b) Le maudit mardi 29 mai 2001.

A notre arrivée dans la rédaction en ce début du mois de mai 2001, l’équipe de M Magazine nous a accueillis sans jamais évoquer les difficultés rencontrées par le magazine, nous présentant la nouvelle formule comme le moyen de redynamiser le titre. Or, les journalistes évoquaient avec nous les mauvais chiffres de vente, la nouvelle formule comme le dernier espoir de sauver le magazine, mais dans des conditions de travail trop limitées en temps pour espérer, dans un délai si court, endiguer l’érosion mensuelle de l’audience.

La rédaction travaillait, en ce mois de mai, sur le numéro 40 de juillet-août 2001 devant être bouclé le mercredi 30 (pour sortir dans les kiosques le 15 juin). Le mardi 29, il ne restait donc que peu d’éléments à rajouter pour que l’impression du magazine puisse commencer. En effet, la couverture venait d’être choisie, le chemin de fer était complet hormis l’éditorial que le rédacteur en chef, ayant l’habitude de le rédiger au dernier moment, avait projeté d’écrire dans la soirée. C’était donc un nouveau numéro de M Magazine prêt à partir à l’imprimerie que nous avions sous les yeux, en cette matinée ensoleillée. Or, personne dans la salle de rédaction dans laquelle nous étions installés savait que l’avenir de M Magazine était déjà joué.

En effet, vers 8 heures, dès son arrivée, le rédacteur en chef avait été convoqué par le directeur de publication lui annonçant l’arrêt immédiat du magazine. Le rédacteur en chef nous a expliqués, ultérieurement à l’annonce à la rédaction, qu’il avait proposé sa démission afin de sauver le titre et l’équipe rédactionnelle, mais la décision étant prise depuis longtemps, le groupe n’est pas revenu sur sa volonté de faire disparaître M Magazine. Il a annoncé cette décision au directeur artistique vers 10 heures, le reste de la rédaction a été convoqué dans le bureau du rédacteur en chef en début d’après-midi 896 . Ce fut donc le choc pour une rédaction qui venait de lancer une nouvelle version, qui venait de clore le nouveau numéro, qui avait commencé certains articles pour le numéro de septembre et qui ne s’attendait pas à voir leur magazine disparaître du jour au lendemain, même s’ils étaient conscients des mauvais chiffres de vente. Outre ce choc collectif, une partie des journalistes, en notamment ceux qui étaient les piliers du magazine (les chefs de rubriques ayant fait naître le magazine) était alors absente de la rédaction, étant soit en vacances, soit en reportage à l’étranger…

Les journalistes ont donc stoppé de suite le travail, quelques rares membres du personnel du groupe venant leur rendre une visite compassée 897 , et ont continué à venir dans la rédaction pour sauvegarder certaines données, pour ranger, pour discuter des conditions de leur licenciement, pour se servir des moyens techniques de la rédaction pour refaire des CV, consulter via Internet les offres d’emploi 898 … Ce furent des journées déroutantes mais dans lesquelles régnait une solidarité entre tous les membres, le rédacteur en chef passant son temps à discuter avec nous dans la rédaction.

Quelles sont les véritables raisons de l’arrêt du titre ? Nous avons vu que les ventes du magazine chutaient depuis l’arrivée de Men’s Health, et que la création d’une nouvelle formule n’a pas rencontré les résultats escomptés ; or, deux numéros seulement de cette nouvelle version ont vu le jour, il semblerait donc que le groupe Ediexcel ait décidé, bien avant de connaître les résultats du deuxième numéro, d’arrêter de soutenir une publication sans avenir.

Notes
896.

Nous n’avons pas pu assister à cette réunion, mais nous avons de suite été informés par les journalistes de l’arrêt et avons ensuite assisté aux réunions organisées pour débattre, pour s’organiser, pour réfléchir aux raisons de l’arrêt.

897.

Le contraste entre le nombre de visiteurs en début de mois et le peu de visites dans la rédaction après l’annonce de l’arrêt du titre fut saisissant.

898.

Certains membres de la rédaction ont retrouvé un poste dans le même groupe et notamment au sein de la rédaction de Vital, d’autres ont retrouvé des emplois dans d’autres secteurs tels que l’édition… Le rédacteur en chef a, dans collaboré au numéro 40 de FHM, en signant une enquête sur les erreurs à l’hôpital.