a) L’impossibilité de rivaliser avec le géant américain.

M Magazine, premier magazine à avoir relancé le marché de la presse masculine en France voit, dès avril 1999, son statut de leader détenu du fait de son unicité sur le marché lui échapper ; c’est l’arrivée de Men’s Health qui, à grand renfort de publicité et en proposant la version originale dont M Magazine est inspiré, impose à ce dernier de repositionner, quelques temps après le procès pour plagiat dont Men’s Health a été débouté, sa formule devenue moins vendeuse face à la nouveauté apportée par Men’s Health : une version plus colorée, plus “rodée ” par une expérience de 15 ans aux Etats-Unis et les multiples versions à travers le monde. En mettant en couverture des hommes moins musculeux, des couples, et en proposant des sujets plus diversifiés, M Magazine continue de voir ses ventes diminuer au fil des numéros. En mars 2000, le groupe suisse Edipress décide de s’associer avec le groupe français Excelsior et fondent la filiale Ediexcel (elle possède aussi le magazine Vital). Or, avec le changement de groupe, les crédits alloués au magazine diminuent de 40%, une partie de la rédaction est remerciée : pour le rédacteur en chef : “ c’est toujours plus difficile de faire bien mieux avec bien moins ” 893 , d’autant plus que la direction évoque la nécessité du lancement d’une nouvelle formule pour sauver le magazine, les ventes étant passées sous les 50 000 unités. Ainsi l’objectif était de“ remonter en gammeGarder le concept santé-forme, ne pas toucher au noyau dut, à l’idée de départ qui était de s’adresser à des hommes en leur parlant de santé, leur forme, le sport mais de changer l’image, l’enveloppe. En fait, de garder le moteur mais on remettait complètement la carrosserie à neuf. D’où l’embauche d’une nouvelle direction artistique : un directeur artistique extérieur et un interne qui ont vraiment cassé la maquette et qui en ont fait une neuve, toute nouvelle, beaucoup plus élégante, avec une nouvelle typo, de nouvelles formes d’orthographe C’était une refonte totale, générale  894

Cette nouvelle formule présente alors de nouvelles rubriques : une enquête sur un sujet de société, plus de sport, plus de pages consommation, des rubriques donnant la parole aux femmes ; la rédaction décrit ainsi son évolution dans la plaquette publicitaire de présentation : “ parce que le lecteur de M Magazine évolue, le mensuel s’adapte plus vite encore, pour anticiper ce changement. Trois ans après sa création, M Magazine devient plus puissant, plus élégant, capable de conduire ses lecteurs sur les chemins de la santé, de la forme, du sport, de la séduction, de la mode Bref, du bien vivre sous toutes ses formes. M Magazine nouvelle formule n’a pas la prétention de faire de ses lecteurs des surhommes, mais des hommes plus sûrs d’eux, plus riches humainement, physiquement et mentalement ”. C’est donc cette nouvelle version que la rédaction lance sur le marché au printemps 2001, en corrigeant certains points faibles notés dans un audit commandé par le groupe Excelsior.

Cet audit, commandé auprès d’un cabinet de conseils en communication, a rendu ses conclusions en décembre 2000, dans un rapport intitulé Bilan prospectif du positionnement de Magazinequi nous a été remis par la rédaction au moment de notre départ. Selon ce cabinet, M Magazine souffre alors d’une «représentation trop ludique de la sexualité», d’une «consommation non appropriable», d’une «représentation caricaturale naïve et macho des femmes», d’une «lassitude et impression de répétition du rédactionnel et de la couverture», d'une «maquette brouillon», est «un magazine peu impliquant»… et doit renforcer certains points tels que la présence plus importante des femmes, développer le tourisme, les loisirs, donner une représentation vivante et réaliste de la sexualité, proposer une consommation pratique, une représentation du corps adulte et non pas du corps jeune de l’éphèbe… Les quatre conseils donnés à M Magazine par cette étude sont de mettre en avant : «la représentation de tous les aspects de la vie de l’homme», «une ouverture plus forte aux autres et particulièrement aux femmes», «une approche pragmatique et quotidienne des sujets» et «une minorisation du corps plastique au profit du corps bien-être hédoniste». Or, malgré la mise en pratique dans la nouvelle version de certains de ces conseils (plus de femmes, abandon des couvertures d’hommes torse nus au profit d’hommes entièrement habillés, mise en place de rubrique loisirs…), les ventes n’ont jamais décollé. Faute d’avoir été accompagnée d’une campagne promotionnelle 895 , et du délai très court accordé par le groupe pour voir les ventes s’accroître, la nouvelle version de M Magazinese voit rapidement et brutalement arrêtée par ses dirigeants.

Notes
893.

Propos tenus par le rédacteur en chef de M Magazine lors de l’entretien du 31 mai 2001.

894.

Ibid.

895.

La nécessité d’une nouvelle version ayant été énoncée et mise en pratique rapidement, les budgets publicitaires ne pouvaient débloquer d’autres fonds. C’est pourquoi la campagne publicitaire a été effectuée sur le dernier numéro de l’ancienne formule et non sur le premier numéro de la nouvelle formule.