)
déguisement 1 voyage 1
écriture 1 (4%) divers 1(3.8%)
lire ses poèmes 1 mutation 1
télévision 1 (4%) Total 26 (51%)
casting Télé 1
total 25 (49%)
 

Ecrivant plus pour leurs amis, pères, compagnons… que pour elles-mêmes, les demandes des femmes sont en accord avec celles effectuées par les épistoliers pour eux-mêmes, même si elles demandent en majorité des cadeaux relatifs au sport alors que les hommes demandent avant tout du cinéma et de la chanson. Pour les femmes, le cadeau idéal pour un homme est donc un objet personnel ou la rencontre d’une personnalité du monde sportif. En revanche, si elles font peu de références au monde du cinéma et de la chanson, peut-être est-ce parce que dans ces deux univers, les hommes y réclament des objets, photographies et rencontres des jeunes actrices et chanteuses et qu’elles ne veulent cautionner cet intérêt-là ?

Ecrivant pour leur propre compte, les épistolières avouent leur intérêt pour la chanson, le cinéma qu’elles partagent ainsi avec les hommes, mais adressent des marques d’attachement à FHM plus vifs que les garçons, utilisant ce dernier comme le moyen de diffuser des photographies d’elles (les lectrices envoyant des photographies d’elles en petite tenue) afin de surprendre leurs amis. Elles en appellent aux compétences du magazine en matière de mode (12% des lettres féminines contre 7.4% des lettres masculines) mais jamais elles n’évoquent le sport, ni les engins mécaniques pour elles-mêmes, confirmant ainsi leur désintérêt pour ces domaines masculins.

Les épistolières s’adressent donc à la rubrique «la lune» dans le but de se faire plaisir et surtout de faire plaisir autour d’elles, respectant dans leurs demandes les pratiques dites féminines et masculines en matière de loisirs et de goûts, même si les deux sexes semblent aujourd’hui, à travers leurs demandes, partager un engouement commun pour les domaines artistiques et principalement pour les célébrités officiant dans ces domaines-là : les hommes veulent rencontrer les personnalités féminines, les femmes les personnalités masculines. La célébrité étant un des domaines inaccessibles pour beaucoup, elle est un des lieux rêvés par les adolescents notamment. Posséder un objet ayant appartenu à une célébrité, c’est voir cette célébrité rejeter un peu sur soi, c’est ainsi que les épistoliers de «la lune» se servent des cadeaux pour se distinguer des autres, non-possesseurs d’objets rares et vouent ainsi à FHM des sentiments de reconnaissance infinie en cas de succès et parfois de déception virulente en cas d’échec. «Tout le monde a son quart d’heure de célébrité» disait Andy Warhol, c’est en partie, outre le véritable intérêt et l’envie du cadeau demandé, cette célébrité passagère que viennent chercher les lecteurs à travers «la lune», cette célébrité se limitant à la communauté des lecteurs du magazine et à leur entourage, mais représentant pour eux, un moyen de se faire connaître pour celui possédant tel objet de telle star ou celui qui a rencontré la star. Le magazine peut donc leur fournir les moyens de se différencier des autres, tout en exauçant leur vœu, dont ils ont justifié de l’importance à travers les multiples marques de flatterie énoncées dans leurs lettres.

La rubrique «la lune» n’a pas été crée dans le but de créer des différences entre les détenteurs d’un cadeau et les autres, elle l’a été dans le but d’apporter du plaisir et du bonheur à des lecteurs qui, parce qu’ils ne possèdent pas de contacts, pas d’argent…, ne peuvent accéder à certaines situations que le pouvoir du magazine, ses journalistes et leurs réseaux d’informations peut permettre. C’est avant tout, pour la rédaction, une rubrique de divertissement même si certains lecteurs y investissent des sentiments et des attentes trop importants. Cette rubrique pourvoyeuse de courrier est à part dans la nouvelle presse masculine ; les corpus sexuels dont nous avons montré l’importance des questions et des thèmes évoqués pour les lecteurs relèvent non pas du divertissement mais d’investissements plus profonds. Quelles sont les diverses fonctions accordées aux publications par les lecteurs ? Que viennent-ils y chercher sur ces thèmes parfois difficiles à évoquer ? Nous avons vu que les hommes cherchent pour beaucoup d’entre eux à se définir en fonction d’une norme sociale, que viennent-ils demander d’autre, entre un conseil, un avis, une information ? Quel sens investissent-ils donc dans les publications de la nouvelle presse masculine ? Que laissent voir ces fonctions accordées aux publications par les hommes de leurs relations avec la masculinité ? Ces lettres ne sont-elles pas autant d’indices d’une masculinité en difficulté ?